" Et tu les enseigneras
à ton fils …"
L'injonction de transmettre un enseignement à son enfant inscrit le Juif
dans une relation particulière au savoir. Même s'il s'agit là
de la transmission d'un savoir sacré, le regard valorisant porté
à l'étude a aussi conduit à un respect admiratif de la
connaissance en général.
VALORISER LE SAVOIR
Il faut privilégier une attention affective plutôt qu'une aide purement technique."
Ainsi, nombreux sont les enfants d'immigrants non francophones qui ont brillamment
réussi à l'école parce que leur éducation reposait
justement sur une culture du savoir, parce que cette acquisition de connaissance
était valorisée comme la plus noble et la plus riche. Pourtant
les parents étaient presque toujours incapables de fournir une aide technique
à leurs enfants dans leurs devoirs, mais ils savaient avoir le regard
admiratif, la parole d'encouragement aptes à soutenir l'effort de leur
progéniture.
Ainsi, si le devoir crée
un pont entre l'école et la famille, il faut savoir l'emprunter correctement
pour en retirer le meilleur profit.
Car les devoirs constituent une merveilleuse occasion de communication tripartite
école-enfant-parent. Ils permettent une implication active du parent
dans l'évolution de son enfant. Mais pour que cette implication soit
profitable et pour qu'elle crée un réel moment de partage privilégié,
il faut une certaine vigilance du parent.
En effet, dans son rapport
au devoir scolaire, l'enfant révèle son attitude d'élève
mais aussi son aptitude d'enfant et il attend de son parent qu'il le perçoive
dans cette double dimension en distinguant bien les deux aspects qui entraînent
deux démarches parentales distinctes. Aussi l'enfant désire-t-il
autant une aide à l'apprentissage que la manifestation d'un intérêt
et d'une reconnaissance du travail accompli. La fonction du parent doit donc
s'articuler autour de cette double attente.
Pourtant bien souvent, les
parents privilégient une aide technique inadaptée à une
attention plus affective. Ils se veulent enseignants, pédagogues et vivent
ce rituel du devoir comme l'occasion quotidienne d'une vérification des
connaissances de leurs enfants voire des enseignants. Cette inquiétude
légitime entraîne pourtant des pratiques erronées, car les
parents pensent alors que l'objectif est que l'enfant réussisse l'exercice.
Dans le meilleur des cas, ils vont communiquer un savoir, expliquer une leçon
et permettre à l'enfant une compréhension immédiate, une
exécution automatique qui ne signifie pas pour autant maîtrise
du sujet mais seulement capacité de restitution. Dans le pire des cas,
ils vont se substituer à l'enfant et faire l'exercice à sa place,
le privant ainsi de deux dimensions fondamentales du devoir scolaire : l'autonomie
et la frustration.
En effet, l'enfant doit s'exercer à la maison à devenir autonome
pour mieux réussir en classe mais aussi dans la vie en général,
apprendre à défaire les liens de dépendance qui le relient
tantôt à ses parents, tantôt à ses maîtres.
Dans la pratique du devoir scolaire, l'enfant se réapproprie le savoir
pour l'utiliser à son tour dans une démarche personnelle, singulière.
Mais il doit aussi accepter qu'on ne trouve pas toujours de solution, malgré
l'effort fourni.
DONNER LE GOÛT
DE L'EFFORT
C'est grâce à ce regard d'encouragement, de curiosité que le parent peut aider l'enfant à trouver par lui-même.
Et c'est sans doute là,
la plus grande ambition du devoir scolaire. A la différence d'un travail
en classe finalement sanctionné (peut-être trop souvent d'ailleurs)
par une note , c'est-à-dire pour lequel, on valorise davantage le résultat
que l'effort, le devoir à la maison permet de mettre l'accent sur l'effort.
Quand le parent explique à l'enfant que l'essentiel n'est pas de trouver
la solution mais de fournir un travail personnel, quand il transmet ce goût
de l'effort pour l'effort lui-même en soulignant le fait qu'on n'obtient
pas toujours le résultat attendu, mais qu'un effort est toujours récompensé,
il permet alors à l'enfant de tirer profit du devoir.
En outre, cette attitude
parentale suggère que l'enfant n'est pas appréhendé uniquement
dans sa qualité d'élève (et d'élève qui doit
réussir !) mais aussi et peut-être surtout simplement en tant qu'enfant
face à une épreuve.
On voit bien alors que l'aide du parent ne doit pas se situer au niveau technique
mais bien plus au niveau affectif. C'est dans sa disponibilité, son écoute
et sa capacité à mettre l'enfant dans les meilleures conditions
de recherche, que le parent jouera son rôle, à ce moment dans sa
relation à l'enfant. Et le devoir scolaire devient alors une sorte de
maïeutique dans laquelle le parent n'a besoin d'aucune autre compétence, que son intérêt (et beaucoup de patience).
Et c'est grâce à
ce regard d'encouragement, de curiosité que le parent peut aider l'enfant
à trouver par lui-même. Et si l'enfant ne trouve pas, le parent
laisse alors à l'enseignant le rôle de diagnostiquer les causes
d'erreurs et d'apporter une solution.
C'est seulement à
travers cette répartition de rôles que l'on peut sortir l'enfant
d'une situation d'échec. D'autant qu'une grande partie du devoir scolaire
est lié à des pratiques de mémorisation que le temps passé
en classe ne suffit pas à achever. Dans ce cadre, la coopération
parentale peut être nécessaire et engendrer une complicité
et des moments de proximité souvent pleins d'humour qu'ils faut privilégier.
Enfin, en valorisant le
travail plus que le résultat, le parent quitte son rôle inquisiteur
de " contrôleur de connaissances " et redonne à l'enfant
sa dimension filiale indépendante de son niveau d'élève.
Il prouve ainsi à son enfant son amour inconditionnel dont l'échelle
n'est heureusement pas indexée sur les résultats scolaires. Car
même si l'enfant reçoit un enseignement de son père, il
ne veut pas être son élève mais son fils.
Traduction et Adaptation du Rabbin Schlammé