Nous y voyons à la fois la possibilité pour l'homme de s'élever et de faire le bien, et son aptitude à chuter engendrée par ses faiblesses et ses défaillances.
La parachath Beréchith contient un condensé de l'histoire et de l'évolution spirituelle de l'homme, elle nous montre les situations extrêmes que celui-ci peut atteindre. Elle dépeint l'homme au zénith de sa création à l'image de D.ieu, lorsqu'il a l'aptitude de communiquer avec Lui. Elle le décrit aussi à son niveau le plus bas, depuis le moment où il désobéit à l'ordre explicite de D.ieu, jusqu'à celui où il va déchoir jusqu'à commettre les crimes abominables de meurtre, d'idolâtrie et de débauche sexuelle.
Nous y voyons à la fois la possibilité pour l'homme de s'élever et de faire le bien, et son aptitude à chuter engendrée par ses faiblesses et ses défaillances. Nous pouvons y discerner les raisons de la complexité de ses rapports familiaux, des difficultés qu'il éprouve à pourvoir à son entretien et à celui de sa famille, et de sa jalousie rampante envers ceux qui le dépassent dans ses propres accomplissements. En sondant les profondeurs de cette paracha, nous pourrons probablement rassembler un profil complet du comportement humain qui expliquera sa conduite à travers l'histoire.
L'ARGUMENTAIRE DU SERPENT
Sans chercher des interprétations allégoriques de ce péché originel, nous avons ici un cas classique de tromperie commerciale.
Puisque nous nous penchons ici sur les rapports entre la Torah et l'éthique moderne dans les affaires, nous allons examiner la première tromperie dans l'histoire de l'humanité et ses conséquences catastrophiques.
Eve, la femme d'Adam, est abordée par le serpent, qui lui demande pourquoi elle ne mange pas de l'arbre de la Connaissance. Elle lui répond que D.ieu l'a interdit sous peine de mort. Elle ajoute toutefois que D.ieu a aussi interdit de toucher le fruit de l'arbre, ce qui n'est pas vrai. Le serpent astucieux saute sur cette occasion de prendre Eve au piège. Selon nos Maîtres, il l'a poussée contre l'arbre puis lui a déclaré : " De même qu'il n'y a aucun mal à toucher l'arbre, de même n'y a-t-il aucun mal à en manger le fruit ! " De plus, ajoute le serpent, le fruit de cet arbre promet de grandes récompenses à ceux qui en mangeront : " Vous serez comme D.ieu, connaissant à la fois le bien et le mal. " Eve est extrêmement tentée par ces paroles et elle finit par y succomber.
Sans chercher des interprétations allégoriques de ce péché originel, nous avons ici un cas classique de tromperie commerciale. Le serpent n'a pas énoncé sa véritable intention en persuadant Eve de manger le fruit. Nos Maîtres enseignent que le serpent espérait qu'elle commencerait par l'offrir à son mari. Adam mort, le serpent pourrait épouser sa veuve. Même si Eve devait elle-même manger du fruit, le serpent présumait qu'elle ne pourrait pas être tenue pour responsable, puisqu'elle n'avait pas entendu l'ordre de D.ieu (Maharal ; Sifthei 'hakhamim). Si Eve avait su les intentions malveillantes du serpent, il est peu probable qu'elle ait pris le risque de manger le fruit.
Le serpent abusait aussi Eve en ce qui concerne l'arbre de la Connaissance. Il prétendait que l'arbre conférerait un statut " comme D.ieu ", quoiqu'il ne pût justifier cette assertion. La confiance placée par Eve dans les paroles du serpent témoigne de la crédulité de l'homme quand il est mis en présence d'un objet dont il croit avoir besoin, mais dont le prix dépasse ses moyens.
Le processus d'illusion, qui peut conduire à l'achat d'un tel objet, provient à la fois de sa propre croyance dans la nécessité de le posséder, et des efforts rusés et subtils du vendeur pour le persuader de l'urgence de ce besoin.
