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| Tout, dans l'histoire de l'humanité, se passe comme si les faits se déroulaient sur une scène de théâtre, où les personnages seraient toujours remplacés par d'autres, alors que la toile de fond, la Torah, resterait en permanence, témoin éternel de la révélation divine. |
" Du haut des cieux, l'Eternel promène ses regards, Il voit tous
les fils de l'homme.
De la résidence qu'Il s'est réservée,
Il dirige son attention sur tous les habitants de la terre."
Psaumes, XXXIII, 13,14.
A toutes les époques,
les penseurs, religieux ou incroyants, ont essayé de dégager de
l'histoire de l'humanité une conception globale, qui permette d'expliquer
l'ensemble des faits humains, dans un cadre préfabriqué, en quelque
sorte.
De la théorie de la Providence de Bossuet à la loi des trois états
d'Auguste Comte, de l'explication de l'histoire par la littérature, selon
Victor Hugo à la conception matérialiste du marxisme, autant d'hypothèses
qui veulent tenter de donner une signification à ce que l'on a appelé
" le phénomène humain ".
LA TORAH, AXE HISTORIQUE
DE L'HUMANITELes meilleures preuves de la valeur éternelle de la Torah sont des preuves d'ordre historique. Or, bien souvent, l'on entend
dire que la Torah n'a pas de philosophie de l'histoire; qu'elle ne résout
pas les problèmes des rapports des peuples entre eux, qu'elle n'a pas
de conception qui explique le sens des événements de l'Histoire.
C'est évidemment méconnaître fondamentalement le message
de la Torah, qui a une double valeur historique. En effet, tout d'abord, en
tant que trésor divin confié par le Créateur au peuple
juif, sur le Mont Sinaï, la Torah est devenue, dans une certaine mesure,
l'axe autour duquel doit se dérouler l'histoire de l'humanité
; et d'autre part, comme nous pouvons le lire dans le Kouzari (I, 11-25), les
meilleures preuves de la valeur éternelle de la Torah sont des preuves
d'ordre historique.
Ainsi est-il peut-être
intéressant de noter, en analysant brièvement l'histoire des différentes
civilisations qui se sont succédé sur terre, les conséquences
de la réaction négative des peuples à la révélation
du Sinaï. Le midrash est bien connu, qui raconte que toutes les peuplades
ont, avant l'acceptation d'Israël, avancé un autre prétexte
pour refuser la Torah. Mais la conséquence en fut que, seule de toutes
les nations de l'Antiquité, devait survivre la nation qui avait accepté
d'obéir aux règles qui permettent à " l'homme qui
les observe d'obtenir par elles la vie" (Lévitique, XVIII, 5.) Si nous voulions approfondir l'étude des brillantes civilisations égyptienne ou babylonienne, il nous faudrait étudier de vieux manuscrits, dont l'authenticité est toujours incertaine. Si nous voulions, en effet,
approfondir l'étude des brillantes civilisations égyptienne ou
babylonienne, il nous faudrait étudier de vieux manuscrits, dont l'authenticité
est toujours incertaine; Il faudrait analyser des documents, comme le fameux
code d'Hammourabi, dont l'actualité remonte bien haut ; et pourtant,
il date presque de la même époque que le premier de nos patriarches,
Abraham, qui, lui, reste, pour chaque Juif conscient, un exemple de dévouement
à la parole divine.
Et, si nous descendons
plus près de nous, nous voyons ces civilisations disparaître pour
faire place à l'influence de la philosophie grecque d'abord, du génie
latin plus tard. Ici encore, est-il possible de comparer l'influence qu'ont,
sur les peuples du XXème siècle, Platon ou Socrate, Aristote ou
Sénèque, à la valeur que gardent pour nous les sentences
des rabbins du Talmud, leurs contemporains pourtant ?
De la même façon,
devaient surgir par la suite les religions chrétienne et islamique qui
s'inspirèrent des leçons de la pérennité d'Israël,
en adoptant, dans les lois de la Torah, celles qui malgré tout, convenaient
le mieux à leurs tempéraments respectifs ; mais ce n'était
là qu'un choix humain et donc périssable. C'est dans cette perspective
qu'il faut comprendre, semble-t-il, la désaffection grandissante, à
l'époque moderne, des peuples à l'égard des religions,
quelles qu'elles soient, et l'attrait pour les idéologies nouvelles,
fruit d'un rationalisme excessif.
ISRAEL, TEMOIN DE L'ANTIQUITE
DANS LES TEMPS MODERNES
Cependant, face à
toutes ces vicissitudes, et malgré toutes les persécutions ou
les abandons, Israël, seul témoin de l'Antiquité dans les
Temps modernes, devait rester ferme et fidèle dans sa foi en Celui qui
avait choisi la descendance d'Abraham, comme peuple privilégié.
Et ce rôle de témoin attribué à Israël, nous
le retrouvons dans de nombreux récits de la Torah. En effet, fréquemment,
l'on entend dire que la Torah n'est, en fait, que le produit de l'influence
des civilisations anciennes, et que des récits comme l'âge d'or
primitif ou le déluge se retrouvent dans des légendes populaires
des peuples de l'Antiquité. Or le Juif traditionaliste, qui considère
la Torah comme un absolu d'origine divine, voit précisément dans
ces légendes le résultat de l'influence du récit biblique
sur l'imagination populaire des peuples contemporains; ce sont eux qui ont présenté
sous forme de légende des événements vrais, mais trop lointains
pour sembler historiques; et seule la Torah reste présente pour nous
en garantir l'authenticité. C'est donc l'attachement à la Torah qui est la garantie de la permanence de la Providence divine. On pourrait multiplier les
exemples, de la même sorte, pour démontrer combien l'histoire du
peuple d'Israël devait être constamment, au cours des âges,
le reflet de la réponse des nations à la Révélation
du Sinaï; et tout, dans l'histoire de l'humanité, se passe comme
si les faits se déroulaient sur une scène de théâtre,
où les personnages seraient toujours remplacés par d'autres, alors
que la toile de fond, la Torah, resterait en permanence, témoin éternel
de la révélation divine.
C'est donc l'attachement
à la Torah qui est la garantie de la permanence de la Providence divine,
et c'est dans cette optique qu'il faut comprendre le commentaire de Rachi sur
la bénédiction d'Isaac à Esav : " Quand les enfants
d'Israël se détourneront de la Torah, alors tu pourras relever la
tête" (Genèse, XXVIII. 40, dans Rachi.) Et cette Providence
se décompose. selon la tradition juive, en une providence générale
(" hachga'hah kelalit") applicable à tous les peuples
de la terre, et une providence Particulière" (" hachga'hah
peratit"), applicable à chacun des Individus du peuple d'Israël.
Axe autour duquel les faits
humains se déroulent, ou toile de fond de l'humanité, tel nous
semble être le rôle historique de la Torah, et par là même
du peuple d'Israël. La Torah révèle ainsi une conception
qui semble bien être confirmée par les données même
de l'Histoire. C'est là le sens de ce commentaire du Kéli yakar
sur le 1er Commandement : " Pourquoi, demande-t-il, est-il
écrit "Je suis l'Eternel, ton D.ieu, qui t'ai fait sortir du pays
d'Egypte " et non pas a ... qui ai créé les cieux et la terre
" C'est que le Créateur voulait souligner qu'Il ne s'est pas borné
à créer le monde, mais que par la suite, Il continue éternellement
à diriger l'histoire de l'humanité ". |
Lionel COHN |
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