Parler de tolérance
ou d'intolérance est un exercice particulièrement difficile, voire
même périlleux.
L'acceptation, (tolérance) ou non (intolérance) de celui qui est
" étranger " , quelle que soit la norme " d'étrangeté
" : (nationalité, religion, ethnie, politique, etc.), varie en fonction
des valeurs culturelles, sociologique de " l'accueillant " .
La tolérance ne peut donc être décrite de façon univoque.
Par ailleurs, le terme " d'intolérance " simple équivalent
d'incompatibilité, a pris aujourd'hui une sorte de dimension " Ethique
" négative et culpabilisante. L'intolérance est devenue synonyme
de racisme, de fascisme et de xénophobie.
La tolérance nouvelle, au contraire, serait " une valeur "
universelle amenant à l'harmonie et à la paix par une sorte de
syncrèse idéale permettant la cohabitation de toutes les différences,
en gommant toutes leurs antinomies..
Prenons garde cependant au fait que les fougueux zélateurs de la nouvelle
tolérance, se font souvent les champions d'une violente intolérance
à l'égard de ceux qui n'acceptent pas leur propre définition
de la Tolérance.
Dans la réalité tous les groupes, ou toutes les sociétés,
quel que soit leur modèle socio-politique, et même lorsqu'elles
sont définies comme très " ouvertes " , tous ces groupes
ou communautés admettent que leur tolérance à un seuil.
La tolérance à l'étranger (au sens le plus large du terme)
(1), ne peut impliquer la disparition ou la dissolution des différents
principes qui forment " la constitution " des dites sociétés,
ainsi que les bases de leurs identités spécifiques.
Il en sera de même pour la spécificité juive, du moins celle
que nous prendrons en considération dans la présente réflexion
(2) .
Cette spécificité sera donc, dans notre propos, définie
à partir des critères de la Tora.
La Tora, ses enseignements et ses valeurs, sont les fondements de la vie de
la Nation juive.
Ils sont les éléments constitutifs de son organisation religieuse,
politique et sociale, qu'elle soit nationale ou simplement communautaire, et
ce, tant sur le plan individuel que collectif .
Ceci implique que les lois de la morale divine font partie intégrante
de l'ossature constitutionnelle de la nation juive.
Celle-ci devra donc laisser toute sa place à la primauté de l'Ethique
divine et faire en telle sorte qu'on ne puisse lui porter atteinte, voire même
la détruire (3) .
Comme nous l'avons déjà indiqué, l'histoire et la sociologie
montrent bien que chaque société à ses limites d'acceptation
des différences et ce, surtout, en ce qui concerne certains comportements
originaux que ces différences induisent et qui paraissent inacceptable
à ces sociétés.
Il en sera de même pour la nation juive.
Dans cette perspective : le respect des lois de la Tora, régissant les
rapports inter personnels, sont une base incontournable à toute cohabitation.
De plus, le refus absolu par la Tora, des pratiques idolâtre, ainsi que
le rejet total du dévouement des moeurs sexuelles, constituent les barrières
de la frontière, dite de la Tolérance.
Le franchissement de ces dernières, nous mets, vis-à-vis de l'Etranger
en situation " d'incompatibilité ".(4)
Ceci étant dit, c'est à travers une définition " a
contrario " que la Tora nous renseigne sur ce que devrait être la
tolérance.
C'est notamment à travers les contre exemples que sont les manifestations
d'intolérance dont le peuple juif à eu à souffrir, que
la Tora nous expose les situations négatives produites par l'intolérance.
Celles-ci serviront de modèle de ce qu'il ne faut pas faire, car la Tora
en cette circonstance également, est enseignement (5).
Le verset des psaumes nous enseigne : " Eloigne-toi du mal ( du négatif)
et fais ( alors tu pourras faire) le bien. "
De ce fait, pour que la Tolérance puisse devenir capacité d'accueil,
il faut d'abord nous éloigner des conduites négatives ou non amènes,
y compris envers ceux avec lesquels nous avons pu être en opposition,
au cours de notre histoire.
