Le monde physique est fait
pour que nous en jouissions, mais de notre manière d'appréhender
la matérialité dépend notre élévation spirituelle.
Vous arrive-t-il d'entreprendre
un acte porteur de plaisir et de ne plus pouvoir vous arrêter ? Exemple
: le paquet de chips que vous ouvrez pour grignoter et que vous ne pouvez vous
empêcher de terminer. Au tiers du paquet vous êtes rassasié,
mais vous y replongez inexorablement la main, jusqu'à l'écœurement.
Si la jouissance corporelle
est une part essentielle du bonheur de vivre, elle ne doit cependant pas devenir
notre tyran. Bémiout taanoug qui signifie mettre des limites au plaisir
physique sera l'objet du présent dossier. Manger du chocolat d'accord,
mais pas à longueur de journée ! Vivre, c'est autre chose.
L'être humain est
un être de plaisir et le plaisir est source d'énergie. Mais l'idéal
serait de transformer le bien-être éprouvé en capacité
d'amour et de créativité. Le plaisir physique serait intact, mais
plus intense et enrichissant.
Vivre en gourmet
Imaginez que vous dégustez un très bon plat. A
la première bouchée, vous êtes entièrement concentré
sur votre plaisir, attentif à toutes les impressions gustatives que vous
recevez et au bien-être ressenti. Mais très vite vous passez à
l'étape d'après et vous ne faites plus qu'engloutir. Ce n'est
pas là se comporter en amateur. Pour un connaisseur en vin par exemple,
l'absorption n'est qu'une partie du plaisir. D'abord, il hume, garde longuement
le liquide en bouche pour éprouver sa saveur et son bouquet, et n'avale
que si tous ces préliminaires sont satisfaisants. Essayez avec votre
Coca ! Demandez-vous : " Qu'est-ce que cela produit en moi, qu'est-ce que
cela me procure ? " Car il faut bien avouer que pour la plupart d'entre
nous, 90% du liquide noir se rend directement dans l'estomac sans même
agir sur les papilles gustatives.
Pour se réapproprier
le plaisir, il faut l'identifier et l'optimiser. Formulez très précisément
ce qui le constitue : le goût, l'aspect, l'odeur, les sensations provoquées.
S'il s'agit d'une glace : froide, douce, crémeuse. D'un ami : confiance,
attachement, compréhension. De la Torah : lumière, sagesse, transcendance.
Soyez gourmet en toute chose. Faites en sorte de ressentir le maximum de plaisir.
Faites-le durer en vous concentrant. Plus vous apprécierez, plus vous
serez motivé et plein d'énergie.
La beauté du plaisir
physique
Dans notre société occidentale, persiste l'idée
que le plaisir physique est mal. Cela vient probablement de la vision chrétienne
de la jouissance sexuelle, considérée comme une pure concession
aux instincts les plus vils. A l'opposé, la société moderne
prône la poursuite hédoniste et sans limite du plaisir physique.
A mi-chemin de ces deux
opinions, le Judaïsme enseigne que D. a créé un monde physique
pour nous en faire profiter et non pour nous frustrer. Nous devons trouver la
vie belle et l'aimer. Pour atteindre l'élévation spirituelle,
nul besoin de passer des années à méditer seul au sommet
d'une montagne ou de jeûner plusieurs jours de suite, reclus dans un monastère.
La spiritualité découle de notre face à face avec le monde
réel dans un esprit d'élévation morale et religieuse. Ainsi
quand le samedi soir nous levons un verre de vin et le buvons, ce n'est pas
pour nous enivrer mais pour sanctifier le jour du chabat. Dans le Judaïsme,
la spiritualité se trouve dans la cuisine, au bureau, et même dans
sa chambre à coucher.
D. a fait ce monde pour
notre plaisir et pour illustrer cette idée le Talmud enseigne que celui
qui a la possibilité de goûter un nouveau fruit et s'y refuse devra
s'en expliquer au jour du Jugement. C'est par amour que D. s'est donné
la peine de créer des fruits différents, au lieu d'une espèce
unique pourvue de toutes les propriétés nutritives nécessaires
; pour nous offrir diverses sources de plaisir. L'abstinence est une sorte d'ingratitude.
Les Sages nous enseignent
également que la personne âgée doit s'asseoir au soleil.
Cela signifie que quel que soit son degré d'étude et de sagesse,
on doit prendre soin de son corps. Et même à la fin de sa vie,
l'homme peut encore éprouver du plaisir, ne serait-ce que de la chaleur
du soleil.
