A notre époque, bien que de nombreux plans
et programmes ait été établis pour encourager la cause de l'anti-pauvreté, nous
avons encore un long chemin à parcourir avant que la pauvreté ne soit
complètement enrayée de notre vie.
L'assistance aux pauvres, cependant, n'est pas seulement du ressort des organismes philanthropiques et agences sociales; elle incombe à chacun d'entre nous.
Que ce soient les personnes âgées, les
chômeurs, les institutions religieuses, etc., des centaines et des milliers de
gens de par le monde ressentent la gêne financière à cause de la situation
économique mondiale actuelle.
L'assistance aux pauvres, cependant, n'est
pas seulement du ressort des organismes philanthropiques, agences sociales,
etc., bien qu'ils soient les principaux tuteurs des nécessiteux et des
indigents. Dans la vie juive, la charité est confiée à chaque juif ou juive
individuellement et il est de la responsabilité de chaque juif d'aider ceux qui
sont moins fortunés.
En commémorant le miracle de Pourim, nous
avons l'obligation " d'envoyer des cadeaux [comestibles] l'un à l'autre
(Michloa'h Manote) et des dons aux pauvres - Matanote Laévyonime " (Esther,
9:22). Bien que dans la langue hébraïque le pauvre soit appelé de différents
synonymes (Ani, Evyon, Miskène, Rache, Dal,
Dakh, Makh), le terme employé dans ce passage est Evyon.
En distinguant entre " Ani " et "
Evyon ", nous reconnaissons deux type de pauvres:
Ani est un pauvre qui a encore
quelques possessions. Un Evyon cependant, est celui qui est bien plus
pauvre qu'un Ani et il est par conséquent considéré comme quelqu'un "
qui désire absolument tout " (Cf. Rachi, Dent. 15:4). II a besoin de tout, même
de la chose la plus banale, puisqu'il n'a rien du tout. Ce besoin intrinsèque
et cette attente pour n'importe quelle forme d'assistance se trouvent dans le
mot Evyon même, lequel dérive de la racine " Ava " qui
signifie " vouloir " (Cf. Deutéronome, 25:7). Ceci, en vérité, représente le
niveau le plus bas de la pauvreté.
Le terme Evyon - " qui désire
tout" - a cependant une autre connotation, et se réfère à l'autre extrême de
pauvreté. II peut se rapporter aussi à celui qui désire tout, même les choses
les plus luxueuses de la vie (bien qu'il possède les choses les plus
élémentaires, etc.) parce qu'il avait été auparavant habitué à de telles
choses.
DES AMIS COMMUNS
Nos Sages commentent le passage "
Donne-lui ce qui lui manque " (Deutéronome, 15:8), en expliquant que
cela inclut " même un cheval à chevaucher et un esclave qui court (en son
honneur) devant lui " (Kétouvot, 67-b). Et le Talmud nous raconte que Hillel
l'Ancien avait acheté un cheval pour un pauvre homme de noble descendance afin
qu'il le monte et engagea un serviteur pour courir devant lui. Un jour, il ne
put pas trouver un serviteur qui puisse courir devant son bénéficiaire et
Hillel lui-même courut devant le pauvre homme durant cinq kilomètres.
Nous pouvons voir maintenant que le mot hébraïque Evyon comprend tous
les aspects de pauvreté du niveau le plus bas au plus élevé.
En réalité le donateur ne donne pas quelque chose qui lui appartient réellement, mais il rend seulement au bénéficiaire quelque chose de sien qui était chez lui en dépôt.
En soulageant les affres de la pauvreté,
l'homme pourrait se considérer " riche " et penser qu'il donne quelque chose
qui lui appartient à son voisin pauvre ; il est donc le " donateur " et le
pauvre homme le " bénéficiaire ". En apparence cela semble le cas; cependant la
Meguilah de Pourim nous explique le contraire.
D'abord regardons de plus près le texte
prescrivant ces Mitzvoth de Pourim : " Oumichloa'h Manoth Iche l'Rééhou
Oumatanoth Laévyonime ". La traduction littérale de ce passage
contient deux commandements distincts que nous devons observer le jour de
Pourim, à savoir :
a) Michloa'h Manoth Iche l'Rééhou
- " envoyer des cadeaux l'un à l'autre "
b) Matanoth Laévyonime - " faire
des dons aux pauvres ".
Dans le sens homélique cependant, nous
trouvons une association intéressante entre les deux aspects, telle que nous la
trouvons dans la signification toute spéciale de la charité au mois d'Eloul,
dernier mois du calendrier juif, qui précède les Grandes Fêtes.Les
quatre lettres du mot Eloul se trouvent dans l'acrostiche des mots suivants :Ich
(aleph), Léréou (lamed), Oumatanote (vav) Laévionim (lamed)
.
Ainsi les mots Ich Léréou (chacun
à son ami) sont attachés et précèdent les mots Oumatanote Laévyonime (cadeaux
aux pauvres) ce qui représente le véritable idéal de la Tsédakah (généralement
-mal- traduit par "charité"). Lorsqu'on donne un " cadeau au pauvre "
(c'est-à-dire l'action de charité à n'importe quel moment de l'année)
on l'offre à son ami. Le donataire est considéré comme un ami du donateur,
égal à lui. Puisque, en réalité le donateur ne donne pas quelque chose qui lui
appartient réellement, mais il rend seulement au bénéficiaire quelque chose de
sien qui, jusqu'à présent, était gardé en " sécurité " chez le donateur.