" Tu n'auras pas de rejet pour l'Iduméen, car il reste ton frère
" ( Deutéronome 23-8)
" Tu n'auras pas d'horreur, envers l'Egyption, car tu fus résident
chez lui " ( Deutéronome 23-8)
La leçon de ces versets sera a fortiori encore plus forte, lorsqu'il
ne s'agit ni d'ennemis, ni d'opposants, comme ces peuples le furent à
un moment de notre histoire.
Par deux fois, les injonctions de la Tora à l'égard du "
Guer " (prosélyte) sont introduites par une justification (ce qui
est rarissime dans le texte de la Tora) ; " car vous fûtes étrangers...
(Ex 22/20) " " Car vous connaissez ce qu'est la détresse de
l'étranger.... " (Ex.23.9)
Ces avertissements qui concernaient l'accueil du Guer( ce prosélyte,
pourtant en voie de parfaite intégration, par conversion authentique),
expriment à quel point la tolérance, l'accueil de l'autre, sont
des valeurs difficiles à atteindre, vu l'égoïsme constitutionnel
et protecteur des différentes sociétés.
Comme à l'accoutumée, c'est le passage à l'acte qui détermine
la réalité de notre adhésion aux principes de la Tora.
Il en sera de même dans notre cas.
Pour cette raison, la Tora nous montre clairement, que seule l'expérience
vécue ( en l'occurrence celle de la difficulté d'être étranger)
peut aider à lever dans les faits, les barrières des divers replis
individuels ou collectifs.
De plus, cette expérience sera régulièrement transmise
comme par exemple à travers la fête de Pessah, et la récurrence
des textes sur la sortie d'Egypte, etc.
Ainsi, encore une fois, par la pratique des Mitzvoth, nous pourrons passer de
l'idée à l'acte, et dans le cadre précis des problèmes
de tolérance, nous associer pleinement à la prière du roi
Salomon :
" Je t'implore aussi pour l'étranger qui ne fait pas partie de ton
peuple Israël..... "
" Toi, tu l'entendras du ciel, ton auguste résidence, et tu exauceras
les voeux que t'adressera l'étranger.... "
(I Rois VIII - 41 et 43)
Nous pourrons ainsi également faire avancer l'accomplissement de la prophétie
d'Isaïe :
..." Car voici que ma maison, sera appelée Maison des prières
pour tous les peuples... "
(Isaïe LVI - 7)
(1) L'étranger dont nous parlons ici n'est pas le "
GUER " ou le " GUER TOSHAV " de la Bible, qui sont en réalité
des convertis ou des prosélytes et dont le statut nécessite une
définition particulière qui ne rentre pas dans le cadre de cet
article ; le terme biblique de NO'HRI est le plus approprié dans le cas
présent.
(2) Nous sommes bien conscients que d'autres approches de l'identité
juive existent dans le monde juif, en fonction notamment de l'adhésion
ou non aux valeurs de la Tora par exemple ou d'autres options politiques ou
sociologiques concernant le fait juif.
(3) Comme par exemple Bilam, Amalek, les fausses conversions des Gabaonites
et des Kutéens, etc. Etc.
(4) Précisons que ces conduites, sont toutes aussi inadmissibles à
l'intérieur de la communauté juive, qui dans ces cas-là
aura le devoir spécifique de conduire à la prise de conscience
et à la Teshouva, de ceux qui s'y sont laissé entraïner.
(5) Nous pourrions prendre comme paradigme les extraits de versets suivants
:
(Deutéronome 23-4 et Nombre 25-2)
" Car ils ne vous ont pas offert le pain et l'eau à votre passage...
... et de plus par ce qu'ils ont stipendié contre toi Bilam... pour te
maudire...
... et incité les filles de Moab à convier le peuple à
leurs festins idolâtres... et à la prostitution."