Les affreux événements
aux proportions gigantesques contiennent un potentiel colossal pour une réflexion
intense. Ne laissons pas le bouton de " réveil " devenir un
" ronfleur "
Le 12 septembre 2001
Peut-on écrire un chant sans de la musique ? Peut-on construire une maison
sans béton, sans bois et sans acier ? Peut-on bâtir une relation
sans exprimer des sentiments ?
Et peut-on
écrire un article sans des mots ?
Nous sommes aujourd'hui
le 12 septembre 2001, un jour que l'on appellera toujours : " le lendemain…
", et mon âme m'ordonne d'écrire sur les événements
d'hier. Mais ce n'est pas facile sans des mots. On n'a pas encore créé
de mots, voyez-vous, qui dépeignent correctement des événements
et des émotions dont personne n'avait jamais rêvé qu'il
les verrait ou les sentirait un jour.
Et pourtant, des millions d'hommes autour du monde écoutent les analyses
des médias, parcourent les ondes de radio, lisent les quotidiens, et
tarabustent le web… Ils cherchent, explorent, traquent désespérément
la description qui conviendra à leurs sentiments ou qui apaisera leur
douleur.
Que noms, quels adjectifs peut-on relier à :
- " choc " ?
- " dévastation " ?
- " insensé " ?
- " inexprimable " ?
Est-ce que : " horrible " suffit, ou bien : " terrifiant "
est-il plus approprié dans une telle circonstance ?
Les mots structurés ne peuvent pas rendre compte de ce qui est arrivé à notre monde.
Peut-être est-ce le
prophète Jérémie qui a trouvé l'expression adéquate,
dans son élégie Eikha. Pour exprimer sa souffrance devant la catastrophe
qui s'est abattue il y a 2 400 ans sur les Juifs et sur Jérusalem, il
a employé le simple mot : " Hélas ! " Plus un gémissement
qu'un mot. Un sanglot. Un spasme. Une expression gutturale qui va au-delà
des confins de toute définition établie. Les mots structurés
ne peuvent pas rendre compte de ce qui est arrivé à notre univers.
Hélas !
L'Action
Il y a ceux que l'intensité de leur douleur peut conduire à penser
que parler d'une action, alors qu'ils sont plongés dans leur incommensurable
chagrin, est peut-être une manifestation d'insensibilité, voire
d'irrespect. Je peux comprendre cela, mais sans pouvoir l'approuver. Vouloir
" répondre " ne contredit pas la perte, c'est un dérivatif
à la douleur.
A la vérité, s'il y a jamais eu un cas où le dicton : "
L'action parle plus fort que les mots " serait approprié, ce
serait dans les circonstances présentes.
Il est certain que les actions des héros qui ont participé à
l'effort herculéen entrepris pour les opérations de sauvetage
parlent plus que des tonnes de livres consacrés à la valeur de
la vie humaine… ou de la mort. Il est également incontestable que
les actions des milliers d'hommes et de femmes qui ont attendu pendant des heures
leur tour de donner du sang, définissent éloquemment les attentions
que l'on doit avoir pour son prochain, homme et femme. Et il est indubitable
que les réponses militaires qui ne manqueront pas d'être menées
fixeront non moins éloquemment les leçons qu'il faut apprendre
et enseigner.
Mais les événements cataclysmiques appellent aussi à des
actions d'une portée différente. Des actions d'une nature très
personnelle.
Je ne suis pas seul à me sentir engourdi, tandis que je lutte et que
je considère ce que je pourrais éventuellement faire maintenant.
Malgré ma conviction pleine et entière que les mots seront totalement
inadéquats dans toute tentative de décrire l'énormité
du cauchemar catastrophique qui est survenu, je trouve que je ne suis pas différent
de la plupart des gens. Moi aussi je traque les articles et les sites web à
la recherche désespérée d'une sorte de baume littéraire.
Le voyage est stérile, en même temps qu'il en devient obsessionnel.
Je suppose que c'est une partie d'un " processus de convalescence ",
comme on nous l'a enseigné au lycée.
" Nos vies ne seront plus jamais comme avant ! " Qu'est-ce que cela signifie ?
