Note : La Torah est capable
de répondre à toutes les innovations technologiques.
Cependant, en ce qui concerne un tel problème, toutes les solutions doivent
être scrupuleusement examinées vis à vis des problèmes
de Halakha.
Le but du clonage (du clonage
humain en particulier) n'a pas encore été soigneusement examiné
vis à vis de la Halakha.
Cet exposé est simplement
destiné à fournir quelques informations et ne devra en aucun cas
être considéré comme un principe de la loi juive.
Avant d'aller plus loin, essayons en quelques mots de tracer un bref historique
du clonage.
Il ne faudrait pas croire que l'idée de manipulation génétique
soit récente.
Selon la légende,
l'architecte Dédale aurait transformé, par ses talents de sculpteur,
la femme du roi Minos en vache, celle ci aurait donné alors naissance
au minotaure (gardien du fameux labyrinthe.)
Soyons sérieux, ce
concept a pris naissance au 20ème siècle ; le Prix Nobel de 1935,
Docteur Hans Speman s'est le premier demandé: si une cellule se divise
en plusieurs cellules, celles-ci contiennent-elles les mêmes informations
?
De nombreuses expériences
ont alors eut lieu sans résultats probants. Cependant en 1981, deux chercheurs
-Docteur Karl Illmensee (Genève) et Docteur Peter (USA) coproduisent
pour la première fois trois clones d'une souris.
Mais leurs expériences
furent assimilées à une fraude car non reproductibles.
En 1984, la première expérience de clone de mouton est tentée
: Steve Willadsen (Danemark) énonce les principes de la séparation
des blastomères de mouton et réussit à cloner un mouton
à partir des cellules immatures de mouton au stade embryonnaire.
Il faut attendre 1994 pour
que l'on réalise le clonage à partir des cellules de mammifères
au stade embryonnaire.
En 1997, Docteur Ian Wilmut
et son équipe du Roslin Institute (Ecosse) réussissent à
transférer le noyau d'un pis d'une brebis de six ans dans un ovule énucléé
d'une autre brebis. L'ovule va alors se comporter comme s'il avait été
fécondé et un embryon va se développer. On arrive alors
à créer un animal sain " Dolly " à partir de
cellules adultes.
" Dolly " était
en effet un clone, génétiquement identique à son donneur de cellules
mammaires.
(Ceci ressemble étrangement
au film " Jurassic Park " où une goutte de sang est utilisée
pour générer de nouvelles générations de dinosaures.
C'est à ce moment là (1997) que le Docteur Ian Wilmut a précisé
que cloner un être humain par ces techniques était possible, mais
pas forcément moral.
Alors, " Dolly "
a-t-elle été une copie parfaite de la brebis sur laquelle on a
prélevé des cellules mammaires ? Non, car un ovule, même
vide de son noyau, contient un patrimoine génétique, l'ADN responsable
en partie de l'hérédité.
De plus, lors du développement
de l'embryon, des milliers de gènes entrent en jeu et rien ne peut affirmer
aujourd'hui qu'ils le font dans le même ordre et la même manière
que sur l'animal original.
Chaque homme est un modèle
unique.
D'une manière générale,
les avancées scientifiques ont étés bien accueillies par
le public. L'idée même du clonage humain a été détestée
par ce même public. Pourquoi ?
Sans doute parce que les
émules du Docteur Moreau, sorti de l'imagination fertile de l'écrivain
H. G. Wells, se préparent à transformer l'humanité en un troupeau
d'âmes perdues. Mais il serait stupide de penser que " l'identité
génétique " équivaut à une copie infinie des
individus.
Quel est donc l'intérêt
du clonage ? S'il est un jour maîtrisé à très grande
échelle, on pourra sans doute reproduire à l'identique des animaux
ou des végétaux appréciés pour certaines qualités
bien déterminées.
En 1978, le film "
Les garçons du Brésil " raconte une histoire où un savant
fou essayait par tous les moyens de cloner Hitler pour pouvoir créer
de nouveaux dirigeants. Le film nous montrait alors toute la manipulation de
ces enfants pour en faire des petits dictateurs. Cependant ceux-ci préféraient
la peinture à la guerre !
Prenons un second exemple
: celui des vrais jumeaux, qui sont identiques génétiquement mais
qui grandissent avec des personnalités différentes. Comment est-ce
possible ?
