Son peuple était
en danger d'extermination. Nouveau-né, il fut placé dans un panier
sur le Nil afin d'assurer sa survie. Arrivé à l'age adulte, il
put ainsi devenir le héros, le sauveur, capable d'accomplir des actes
qu'aucun autre être humain n'aurait pu accomplir.
Le super héros juif,
est-ce Moïse ou Superman?
Cela pourrait être
l'un ou l'autre. Superman fut conçu par deux gosses juifs, Jerry Siegel
et Joe Shuster qui s'inspirèrent de Moïse. On raconte que les créateurs
ne pouvaient pas travailler à leur bande dessinée le jeudi soir
car Madame Siegel avait besoin de la planche à pain qu'ils utilisaient
pour pétrir ses 'halot (pains tressés) de Chabbat.
Un héros réunit
les qualités que les gens admirent et aspirent à posséder.
On veut d'une part lui ressembler et d'autre part lui témoigner le respect
dû au leader.
On peut donc acquérir
beaucoup de connaissances sur les différentes cultures simplement à
la vue de ses héros.
LE SUPER HEROS AMERICAIN
Prenons pour exemple le
supe héros américain. Il est grand, élégant, athlétique
et exceptionnellement doué pour la bagarre.
Le super-héros de
notre époque ne dépend que de lui-même. Le Batman des années
90 n'a rien à voir avec le boy-scout des années 70, "toujours
prêt" à accomplir une BA (Bonne Action). Il émane de
lui une formidable puissance et une incomparable présence. Il peut même
posséder des super-dons. Son alter ego, ami inséparable, qui connaît
son secret, est à peine moins doué que lui. Notre super-héros
est aisé financièrement et mène une carrière professionnelle
brillante.
Ces caractéristiques
sont bien entendu accentuées au maximum pour les super-héros des
enfants. Mais le monde des adultes n'est pas en reste. Franklin Roosevelt, président
des Etats-Unis pendant notamment la période difficile de la deuxième
guerre mondiale, hémiplégique, ne fut jamais photographié
en chaise roulante. Le succès de Charles de Gaulle, président
de la République française, peut être attribué entre
autres à son charisme qu'il a su, avant beaucoup, exploiter à
la télévision à peine naissante dans les années
60.
Il n'a aucune qualification ni expérience mais il est très grand, aussi ira-t-il très loin.
(Dans une bande dessinée
américaine, le patron présente un nouvel employé par ces
mots: "Il n'a aucune qualification ni expérience mais il est très
grand, aussi ira-t-il très loin; ses cheveux ont le style cadre, je pense
qu'ils deviendront argentés".)
Les campagnes électorales,
qu'elles soient pour la présidence ou la députation, sont devenues
extrêmement personnalisées; c'est le one man show. Les candidats
doivent avoir une belle allure, bien parler et un air imposant. Leur curriculum
vitae avant, c'est-à-dire avant la fonction de président ou de
parlementaire, est tenu d'être impressionnant et doit mentionner une carrière
hors pair et une généalogie familiale célèbre.
Le Judaïsme est-il
différent?
LE SUPER HEROS JUIF
Il semblerait que non. Mais
cette différence est subtile. Et la nuance qui sépare les deux
types de héros est en fait plus profonde qu'on ne le pense.
Il y a quatre modèles
de héros ou de dirigeants dans le Judaïsme:
- le roi
- les membres du Sanhédrin (le conseil des sages)
- le grand-prêtre
- le prophète
Comme ils ont des caractères
similaires, nous les analyserons tous ensemble.
Le Talmud (Nedarim 38a)
spécifie que l'Esprit Saint ne peut habiter qu'en une personne puissante,
riche, sage et humble. On conçoit aisément l'importance de la
sagesse et de l'humilité pour un prophète mais pourquoi devrait-il
être également puissant et riche?
Maïmonide en explique
l'idée au moyen du principe discuté dans la Michna: "Qui
est fort? Celui qui domine son mauvais penchant, Qui est riche? Celui qui se
contente de son lot."
Selon lui, la puissance
et la richesse envisagées sont des attributs intérieurs, spirituels
plutôt que la force brutale et un monceau de pièces de monnaie.
Cependant, cette explication
ne semble pas refléter exclusivement ce que le Talmud veut dire. Et nous
nous demandons encore pourquoi la force physique et la richesse matérielle
sont requises pour devenir un prophète.
