Le 19 novembre 1977, le
président égyptien Anouar el-Sadate arrive à Tel-Aviv et déclare aux israéliens,
ce qu'ils souhaitaient entendre d'un dirigeant arabe depuis des décennies :
« Nous vous accueillons au sein du Moyen-Orient. »
A cet instant, Sadate qui
seulement quatre ans plus tôt conduisait les troupes égyptiennes dans une attaque
surprise contre l'état hébreu le jour de Yom Kippour devient un héros israélien.
Se soumettant à la pression intérieure, le gouvernement israélien, dirigé par
le premier ministre de droite Menahem Begin, se retire aux frontières de 1967,
rendant la totalité du Sinaï à l'Egypte.
Alors que nous célébrons
le 25e anniversaire de l'initiative de Sadate, il vaut la peine d'examiner ce
qui demeure, pour l'instant, le seul échange réussi de « territoire contre la
paix » au Moyen-Orient.
Sadate avait compris que
la clé vers la paix consistait à convaincre les israéliens qu'un retrait ne
comporterait aucun risque sécuritaire et que la finalité du processus de «la
terre contre la paix » serait effectivement d'apporter la paix pour Israël.
Le président égyptien a renversé de fait la formule et proposé « la paix contre
la terre » un geste de réconciliation arabe significatif qui a convaincu les
israéliens de prendre le risque de se retirer.
L'ouverture psychologique
de Sadate reconnaissait la précarité d'Israël, comme étant le seul état non-arabe
au Moyen-Orient.
Israël peut personnifier
Goliath dans sa confrontation avec les palestiniens, mais dans sa confrontation
avec le reste du monde arabe, il est retranché dans le rôle de David.
Comparons simplement la
sagesse de Sadate avec l'approche des dirigeants arabes d'aujourd'hui.
Après l'atrocité de la semaine
passée au Kibboutz Metzer (10 novembre 2002, ndlr), au cours de laquelle une mère et ses deux enfants
ont été assassinés dans leur maison par un tireur de la Brigade des martyrs
d'Al Aqsa, la radio officielle de l'Autorité palestinienne, la Voix de la Palestine,
remarquait que l'attaque s'était produite « dans le soit-disant kibboutz, ou
communauté agraire, qui est une colonie au nord de Tulkarem ». En se référant
au kibboutz, situé à l'intérieur des frontières israéliennes d'avant 1967, comme
à une « colonie », la radio affirmait qu'il n'existe aucune différence entre
une implantation en Cisjordanie et une quelconque communauté juive légitimement
en Israël.
Pour les dirigeants palestiniens,
l'état hébreu est en soi une implantation illégale, un greffon étranger dans
le monde arabe.
Ce moment de candeur brutal
nous rappelle que la guerre ne concerne pas les implantations, ni l'occupation,
mais le fait que le gouvernement palestinien refuse d'accepter le droit d'Israël
à l'existence, quelques soient ses frontières.
Ce radioreportage est un
exemple classique du double langage palestinien : alors même qu'Arafat dénonçait
l'attaque sur le kibboutz en anglais, aux médias internationaux, son propre
médium arabe diffusait un message contraire, justifiant l'attaque comme des
représailles aux tirs de l'armée sur deux terroristes, en chemin pour perpétrer
un attentat suicide.
Ce double langage est fréquent
chez la plupart des dirigeants arabes, qui promettent la réconciliation en anglais,
la guerre et la haine en arabe. Prenons par exemple le plan de paix saoudien
tellement prisé, qui fut formulé au printemps dernier. Il offrait la reconnaissance
d'Israël par le monde arabe, en échange d'un retrait territorial complet et
d'une « solution équitable » au problème des réfugiés : une phrase codée pour
désigner l'inondation de l'état hébreu par des palestiniens hostiles à l'existence
d'Israël, plutôt que d'accepter leur réintégration au sein d'un état palestinien.
Le jour où la Ligue arabe
délivra ce plan à Beyrouth, un journal gouvernemental saoudien publiait un article,
reprenant l'accusation médiévale qui prétendait que les juifs employaient du
sang de gentils pour leurs pratiques rituelles. Cette même semaine, le site
Internet en anglais du gouvernement saoudien fit apparaître un long texte, écrit
par un ancien dirigeant du Ku Klux Klan, David Duke, et faisant allusion à la
tentative sioniste de dominer le monde.
Le plan saoudien n'était
rien d'autre qu'une astuce diplomatique visant à limiter les dommages causés
par les attentats du 11 septembre.
Sadate comprit, par contre,
que la clé de la résolution du conflit était psychologique. Tout au long du
difficile processus de paix entre Israël et l'Egypte, Sadate ne fut jamais pris
en flagrant délit de duplicité, parlant de paix en anglais et de guerre sainte
en arabe.
Aucun conquérant n'a jamais
craint, comme Israël aujourd'hui, qu'en se retirant de territoires occupés,
il risquait non seulement la restriction territoriale, mais la destruction.
En effet, aucun autre pays n'est confronté comme Israël, à des ennemis qui refusent
de reconnaître son simple droit à l'existence.
Plutôt que de répondre aux
craintes des israéliens, comme Sadate le fit, les dirigeants arabes d'aujourd'hui
cherchent à les exacerber. Ceci inclut le successeur indigne de Sadate, Hosni
Moubarak. Sa chaîne de télévision gouvernementale diffuse actuellement un drame
en 41 épisodes, centré sur « Le Protocole des Sages de Sion », une calomnie
vieille d'un siècle qui fut le texte antisémite préféré des Nazis.
On trouve aujourd'hui des
rues en Israël portant le nom de Anouar el-Sadate. Quoiqu'il arrive prochainement
au Moyen-Orient, on ne trouvera certainement pas de rue portant celui de Moubarak,
ni d'Arafat.
(Article originellement
publié dans le Los Angeles Times)
Traduction de Tsiporah Trom