La Bible occupait une place centrale dans le programme de toutes les universités où l'hébreu et l'étude de la Bible étaient des matières obligatoires.
L'influence de la Bible ne se limitait pas aux colonies puritaines de Nouvelle Angleterre. Au tout début de l'histoire de l'Amérique, de nombreux collèges et universités furent créés sous les auspices de différentes sectes protestantes : Harvard, Yale, William and Mary, Rutgers, Princeton, Brown, Kings College (Columbia), John Hopkins, Dartmouth, etc…
Le but principal de ces institutions était de former des officiants et des pasteurs dont le rôle serait d'enseigner la Bible aux indigènes et de les convertir au christianisme. La Bible occupait donc une place centrale dans le programme de toutes ces institutions d'enseignement supérieur où l'hébreu et l'étude de la Bible étaient des matières obligatoires.
Plusieurs de ces universités adoptèrent pour devise ou emblème des mots ou des phrases en langue hébraïque, qui était répandue au point qu'au 18ème siècle, plusieurs étudiants de Yale firent leur discours inaugural en hébreu.
A l'époque de la Révolution américaine, la connaissance de l'hébreu était telle qu'on put faire courir le bruit que "certains membres du Congrès proposaient que l'usage de l'anglais soit interdit aux Etats-Unis, au profit de l'hébreu".
Il est incontestable que le développement politique de l'Amérique fut fortement influencé par des concepts juifs acquis par le biais de la Bible. Une grande partie de la population, y compris de nombreux Pères Fondateurs, étaient le produit d'universités américaines. La majorité de ces leaders politiques possédaient non seulement une bonne connaissance du Nouveau et de l'Ancien Testament, mais aussi la maîtrise de l'hébreu.
Cette familiarité avec la Bible influença non seulement leur attitude vis-à-vis de la religion et de la morale, mais aussi leur vision politique.
De même que les Puritains d'Angleterre et d'Amérique se voyaient comme de nouveaux Israélites liés par l'alliance avec Dieu, et à la recherche de la liberté religieuse, les Pères Fondateurs eux aussi adoptèrent les mêmes modèles bibliques pour des raisons politiques. La lutte des enfants d'Israël contre le méchant Pharaon où l'horrible roi de Babylone finit par incarner la lutte des colonies contre la tyrannie anglaise.
On trouve d'abondants exemples illustrant clairement à quel point les combats politiques des colonies s'identifiaient à ceux des anciens Hébreux :
- Le premier sceau officiel des Etats-Unis, approuvé par Franklin, Adams et Jefferson en 1776 représentait les Juifs traversant la Mer Rouge. La devise entourant le sceau était: "Se rebeller contre les tyrans, c'est obéir à Dieu".
- L'inscription figurant sur la cloche de la Liberté du Hall de l'Indépendance, à Philadelphie, est une citation tirée de Lévitique ch.25, v.10 : " Proclamez dans le pays la liberté pour tous ses habitants".
- Les brochures patriotiques et les discours émaillant la période de la lutte pour l'indépendance étaient souvent traversés de symboles et de références bibliques. Benjamin Rush écrivait ainsi pour dénoncer le "Tea Act" (la loi sur le thé imposée par les Anglais) : "Quels magnifiques exemples de patriotisme nous trouvons chez Josué, Samuel, les Macchabées et tous ces princes illustres, ces capitaines et ces prophètes issus du peuple juif."
Il est incontestable que le concept d'une intégrité morale basée sur l'autorité divine demeure le pilier central de la démocratie américaine.
Bien que les auteurs de la Déclaration d'Indépendance aient été influencés par la philosophie des Lumières et en aient adopté nombre d'idées, il est incontestable que le concept d'une intégrité morale basée sur l'autorité divine demeure le pilier central de la démocratie américaine. On en trouve une preuve particulièrement éclatante dans la phrase qui ouvre la Déclaration d'Indépendance:
"Nous tenons pour des vérités essentielles que tous les hommes sont créés égaux et qu'ils sont dotés par leur Créateur de certains droits inaliénables tels que la vie, la liberté et la poursuite du bonheur."
Le vocabulaire du "Bill of Rights" se fait lui aussi l'écho de thèmes et de concepts moraux tirés de la Bible, et la notion d' "acceptation solennelle du peuple" fait clairement référence à l'idée biblique d'alliance.
C'est ainsi que la naissance de la démocratie américaine constitue un jalon de plus sur le chemin de l'influence des idées juives sur la civilisation. Pour la première fois dans l'histoire, les concepts juifs d'éthique faisaient légalement partie intégrante des lois d'une nation non-juive.
En plus de son influence pendant la période de formation de la démocratie américaine, la Bible continua à jouer un rôle culturel et moral dans la société américaine pendant tout le 18ème siècle. Même aux heures les plus noires de l'histoire de l'Amérique, la Bible a toujours été la lumière guidant et inspirant le peuple américain.
En 1863, après la bataille de Gettysburg, pendant la guerre de Sécession (1861-1865) le président Lincoln prononça l'un des discours les plus émouvants de l'histoire américaine. Lincoln termina son discours en répétant presque mot pour mot la préface de la traduction anglaise de la Bible par John Wycliffe au 14ème siècle :
"Cette nation, avec la protection de Dieu, renaîtra à la liberté, et le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, ne disparaîtra pas de la surface de la terre".
Le meilleur témoignage de la centralité de la Bible dans la vie américaine fut probablement exprimé par le président Franklin D. Roosevelt dans une allocution à la radio en 1935 :
"Il est impossible de comprendre l'histoire de notre ascension et de notre développement en tant que nation sans tenir compte de la place que la Bible a tenue dans les avancées de la République….
C'est lorsque nous avons été les plus cohérents et les plus fidèles à ses préceptes que nous avons atteint le maximum de plénitude et de prospérité".(2)
Traduction et Adaptation de Monique SIAC
Bibliographie :
(1) Katsh Abraham I., The Biblical Heritage of American Democracy, New York: Ktav Publishing House, Inc ., 1977, p. 70
(2) Sivan Gabriel, The Bible and Civilization, Jerusalem : Keter Publishing House, 1973, p.178
Lectures complémentaires :
Cremin Lawrence A., American Education : The Colonial Experience 1607-1783, New York :Harper Torchbooks, 1970
Innes Stephen, Creating the Commonwealth: The Economic Culture of Puritan New England, New York : W.W. Norton & Company, 1995