Différents des Monts de Juda qui forment autour de Jérusalem et plus loin au sud une chaîne régulière de montagnes, en majeure partie dénudées et stériles, les monts Ephraïm ne présentent, eux, aucune régularité de structure ; de plus, ils sont verdoyants, et des vallées fertiles les relient l'un à l'autre. C'est que les pluies y sont abondantes, de même que les sources naturelles d'eau. Au cœur de ces montagnes se trouve la ville de Chékhem (appelée par les Arabes Naplouse).
Nous irons aujourd'hui en excursion dans les montagnes situées au nord de Jérusalem : les Monts Ephraïm qui doivent leur nom à la tribu à laquelle ils échurent lors du partage de Terre Sainte.
UN PEU DE GÉOGRAPHIE
La vallée où cette ville est située coupe ce massif montagneux en deux parties : l'une septentrionale, l'autre méridionale. La première commence au Mont Ebal d'où furent lancées les malédictions qu'encouraient les enfants d'Israël au cas où ils s'écarteraient des voies de la Torah.
De là, deux chaînes se développent : l'une suit une courbe qui s'étend jusqu'au Mont Guilboa, l'autre se dirige vers la mer, se terminant par le beau Mont Carmel qui culmine à environ 550 mètres d'altitude.
La partie méridionale part du Mont Guérizime au sommet duquel les Samaritains érigèrent leur temple (y adorant une colombe). Ces montagnes sont plus hautes que celles du nord, et atteignent une altitude pouvant aller jusqu'à 750 mètres.
Le Mont Guilboa est crayeux, sec et presque nu. Il reçoit peu de pluie et semble porter tout le poids de la malédiction du roi David qui, pleurant la mort du roi Saül et de Jonathan (tombés en combattant contre les Philistins), arrivé là s'écria :
" Et vous, Montagnes de Guilboa, Qu'il n'y ait sur vous ni rosée, ni pluie, Ni champs qui donnent les prémices pour les offrandes.
Car là ont été jetés les boucliers des héros, le bouclier de Saül, comme s'il n'avait pas été oint d'huile. "
Cette partie aride mise à part, les Monts Ephraïm sont généralement verts et boisés. Autrefois, des forêts épaisses recouvraient toute la région. Elles furent décimées par les étrangers qui y vécurent après l'exil du peuple juif. Aujourd'hui, les pentes de ces montagnes sont couvertes de vignes et d'oliviers.
JOSUÉ ET EHOUD
Har Ephraïm - le Mont d'Ephraim - joua un rôle important dans l'Histoire juive ancienne. C'est ici qu'un illustre fils d'Ephraïm, Josué, rassembla le peuple, deux ans avant sa mort. II le réunit à Chékhem où il l'exhorta à servir Dieu fidèlement. Quand il mourut à l'âge de 110 ans, il fut enseveli à Timnath-Sérah, sur le Mont Ephraïm.
Ehoud, fils de Guéra, un Benjaminite, ajouta au renom de ce mont. II tua le roi Eglon de Moab qui opprimait les juifs, et s'enfuit au Mont Ephraïm.
Là, au son de sa trompette, il rassembla l'armée juive et marcha à sa tête sur Jéricho. Occupant les passages du Jourdain, il enleva aux Moabites toute possibilité de fuite à travers le fleuve. Dix mille de ces derniers furent tués ; ceux qui survécurent à ce massacre durent quitter bien vite le pays.
Cette victoire valut aux Juifs de longues années de paix et de prospérité.
UNE GRANDE PROPHÉTESSE : DÉBORAH
Qui n'a entendu parler de la célèbre prophétesse Déborah ? Elle aussi vécut dans la région, à mi-chemin entre Ramah et Beth-El. Quand les juifs, après là mort d'Ehoud, s'écartèrent des voies de la Torah et que Dieu les livra aux mains de Jabin, roi de 'Hatzor et chef des Cananéens, ils subirent pendant vingt ans la tyrannie de ce dernier et de son cruel général Sisséra.
Assise sous un palmier, Déborah amena le peuple juif à revenir à Dieu et à se libérer de la brutale oppression de Canaan.
Elle fit appel à Barak, fils d'Abinoam, afin qu'il levât une armée juive et la fit marcher contre Sisséra. Les chars de fer de ce dernier ne lui furent pas d'un grand secours. Son armée est vaincue et il est obligé de fuir. Il cherche refuge dans la tente de Yaël, femme de 'Hébère le Kénien, un descendant de Jéthro. Cette dernière le tue. Ainsi le fier général trouvait, de la main d'une femme, une mort peu glorieuse.
Déborah qui avait accompagné Barak au champ de bataille afin d'exalter le moral des combattants juifs, revint chez elle au Mont Ephraïm où elle composa le poème prophétique, le justement célèbre Cantique de Déborah.
Elle s'y réfère à Josué, le premier grand chef issu d'Ephraïm, qui défit Amalek, le premier ennemi des Juifs, et elle prophétise les futurs grands guides d'Israël qui défendront en cas de nécessité leur peuple.
UNE ARMÉE DE 300 HOMMES
Les Ephraïmites, vivant au centre du pays et proches du Jourdain, devaient jouer à nouveau un rôle important à l'époque du juge qui succéda à Déborah : Gédéon. D'Ophrah, une ville de Manasseh, voisine d'Ephraïm, ce dernier partit libérer son peuple de l'oppression Madianite.
Avec une minuscule armée de trois cents hommes, il se prépara à attaquer les forces ennemies bien supérieures en nombre.
