Un poème donc. Mais
d'un genre plutôt morbide, puisque ici les métaphores sont au service
d'un nihilisme vengeur. Tuer, se faire exploser, être un martyr sont les
termes scandés par cette litanie suicidaire.
Notre civilisation en mal de grandes causes a parfois tendance à embellir et idéaliser hâtivement la raison du plus faible.
Pourquoi et comment l'Islamisme
a fait le choix du terrorisme radical, n'est pas mon propos. Mon interrogation
est plus modeste : pourquoi aujourd'hui un " pignon sur rue " de l'édition
française - Flammarion - a-t-il choisi de publier un roman pour la jeunesse
qui fait en dernière analyse l'apologie du terrorisme ?
Il est vrai qu'idéologiquement,
notre civilisation en mal de grandes causes a parfois tendance à embellir
et idéaliser hâtivement la raison du plus faible. Même si
le plus faible est un terroriste
Pourvu qu'il rappelle à
certains intellectuels de gauche les anciens et romantiques combats du temps
jadis où tout était aussi limpide que la lutte des classes. Pourvu
qu'il leur rappelle un peu Gavroche et d'autres " Misérables "
indiscutés et les circonstances atténuantes viendront d'elles-mêmes.
Il faut ensuite reconnaître
qu'une forme d'esthétisation de la violence et de la cruauté circule
aujourd'hui au cinéma et dans certaines publicités. Peu à
peu nous nous accommodons de la violence. L'image la banalise repoussant toujours
plus bas notre seuil de tolérance.
Cette esthétisation
qui justifie insidieusement l'injustifiable, était par le passé
le propre des civilisations qui s'ennuyaient. Le cri le plus inoubliable et
le plus prophétique d'un dix-neuvième siècle, engourdi
fut : " plutôt la barbarie que l'ennui " de Théophile
Gautier. Et l'on sait comment le vingtième siècle a malheureusement
comblé ses désirs.
Sans doute, si nous parvenions
à identifier le point de départ de cette aspiration perverse,
de cette idéalisation du chaos, nous pourrions avancer dans la compréhension
de notre propre situation.
Notre monde dit exécrer le terrorisme et en même temps il lui trouve des raisons, l'humanise et finalement le cautionne.
Situation hautement paradoxale,
notre monde dit exécrer le terrorisme et en même temps il lui trouve
des raisons, l'humanise et finalement le cautionne.
J'imagine des ateliers de
lecture initiés par des enseignants compatissants avec fiches, exposés,
commentaires de textes et débats autour de thèmes, comme : le
sens du martyr, comment devient-on terroriste etc
L'histoire nous a appris
que le développement de la morale n'allait pas de pair avec les progrès
de la culture. Mais peut-être que ce livre en sape les fondements mêmes
en proposant aux enfants de rêver la Palestine avec des visions de haine
et de violence aveugle.
C'est d'ailleurs un enfant
qui est censé raconter cette histoire et sa spontanéité
et son " innocence " sont pour le lecteur un gage de vérité
et d'authenticité.
Comme nous vivons également
à l'époque de l'Indifférencié où toutes les
valeurs ou presque se valent, on peut imaginer que ce livre - ironie du sort
ou symptôme- rejoindra bientôt sur les rayons des bibliothèques
enfantines le Journal d'Anne Franck
Je suis d'une époque
pas très lointaine où les livres pour enfants avaient plutôt
comme naïf souci de rêver la paix. Une époque apparemment
révolue pour Flammarion.