Mais une observation se
met à émerger. Après que tous les experts ont conclu leurs
conjectures et les méandres de leurs analyses, ils semblent converger
- plus ou moins - sur la même piste d'atterrissage. De quelque manière
que l'on appréhende les détails, expliquent-ils, une seule conclusion
est claire : " Nos vies ne seront plus jamais comme avant ! "
Et là il m'est arrivé quelque chose d'étrange. Plus je
le lis, moins je le comprends ! " Nos vies ne seront plus jamais comme
avant ! "
Qu'est-ce que cela signifie ? Est-ce là quelque chose de positif ou de
négatif ? Est-ce qu'ils veulent parler d'un état de crainte et
d'insécurité chroniques ou d'une impulsion irrésistible
vers la résolution de devenir meilleur ?
Sonner l'alarme
Les affreux événements aux proportions gigantesques portent en
eux-mêmes un potentiel colossal pour une réflexion intense. Rien
ne vous ferait courir plus vite que l'insistance avec laquelle la sirène
annoncerait que tout votre quartier est en feu ! C'est probablement la raison
pour laquelle Dieu la ferait retentir !
Mais le véritable choc est ce qui arrive ensuite - après que le
foyer a été noyé sous des tonnes d'eau, que les fumées
ont été dissipées, et que les braises ont cessé
de couver. Le plus souvent, il n'y a plus de feu. La vie quotidienne reprend
son cours, autant qu'elle le peut. Mais quand elle le fait, elle éteint
souvent l'inspiration et la passion qui auraient pu causer des changements réels
et durables. Ce qui semblait si important il y a seulement quelques jours, paraît
soudain trivial, banal, ou simplement hors de portée. L'événement,
si traumatisant et enveloppé d'une telle vitalité, se met à
déteindre comme dans un processus de recyclage. Le bouton de " réveil
" est devenu un " ronfleur ".
Il y a, certes, des exceptions - beaucoup d'exceptions. Mais la plupart d'entre
nous deviennent tôt ou tard les proies de l'indifférence. Les promesses
se fanent et la persévérance disparaît. Nous oublions…
nous nions… nous nous trouvons des justifications - et malheureusement,
nous restons les mêmes.
Le malheur est que, selon toute vraisemblance, nos vies resteront à peu près les mêmes qu'avant.
Il n'existe pas de manières
magiques d'éviter cette plongée vers le " point mort "
de notre conduite. La conviction nécessaire pour aller de l'avant doit
venir du dedans de nous-mêmes. Seul un déferlement inflexible de
zèle et d'enthousiasme peut contenir l'avalanche de la résignation.
Il faut beaucoup de force pour rester résolu dans une nouvelle résolution.
Cela aide aussi à commencer le plus tôt possible après l'événement.
Il arrive qu'un grand début puisse nous donner l'élan dont nous
avons besoin.
Je ne peux pas dire en détail ce que ces jours d'apocalypse devraient
nous inciter à faire. Comme indiqué ci-dessus, l'action que chacun
devra entreprendre lui est très personnelle. Seul chacun de nous sait,
au plus profond de lui-même, les changements qu'il devra faire.
Je peux dire une seule chose. Pour affreuse et alarmante que semble être
la situation actuelle, même une catastrophe aussi virulente que celle-là
contient les mêmes risques périlleux d'indifférence.
Les analystes ont tort. Ce qui est tragique, aujourd'hui, ce n'est pas que "
nos vies ne seront plus jamais comme avant ", c'est que, selon toute probabilité,
elles resteront à peu près les mêmes qu'avant.
Vous savez ce qu'il vous reste à faire.
Faites-le maintenant. Vous n'en aurez peut-être plus jamais l'occasion.
Hélas.
La famille lamed.fr
pleure ceux qui ont disparu et prie pour la guérison des blessés.
Nous restons dans un état d'incrédulité et de choc complet.
Veuille le Tout-Puissant nous consoler de notre chagrin et nous protéger
de toutes autres douleurs.
Nos lecteurs pourront exprimer dans le cadre " Commentaires " ci-dessous
leurs pensées et leurs prières.