La seule véritable
différence entre les clones et les jumeaux est que les jumeaux ont le
même âge alors que les clones sont séparés par une
génération ou plus précisément par l'âge du
donneur cellulaire. Bien sûr l'idée même du clonage a fait
naître un certain nombre d'élucubrations dans le public : pourquoi
ne pas cloner Michael Jordan pour créer ainsi une équipe de super
basketteurs ?
La peur du public réside
dans le fait que le clonage pourrait permettre de créer une armée
d'Hitler ou bien créer un nombre infini de gens qui se ressemblent (voir
1984-George Orwell)
Il faut bien voir que tout cela est complètement faux !
L'enfant cloné serait
un jumeau, soit, mais un jumeau ne sera jamais identique à l'original : la part
génétique ne dépasse pas 50% de la personnalité
chez un individu !
L'une des bases du judaïsme est d'admettre (et de croire) que chaque individu
a une âme unique. Chaque être humain est une combinaison unique
de talents, de dons, de sensibilité et de perception. C'est cette diversité
qui définit le " côté " humain.
Le Talmud dit que l'homme
a été crée seul, aussi chaque individu peut dire :
" Par égard
pour ma solitude, le monde a été crée"
Pour pouvoir réaliser notre propre potentiel, nous devons progressivement
découvrir notre unique contribution envers le monde.
Dans l'histoire de Pourim,
quand Mardochée envoya un message à Esther pour qu'elle aille
parler au Roi, il précisa " si tu persistes à garder le
silence à l'heure où nous sommes, la délivrance et le salut
surgiront pour les Juifs d'autre part, tandis que Toi et la maison de ton père
vous périrez. Et qui sait si ce n'est pas pour une conjoncture pareille
que tu es parvenue à la royauté " [Esther IV-14]
Le clonage est un aide-mémoire
déplaisant et oblige à rester sérieux dans la définition
de la vie. Imaginons qu'il ne me reste qu'un an à vivre, que vais-je
apporter à ma vie professionnelle ainsi qu'a mes relations ?
Vais-je changer ma façon
de vivre ou celle de dépenser mon argent?
La propagation de l'idée
de clonage et le concept de la vie juive.
Paradoxalement, les plus
grandes oppositions au clonage ne viennent pas des milieux religieux en Israël.
Un certain nombre de décisionnaires,
comme le Rabbin Shafran, affirment qu'il n'y a rien dans la halakha qui s'oppose
au clonage.
Les plus fortes oppositions
résident chez certains philosophes ou chez les spécialistes de
l'éthique. Elles arguent du fait que le clonage et/ou les manipulations
génétiques déterminent l'enfant qui va naître, ce
qui le priverait de son libre arbitre.
Dans d'autres religions,
(notamment la religion catholique) l'avortement est interdit même dans
le cas d'un inceste ou d'un viol. De plus, l'église catholique s'oppose
à toute forme de conception artificielle, y compris fécondation
in-vitro et clonage.
Le Judaïsme est plus
nuancé dans son essence.
Il accepte dans un contexte
d'amour et de couple, différentes méthodes et procédures
qui permettent de renforcer la valeur de la vie.
Dans ces dix dernières
années, la Halakha a été confronté à l'insémination
artificielle, la fertilisation in vitro et les mères porteuses.
Par exemple, les Rabbins
autorisent l'insémination artificielle seulement si le sperme provient
du mari, et ceci pour éviter les problèmes éventuels d'inceste,
de généalogie, d'héritage et d'adultère.
Les avantages et désavantages
du Clonage.
Nous pouvons au premier
abord imaginer que le cloné pourrait sauver une vie humaine.
Ce que l'on appelle la thérapie génique aujourd'hui vise sans
doute, à plus ou moins long terme, à changer le patrimoine génétique
de l'homme.
On peut considérer
deux sortes de modifications :
Celles qui viennent pallier
une déficience, une maladie génétique et donc représentent
un acte thérapeutique et celles dites d'améliorations de la race
humaine (Eugénisme)qui viennent non pas pour tenter de réparer
une déficience génétique mais pour faire des gens plus
grands, ou plus intelligents ou avec une meilleure ouïe, ou une meilleure
vue.
