Le Cinquième Livre de Moïse nous bouleverse par le ton souvent dramatique et toujours en " mineur ". L'on sent que Moïse est plein de chagrin à l'idée que l'accès de la Terre Sainte lui est défendu par la volonté insondable de Dieu.
Où est l'écrivain, le poète, le musicien ou le cinéaste consciencieux, impressionné par les " tragédies grecques ", qui serait capable d'exprimer la plus grande tragédie vécue par un homme, celle de Moïse qui, arrivant aux portes du bonheur, après quarante ans de vie tourmentée et entièrement consacrée à ses frères, se voit refuser l'entrée ? !
Comment, cet homme exceptionnel, ne pouvait-il évoquer des circonstances atténuantes pour changer la décision divine à son égard et pour lui permettre de fouler le sol sacré?
Pour tenter de donner une esquisse de réponse, nous aurons recours à un commentaire 'hassidique d'une haute élévation.
Selon cette pensée, seule la Terre Sainte sera capable de produire le grand miracle de la résurrection. Cette croyance est tellement répandue dans le monde juif qu'il est d'usage, de nos jours encore, de placer un petit sac, contenant de la terre d'Israël, dans le cercueil de chaque juif enterré dans la Diaspora.
Afin de permettre à tous les Justes de bénéficier de la résurrection, la terre de la diaspora fut pour ainsi dire sanctifiée par le corps de Moïse qui y est enseveli.
Ainsi, le guide fidèle du peuple juif a servi, même par la mort, les intérêts de ses frères !
Voilà peut-être pourquoi le calendrier a "été organisé" de telle façon que nous lisions toujours cette paracha à Chabbath Na'hamou, le " Chabbath de la Consolation ".
Notre paracha contient la profession de foi israélite, le chéma, qui se résume dans cette phrase sublime :
Ecoute Israël, l'Eternel est notre Dieu, l'Eternel est Un !
Le chéma, est aussi l'ultime prière que prononce l'israélite, avec ses dernières forces, avant d'exhaler son âme, comme il était toujours le dernier cri des millions de martyrs de la foi juive face à leurs tortionnaires.
Remarquons que Moïse ne dit pas: "Crois Israël", mais il demande à Israël d'écouter la vérité divine. Et voici la force impérissable de notre religion : elle s'adresse à l'entendement de l'homme.
Ecouter exige une concentration spirituelle et intellectuelle. Ecouter présuppose mue disposition intérieure à la réceptivité.
Chéma signifie aussi comprendre, obéir.
Chéma signifie aussi écouter en permanence "l'émission divine". L'israélite doit être sans cesse à (écoute de son Dieu. L'appel solennel du chéma doit résonner continuellement dans l'oreille du croyant.
L'écho puissant du Sinaï résonne encore de nos jours, comme disent nos Maîtres : " Chaque jour une voix céleste retentit sur la Montagne de l'Eternel " (Maximes des Pères 6)
Seule l'oreille distraite ne perçoit pas cet appel permanent ...
Dans le texte qui suit le chéma, il est dit vehaya im chamoa tichmeou - "Et lorsque vous écouterez et ré-écouterez toutes mes lois ...".
La Torah insiste donc pour que nous "écoutions" le message de l'Eternel. La limite de toute philosophie et de toute 'hokhmologie concernant l'unité de Dieu se trouve fixé par le terme "Ecoute". Entendre et réentendre continuellement une vérité, c'est le moyen le plus sûr de (apprendre d'abord, de l'admettre ensuite.
Dans notre monde mécanisé, le disque, la bande magnétique et les autres moyens techniques diffusent sans discontinuité parole ou musique.
Ces méthodes ont comme base la répétition des textes. II suffit donc de savoir "écouter".