Profitant de la nuit, il eut recours à un stratagème ingénieux dans le but de jeter la confusion et la terreur parmi ses adversaires. Il fit de sa petite armée trois groupes de cent hommes chacun qu'il posta sur trois côtés autour du camp des Madianites, laissant le quatrième côté libre pour permettre à ceux-ci de fuir. Chacun des combattants de Gédéon tenait d'une main une corne, et de l'autre une torche allumée dont la flamme était dissimulée par une cruche.
A un certain signal, dans les ténèbres de la nuit, les hommes brisèrent les cruches, dévoilant ainsi brusquement les flammes de leurs torches. En même temps, et sans bouger de leurs places, ils soufflèrent dans leurs cornes aussi fort qu'ils purent.
Les Madianites réveillés en sursaut par ce vacarme, et voyant cette multitude de feux qui les encerclaient presque entièrement, furent terrifiés et fuirent en désordre comme un troupeau pris de panique.
Gédéon dépêcha aussitôt de rapides messagers à travers tous les monts d'Ephraïm ordonnant au peuple d'occuper immédiatement les passages du Jourdain, afin de couper la retraite aux Madianites.
Les ordres furent promptement exécutés. Il en résulta un terrible massacre des fuyards qui tentaient de traverser le fleuve. Deux princes ennemis furent capturés et tués, et leurs têtes portées à Gédéon.
Fiers de cette brillante victoire, les hommes d'Ephraïm s'en prirent à ce dernier, lui reprochant de n'avoir pas fait appel à eux plus tôt. Echauffés par la bataille et exaltés par leur succès, ils étaient capables de provoquer des troubles graves. Mais le sage Gédéon les calma en disant : " Qu'ai-je fait en comparaison de vous? Le grappillage d'Ephraïm ne vaut-il pas mieux que la vendange d'Abiézère ? " Le père de Gédéon était natif d'Abiézère dans Manasseh.
En louant ainsi les hommes d'Ephraim, il écartait les risques d'un conflit qui eût pu être d'autant plus tragique pour le peuple que celui-ci était en plein triomphe. Cet épisode éclaire le caractère des Ephraïmites : combattants intrépides, mais aussi orgueilleux, et supportant mal l'effacement et les rôles de second plan.
" VIVE LE ROI ! "
Le Mont Ephraïm fut le lieu de naissance du grand prophète Samuel.
Son père Elkanah et sa mère 'Hannah, elle-même prophétesse, vivaient à Ramataïm-Tzophim et appartenaient à la tribu de Lévi, Encore tout jeune garçon, il fut emmené au Sanctuaire de Chiloh et confié à Eli le grand prêtre, selon le vœu fait par sa mère quand elle demanda à Dieu de lui donner un fils. Avec Samuel, une nouvelle ère s'ouvrait : la période des juges était arrivée à son terme, celle des Prophètes commençait.
C'est à Ramah, dans les montagnes d'Ephraïm, que vécut Samuel. De là, il rayonnait vers les villes et villages d'Israël, enseignant, instruisant son peuple. Dans les faubourgs de Ramah, il rencontra pour la première fois Saül, fils de Kiche, de la tribu de Benjamin, qui venait demander au " Voyant " de l'aider à retrouver quelques ânes que son père avait perdus. Samuel avait été averti par son don Divin de l'arrivée de Saül, et de sa future accession au trône d'Israël. Le lendemain matin le prophète accompagna celui-ci à la porte de la ville et le sacra roi.
Le secret fut bien gardé par le modeste Saül. Plus tard, à Mitzpah, non loin de Ramah, le peuple fut rassemblé afin qu'à la demande de Samuel il élût un roi. On tira au sort d'abord parmi les tribus. La Tribu de Benjamin fut désignée. Ensuite, on tira au sort parmi les différents foyers qui la composaient, et ce fut celui de Kiche qui l'emporta. Enfin le sort désigna parmi les fils de ce dernier, Saül. Mais celui ci était absent. II se cachait dans les champs où on finit par le découvrir. II fut amené devant les tribus assemblées. Son port majestueux provoqua un cri unanime : " Vive le roi ! "
DEUX ROYAUMES DISTINCTS
Mais les Monts d'Ephraïm furent aussi le théâtre d'un événement tragique : la division du Royaume de la Maison de David en deux royaumes distincts; celui de Juda, avec Jérusalem pour capitale, et celui septentrional des Dix Tribus, appelé aussi parfois le Royaume d'Ephraïm, avec Chékhem pour centre.
Cela eut lieu quand Jéroboam, prenant la tête de la révolte contre Roboam, fils de Salomon, devint roi des Dix Tribus. Au cours des cinquante années qui suivirent, cinq rois se succédèrent sur le trône du Royaume du Nord, jusqu'à ce qu'Omri, un capitaine de l'armée, qui jouissait d'une grande popularité, fût proclamé roi.
C'est le début d'une dynastie nouvelle. Omri acquit l'une des belles montagnes d'Ephraïm et édifia la ville de Chomron ou Samarie qui fut désormais la capitale tant que dura le Royaume du Nord.
Durant les deux siècles et demi qu'exista ce royaume, jusqu'à l'exil des Dix Tribus par Chalmanasar, roi d'Assyrie, les Monts d'Ephraïm et les différentes villes qu'ils abritaient furent au centre d'événements importants.
Mais le temps passe et notre visite doit prendre fin; nous quitterons à regret ces belles montagnes en pensant aux paroles des prophètes selon lesquelles quand la venue du Messie sera annoncée sur les montagnes de notre Terre Sainte, il n'y aura point deux royaumes en Israël, mais un seul, ayant à sa tête un descendant de la Maison de David.
Par le Magazine Conversations avec les Jeunes