Les bénédictions
avant de manger ou de boire ou encore à la vue d'un phénomène
tel que l'éclair ou l'arc en ciel, sont une sorte de pause destinée
à prendre conscience que tout est don. Pensez à tous les plaisirs
que vous rencontrez au cours d'une journée. Un lever de soleil, la caresse
d'une brise, la fraîcheur d'une vague. Autant de sensations merveilleuses
qu'il serait dommage d'ingurgiter comme un paquet de chips.
Un moyen et non un but
Imaginez que vous invitez un ami au restaurant et que juste après
l'entrée il se lève pour partir. Vous lui diriez qu'on vient juste
de commencer et que le meilleur reste à venir. Si on se contente de l'entrée,
on se prive de quantités d'apports essentiels à l'organisme. C'est
exactement ce que nous dit le Judaïsme au sujet du plaisir physique. La
matérialité n'est que le hors-d'œuvre de l'existence. Ne
croyez pas que vous pourrez vous en satisfaire. Jamais vous ne serez rassasié.
Employé avec sagesse,
le plaisir ouvre la porte à d'autres plaisirs plus forts. Le bonheur
de contempler de belles choses, le bien-être et la détente qu'on
en ressent, incitent à la méditation de sujets plus profonds.
Aujourd'hui, affronter les problèmes de la vie moderne nécessite
une force morale que peut nous apporter le plaisir physique. Soyons attentifs
à ce besoin d'éternité présent en chacun de nous.
La matérialité est souvent notre souci premier mais nous devons
savoir qu'elle n'est pas source de vrai plaisir. Le vrai plaisir est ce que
recherche l'âme, c'est un désir d'infini et de sens.
Toutefois, l'énergie
générée par le corps peut ouvrir l'âme. C'est le
plaisir du chabat. En ce jour, tout est agrément, tout est paix. Le repos
et la bonne nourriture se font stimulants pour rapprocher l'âme de l'Eternel.
Il faut savoir faire la
distinction entre les différents types de plaisir, afin de ne pas se
tromper entre plaisir physique pur et plaisir spirituel.
Le plaisir physique est :
Temporaire
Laisse un sentiment de
vide
Est un but en soi
Insatisfaisant
Le plaisir tourné
vers le spirituel est :
Durable
Dynamisant
Un moyen et non un but
Stimulant.
La voiture et le
conducteur
Tout le monde sait qu'une voiture nécessite un entretien
mécanique et des produits de qualité, sinon, elle risque de vous
laisser en plan. La laver de temps en temps, passer un coup d'aspirateur ne
fait pas de mal non plus. Mais bien entendu, la voiture n'est pas plus importante
que le conducteur. Quelqu'un qui bichonnerait sa voiture tous les week-ends,
négligeant sa femme et ses enfants, celui-là se tromperait bien
sûr de priorité.
Le corps est le véhicule
de l'âme. C'est donc vous qui êtes aux commandes. Cependant vous
ne voulez pas vous comporter en tyran. Aussi la règle en matière
de maîtrise de son corps est-elle l'autodiscipline et non l'oppression.
Faire plaisir à son corps peut dans certains cas aider l'âme à
progresser. Un petit restaurant quand on est arrivé au bout d'un projet
difficile est tout à fait bien venu. Mais le plaisir ne doit pas devenir
une fin en soi. Le resto ne doit pas devenir le but de vos efforts. Il faut
jouir du plaisir sans en devenir le jouet.
Méfiez-vous des ruses
que votre corps emploie pour obtenir plus de plaisir. N'écoutez pas la
petite voix intérieure qui vous dit : " C'est soûlant, lourd,
inhumain. Je craque. " Sachez-le, vous ne mourrez pas si vous vous privez
d'une dernière fraise Haribo. On peut changer ses habitudes et s'en porter
à merveille. Essayez !
Minimiser pour optimiser
Pour éviter les abus, fixez à l'avance une limite
au plaisir que vous souhaitez prendre. Beaucoup de gens mangent jusqu'à
ce qu'ils n'en puissent plus. Pourtant, le Choul'han arou'h qui est notre code
civil nous enjoint de nous arrêter aux deux tiers de notre capacité.
S'arrêter avant que la jauge ne soit sur Max est excellent pour la digestion,
la ligne et l'estime de soi.
Dites : " Je m'arrête là. " Et ne changez pas d'avis
arrivé à la moitié du paquet. Non, pas même une chips
de plus, car la fois suivante ce serait une poignée de plus, plus une
de plus. Alors, on pose une limite stricte et on s'y tient.