Cette attitude idéale est mise en relief
par l'adage familier, souvent utilisé par les 'Hassidime du fondateur de
'Habad, Rabbi Schnéour-Zalman de Liadi: " Le morceau de pain qui m'appartient
est aussi bien à toi qu'à moi ". Et ils disaient " à toi " en
premier, car en vérité le donateur profite de son acte de charité plus que le
bénéficiaire, comme nos Sages déclarent : " Le pauvre fait plus pour le
donateur que le donateur ne fait pour le pauvre" (Midrach, Vayikra,
Ch. 34 .8). Ainsi, poursuit le Midrach, Ruth dit à sa belle-mère, Noémie :" Le
nom de l'homme pour qui j'ai fait aujourd'hui est Boaz ". En revoyant
l'histoire de Ruth, on voit tout à fait le contraire. Ce fut Boaz qui fut plein
de gentillesse et de bonté envers une parfaite étrangère - envers une pauvre
femme, seule, en la laissant aller sans réserve à travers son champ glaner
toutes les gerbes qu'elle désirait. Mais au lieu de dire " qui a fait pour moi
", Ruth décrivait son expérience par " pour qui je fis ", et par
là-même disait à Noémie: " je lui accordais plusieurs bonnes actions et
bénéfices (PéouloteTovote) en retour de la nourriture qu'il m'a donnée ".
BENEFICES RETIRES DU PAUVRE
Rabbi Samuel Yaffeh Achkénazi,
Grand-Rabbin de Constantinople, présente dans son commentaire " Yeféh Toar ",
une analyse en profondeur de ce passage.
Le Midrach souligne, dit-il, qu'à côté de
la récompense glorieuse qui attend le donateur au Paradis, les bénéfices qu'il
retire en ce monde sont aussi proportionnellement plus grands que les bénéfices
que le pauvre reçoit des contributions charitables. Car en aidant le pauvre et
l'indigent, les biens du donateur sont bénis et il est épargné d'une mort
prématurée (" La charité sauve de la mort " - Proverbes, 10:2 et 11:4)
et il acquiert dignité et honneur.
Ceci est accentué par les mots de Ruth "
pour qui je fis aujourd'hui ", ce qui signifie en ce monde. Cependant, en ce
qui concerne les bénéfices accrus dans le monde à venir pour avoir fait la
charité, aucune preuve n'est requise puisqu'il est bien connu qu'ils sont
extrêmement grands et en aucune façon comparables avec la bonté que le donateur
accorde au bénéficiaire. Dans sa terminologie précise, le Midrach décrit deux
types de bénéfices pour le donateur : a) Peouloth, c'est-à-dire la
satisfaction que le donateur retire de l'acte même ; et b) Tovote,
bonté, qui représente les affaires terrestres du donateur, et la vague de
succès qui s'ensuit par le mérite de la Mitzvah.
UN CADEAU DE VIE
Les enfants aussi devraient être encouragés et habitués à donner de la Tsédakah le plus souvent possible.
Il est dit: " Qui donne au pauvre
prête à Dieu, et Il lui remboursera ses bonnes actions " (Proverbes, 19:17).
Le Midrach questionne : Que signifie la dernière partie de ce passage ? Et Rabbi
Pin'hass haCohen, au nom de Rabbi Réuben, répond: On peut penser que si quelqu'un
donne une Proutah (pièce de monnaie) à un pauvre, Dieu lui remboursera une Proutah.
En fait, Dieu dit : " L'âme du pauvre était sur le point d'expirer de faim et
grâce à ta contribution tu lui as rendu la vie même, pour ceci, je te rendrai
âme pour âme. Si demain ton fils ou ta fille tombent malades et sont sur le
point de mourir, je me rappellerai de ton acte et leur donnerai la vie ".
Ceci, en fait, est la " Charte "
anti-pauvreté de la Torah. Peut-être y a-t-il certaines périodes de l'année où
il faut faire la charité plus qu'à d'autres (par exemple les mois d'Eloul et
Tichri, Pourim, avant Pessa'h), mais la Tsédakah, l'acte positif de contribuer
à la charité - quel qu'en soit le montant - est valable chaque jour de l'année
(à l'exception bien entendu de Chabbath et dees jours de fête, lorsqu'il est
interdit de toucher de l'argent ; on peut cependant s'engager verbalement à
payer une donation).
Il est par conséquent hautement
recommandé qu'une boîte de charité soit placée dans un endroit bien en vue de
chaque foyer juif afin que chaque membre de la famille ait la possibilité de
déposer la Tsédakah lorsqu'il en a l'occasion. Les enfants aussi devraient être
encouragés et habitués à donner de la Tsédakah le plus souvent possible.
Par le mérite de la Tsédakah
puissions-nous, notre peuple tout entier, être témoins de l'arrivée de notre
juste Machia'h, ainsi que nos Sages nous l'ont affirmé : " La charité accélère
la rédemption " (Baba Batra, 10-a). Puisse-t-elle se réaliser
rapidement, de nos jours.
(Adapté d'un
Discours du Rabbi de Loubavitch)