LA PUBLICITé MENSONGèRE
Les fabricants de voitures s'attachent à convaincre les gens que leurs véhicules sont totalement sûrs, même quand ils savent qu'ils présentent des défauts potentiellement dangereux.
Si on la considère sous un angle moderne, la manoeuvre de tromperie par le serpent est étonnamment proche des pratiques modernes de la publicité. Par exemple, si les gens savaient que les produits alimentaires qu'ils achètent peuvent contenir des toxines susceptibles de nuire gravement à leur santé, accepteraient-ils de les acheter ?
Un récent programme de télévision a montré comment un pêcheur de Jaffa avait continué de vendre du poisson après le départ de contrôleurs du service des fraudes qui l'avaient déclaré dangereux pour la santé. Quand les contrôleurs étaient revenus après quelques heures, ils avaient été corrompus par le pêcheur afin qu'ils certifient que le poisson était comestible. (C'est une caméra cachée qui avait, aussi étonnant que cela puisse paraître, révélé le pot aux roses.) L'homme avait, évidemment, copié la technique du serpent, consistant à dissimuler les dangers inhérents à la consommation de l'arbre de la Connaissance, et c'est de la même manière qu'il livrait du poisson pourri à ses infortunés clients.
De plus, les agences publicitaires ont perfectionné leurs stratégies de persuasion au point que les consommateurs sont réellement convaincus qu'ils vont obtenir des résultats extraordinaires.
Ces agences savent bien souvent elles-mêmes que la valeur réelle de la marchandise dont elles font la promotion ne correspond en rien à celle qu'elles lui attribuent, mais elles exécutent leur mission, qui est de créer la stimulation nécessaire à son achat par le public.
Par exemple, les publicités pour les boissons présentent fréquemment des foules de jeunes gens et de jeunes filles " à la page " jetant des regards admiratifs en direction du buveur, comme si l'absorption du produit absorbé était une garantie de réussite sociale. Les acheteurs de poudres à laver sont assurés qu'ils ne verront plus jamais de tâche sur leurs vêtements après les avoir passés à la machine. Les fabricants de voitures s'attachent à convaincre les gens que leurs véhicules sont totalement sûrs, même quand ils savent qu'ils présentent des défauts potentiellement dangereux. (Rappelons, par exemple, la connaissance qu'avait la Société Ford des risques d'explosion de sa nouvelle voiture " Pinto " en cas de collision.)
Toute cela peut être comparé à la revendication spécieuse de serpent assurant que " vous serez comme D.ieu ".
La punition par D.ieu a été prompte, immédiate et appropriée. Eve a été maudite par le fardeau de devoir porter les enfants et de les élever. C'est à cause d'elle que les hommes sont devenus mortels ; ce sera donc à elle de donner la vie à de nouvelles créatures. Elle a succombé à la tentation et tenté son mari ; elle sera désormais incapable de mettre en œuvre de nouvelles formes de séduction sans la participation de celui-ci.
Le serpent a perdu son aptitude à communiquer d'égal à égal avec les gens. Il lui a été annoncé au contraire que les humains le haïront éternellement et qu'ils essayeront de le tuer toutes les fois qu'ils le rencontreront. Le serpent, qui avait employé sa virtuosité à tromper, ne sera plus jamais cru par l'homme, ni n'emploiera jamais plus sa langue cauteleuse pour inciter les autres au péché.
La leçon pour nous est claire : la Torah nous engage à nous abstenir de toute conduite indélicate et de l'exploitation de la crédulité humaine en vue de gains personnels. En tant que vendeur, l'homme doit être honnête, sinon il tombera comme le serpent. En tant qu'acheteur, il doit apprendre à maîtriser ses désirs pour tout ce qui lui paraît être bon, et se concentrer seulement sur ce qu'il sait être bon et conforme aux ordres de D.ieu. Cela le conduira à la vraie félicité, comme l'a affirmé David, roi d'Israël : " Les statuts de D.ieu sont droits, et ils réjouissent le cœur " (Psaumes 19, 9)
Traduit et adapté par Jacques Kohn