En avoir pour son
argent
Avant de goûter un plaisir, demandez-vous : " Que
vais-je en retirer ? " Pendant, demandez-vous si vous tirez le plaisir
escompté. Il est très important d'être conscient du plaisir
que l'on expérimente. Si le plaisir n'est pas au rendez-vous, arrêtez
tout. Si la soupe n'est pas bonne, inutile de se forcer. Même si vous
l'avez payée, pas besoin de vous donner une indigestion. Vous avez payé
non pour la soupe, mais pour le plaisir qu'elle était sensée vous
donner. Ne soyez pas stupide en persistant dans quelque chose qui finit par
vous déplaire. D'accord, vous avez payé, mais c'était un
mauvais investissement. Si vous ne retirez pas de vrai plaisir, versez tout
dans l'évier.
Cela n'est pas uniquement
valable pour la nourriture, mais pour toute forme de sollicitation sensorielle
; un match de foot, un film. Vous devez savoir discerner quand trop c'est trop.
Pas de perte de temps. Restez conscient. Si vous ne savez pas transformer en
énergie vitale votre coupe trois boules Chantilly, vous perdez votre
temps. " Que m'apporte ce plaisir ? Est-ce qu'il sert à brouiller
ma vision des choses ou à me faire aller de l'avant ? "
Surveillez-vous : Que vont
m'apporter ces chips ? Une sensation gustative agréable. Une chips suffira-telle?
Non, j'ai besoin de calmer ma faim, il me faut quelque chose de nourrissant
et de bon à la fois. Par cette sorte de petit interrogatoire, vous apprenez
à maîtriser vos réflexes.
Briser les habitudes
Le recours au plaisir peut parfois être une fuite. Du genre
je suis montée sur la balance, j'ai vu que j'avais pris 2 kilos, alors
je me jette sur un paquet de Pépitos pour me consoler.
Le plaisir ne doit pas être un refuge en cas d'ennuis. Qu'est-ce qui vaut
mieux ? Affronter les problèmes ou tourner le dos à sa vie ? La
fuite est tentante mais elle ne mène nulle part et est sans fin. Si on
se console de son poids en mangeant, il faudra manger encore pour se consoler
d'avoir grossi. Mais sachez qu'il est toujours très difficile de se débarrasser
d'une habitude, quelle que soit votre conscience de sa nocivité et votre
détermination à changer.
Le meilleur moyen est d'être
positif et d'avoir un intérêt dans la vie. Les personnes dépourvues
d'objectifs ont tendance à développer une image dévalorisée
d'elles-mêmes et cherchent inconsciemment à se punir. Un objectif
qui vous tient à cœur vous aidera à combattre les mauvaises
habitudes, car si votre énergie et votre vitalité fonctionnent
à plein régime, votre volonté suivra.
Elaborez une stratégie,
un plan de progression par rapport à un objectif donné et repoussez
toujours un peu plus haut la barre. Vous pouvez également embaucher un
copain ou un parent comme coach et lui proposer de le payer chaque fois que
vous ferez un écart dans votre régime par exemple. Du genre si
j'exagère avec les biscuits apéritif, je te donne 50 Euros. A
ce tarif, vous aurez tout intérêt à laisser tomber les crackers.
Le plaisir physique, une base de la sagesse
Gaspiller est inepte.
L'argent comme le plaisir.
Le corps est pour l'âme
un véhicule. Prenez soin de votre corps afin que l'âme puisse
faire face aux exigences de l'existence.
Nous vivons dans un
monde où le plaisir est roi. Faites en sorte d'obtenir des plaisirs
vrais et durables.
Prenez garde de ne pas
avoir recours aux plaisirs matériels pour fuir la réalité.
Se faire plaisir en
dépit du bon sens détruit le respect de soi.
Pour tirer le maximum
de plaisir de la vie, soyez plein de vitalité et de motivation.
Savourez les plaisirs
en gourmet.
Transformez vos plaisirs
en énergie pour vous battre.
Après un bon
café, vous vous sentez bien. Utilisez intelligemment cette bouffée
d'énergie.
Pour optimiser une satisfaction
corporelle, comprenez sa portée profonde.
Ne vous défilez
pas devant la vie, essayez d'en faire un moyen d'élévation.
La sagesse à un
goût délicieux. Traduisez les calories d'une bonne glace en coupe
de sagesse.
Et ne vous noyez pas
dans un paquet de chips !
Traduction
et Adaptation de Béatrice Cohen-Solal