L'histoire d'une garenne
de lapins "Watership Down", roman écrit par Richard Adams,
est à même d'illustrer notre propos. Fiver, un pauvre lapin chétif
et hypersensible, est doté du don de la prophétie (assez rare
chez les lapins!). Il prédit que la garenne où vivent ses compagnons
et lui-même sera détruite par un promoteur immobilier et tente
de convaincre les autres lapins de fuir les lieux. Mais ses amis ne le croient
pas; qui peut leur en faire grief? Ce misérable lapin est à coup
sûr en plein délire, dérangé et profondément
détraqué.
Un être malingre,
souffreteux ou en général pitoyable ne sera pas crédible
en tant que prophète. Peut-être, pensera-t-on, affabule-t-il pour
se faire remarquer; en fait il n'a rien à perdre. Il est donc impératif
qu'un prophète soit bien portant et fortuné afin d'être
fiable aux yeux du public.
Des raisons semblables s'appliquent
aux règles pour nommer un roi. Maïmonide prescrit qu'on ne peut
pas couronner un boucher, un coiffeur, un tenancier de bains. Ce n'est pas parce
que ces personnes ne sont pas capables intrinsèquement de remplir le
rôle de souverain- Le Judaïsme attache plus d'importance aux qualités
internes qu'au prestige superficiel. Néanmoins, ces professions ne sont
pas très glorieuses; le titulaire ne serait pas pris au sérieux
et son autorité en serait par là compromise.
UN POINT
DE VUE PRAGMATIQUE
Les conditions exposées
ci-dessus devraient garantir le respect accordé au roi par ses sujets.
De même, le roi ne doit pas se montrer dénudé (l'ex-candidat
à la Maison blanche, Al Gore, avait au contraire basé sa promotion
sur une photo l'exhibant sortant de l'eau). Quant au roi, il est lui-même
redevable de cet honneur à l'institution appelée monarchie car
elle est beaucoup plus grande que lui. Il n'a aucun droit de renoncer à
toute parcelle de respect dû à la royauté.
D'autre part, le roi n'est
qu'un instrument qui garantit l'unification du peuple au sein d'une société
régie par la loi.. Des règles limitent aussi ses actes; il ne
peut amasser une richesse non indispensable, boire excessivement et doit agir
envers ses sujets humblement et d'une manière égale quelle que
soit leur position sociale.
Le plus grand leader de tous les temps, la plus grande personnalité, est Moïse, le vrai superman.
Toutefois, bien que ces
exigences soient nécessaires pour lui conférer l'image idéale
de leader, elles passent à la seconde place devant les traits internes
de sagesse, de détermination et d'intégrité. S'il y a conflit
entre les caractères extérieurs et intérieurs, ce sont
ces derniers qui doivent prendre le pas.
Le plus grand leader de
tous les temps, la plus grande personnalité, est Moïse, le vrai
superman.
Il est intéressant
de noter que son surnom est essentiellement différent de ceux désignant
les autres grands hommes. On parle de Richard Coeur de Lion, Guillaume le Conquérant,
Alexandre le Grand, Ivan le Terrible. Mais Moïse est appelé Moché
Rabbénou, notre Maître.
L'HUMILITE DE MOÏSE
Sa grandeur - outre son
humilité- est tout entière dans la sagesse qu'il a enseignée
à son peuple. (Son prestige ne doit rien aux miracles qu'il a accomplis
car le peuple juif douta constamment de leur authenticité, suspectant
quelque mystification ou sorcellerie, et ne les accepta pas comme preuve qu'il
était le messager de D.ieu.).
De plus, Moïse lui-même
fut exempt de la qualité la plus marquante pour faire de nos jours un
leader: une bonne élocution. La Bible nous raconte qu'il avait du mal
à s'exprimer oralement! Ce défaut serait rédhibitoire pour
un candidat à la présidence. Mais Moïse, on le suivait pour
la vérité de ses paroles et non pour le panache avec lequel il
les auraient prononcées.
Dans notre ère de
mass media, l'image est fondamentale. Le Judaïsme en sait l'importance
mais ne l'intègre dans sa table de valeurs que comme concession à
la myopie intellectuelle de l'être humain.
N'oublions jamais que ce
sont les qualités intérieures qui créent les super-forces.