Le premier cas relève
de la médecine, le second pose -dès aujourd'hui- de graves problèmes
éthiques car il détermine ce qu'est l'enfant idéal. Or il
n'existe pas d'enfant, ni de génome idéal.
Dans le cas de l'eugénisme,
on aboutit à créer une classe d'esclaves, ce qui est normalement
et constitutionnellement illégal. Si le clonage a pour but ultime cet
esclavage, il est contraire aux valeurs fondamentales du Judaïsme.
Notre Tradition encourage
la pensée indépendante, en fait, le but des parents juifs, des
maîtres et des Rabbins est de créer une certaine forme d'indépendance.
C'est pourquoi le Talmud stipule que les parents sont responsables de l'enseignement
qu'ils donnent à leur(s) enfant(s) notamment en ce qui concerne tous
les domaines de la vie.
Pour ce qui est de la thérapie
génique, il s'effectue aujourd'hui, de nombreuses recherches en Israël
avec de nombreuses applications médicales.
Le Professeur Shimon Slavin
de l'hôpital Hadassah pratique des thérapies géniques pour
des enfants atteints de déficiences immunitaires.
Immortalité.
Pour compenser en quelque
sorte la limite de la chair, les Pharaons ont bâti les pyramides, les empereurs
ont élevé Rome et Donald Trump a dressé des gratte-ciel.
D'une certaine façon,
le clonage est un moyen de construire un monument de vie en laissant une empreinte
génétique de soi-même, une sorte d'immortalité.
Mais attention, la vraie
immortalité inclut beaucoup plus qu'une simple copie génétique
de soi-même.
Ne sommes-nous pas autre
chose qu'une machine juste bonne à manger et à procréer
?
Non ! L'homme n'est pas
que cela ; nous nous dirigeons vers l'immortalité en observant et étudiant
progressivement et quotidiennement la Torah.
Chaque homme a été
créé à l'image de D.ieu, ce qui permet au Talmud (Shabbat
133b) de dire " Comme Il est Miséricordieux, alors nous serons
miséricordieux ; et comme Il est Bienveillant, alors nous serons bienveillant
. "
Se rapprocher de D.ieu est
le plus haut degré que l'homme puisse atteindre.
C'est de cette façon que le Judaïsme accepte la notion de clonage.
Puisque D.ieu est tout , alors nous devons essayer essayer de nous cloner nous
même !
Conclusion.
Donc, le clonage est-il bon ou mauvais ?
Le Judaïsme dit qu'il
n'y a rien dans le monde qui soit fondamentalement bon ou mauvais ; il y a seulement
un potentiel pour le bon et le mauvais.
Une chose mauvaise peut
être utilisée pour le bon et inversement.
La population se méfie
du clonage car elle craint les abus, elle considère que la société
actuelle est irresponsable et " joue avec le feu " (ainsi le nucléaire qui,
au départ, devait provoquer des retombées positives est devenu
dans l'esprit des gens, une source de mal.)
Le clonage pourrait par
certaines dérivés aboutir à des situations Golémiques
où l'homme crée mais n'a plus le contrôle sur les clones.
Le Rabbin Mosche Tendler (Directeur de la Yeshiva University, à New York) déclare à ce propos: " le vrai problème est
que dès que l'homme entrevoit la domination sur d'autres hommes, cela
aboutit toujours à l'esclavage de l'homme. "
C'est sans doute une des
raisons pour laquelle le Président Clinton ainsi que les dirigeants d'autres
nations ont légiféré à propos du clonage humain
!
Dernièrement (Juin
2002), le comité consultatif Français d'éthique a statué
sur l'extension de l'utilisation du diagnostic pré-implantatoire en vue
de sauver la vie d'enfants porteurs de graves maladies génétiques.
Le problème fondamental
qui se pose est: doit-on redouter la dérive qui consisterait à faire
naître des " bébés-médicament "désirés non comme des sujets mais comme simples donneurs de greffes. Autrement dit peut-on
autoriser la conception, puis le tri par diagnostic pré-implantatoire
d'un " enfant médicament " destiné à traiter la
maladie génétique dont souffre son aîné ? La réponse
du CCF a été OUI sous certaines conditions notamment en tenant
compte de l'intérêt de l'enfant à naître et dans l'intérêt
d'un tiers.
Adaptation et commentaires du Dr Aharon FELDMANN