Quels plaisirs un parent veut-il
procurer à ses enfants ? De la bonne nourriture, des vacances divertissantes,
du tennis, de la musique. Tout cela est merveilleux !
Mais quand ils atteignent l'âge
de 25 ans et qu'ils préfèrent toujours le tennis au travail, nous
commençons à nous dire : " Il est grand temps qu'il devienne
quelqu'un ! " C'est très joli de faire de temps en temps une partie
de tennis, mais la vie a bien plus à offrir que de simples " amusements
". Nous voudrions que nos enfants fassent carrière, qu'ils se marient,
qu'ils aient des enfants à leur tour.
S'ils arrivent à 35 ans et
qu'ils continuent de jouer jour et nuit au tennis, nous nous mettons à
crier : " Au secours ! "
Le judaïsme enseigne que Dieu
est notre Père dans le ciel, et que nous sommes Ses enfants. Comme tout
parent, Dieu veut que Ses enfants profitent des plaisirs de la vie.
Il existe cinq différents niveaux de plaisir, chacun d'eux représentant
une classe à part.
L'avion du plaisir
Les différentes classes de
plaisir peuvent être comparées aux sièges dans un avion.
La manière la plus agréable de voyager est de le faire en première
classe. Puis vient la deuxième classe. Mais comme aucun passager ne veut
qu'on pense de lui qu'il voyage en deuxième classe, on l'appelle la classe
" Affaires ", la classe " Executive ", ou la classe "
Ambassador ".
La troisième classe ? C'est
la classe " Touriste ", appelée aussi " Coach " ou
" Economy ".
Et la quatrième classe ? On
nous met tout en bas avec les animaux dans la soute à bagages.
La cinquième classe ? On nous
remet une corde en nous disant : " Cramponnez-vous y ! "
Tout le monde préférerait
voyager en première classe. Mais beaucoup n'y arriveront jamais. Ils
voyageront toute leur vie durant en cinquième classe, à peine
tout juste accrochés. Et parfois, c'est triste à dire, cela devient
trop dur et ils lâchent tout.
La mesure du plaisir
Chacune de ces cinq classes de plaisirs
est si unique que l'on ne peut pas échanger 10 unités de plaisir
de cinquième classe contre une seule unité de plaisir de quatrième
classe. Si nous avons une faim de loup, échangerions-nous un bon repas
contre une visite du Musée du Louvre ? Troquerions-nous l'amour de notre
vie contre un appartement en front de mer sur la Riviera ?
Il faut imaginer le plaisir comme une source d'énergie.
On ne peut pas comparer
un plaisir avec un autre. Dans ces conditions, comment attribuer une valeur
à n'importe quel plaisir ? Imaginons le plaisir comme un cheval-vapeur,
nous procurant de l'énergie. Si nous avons du plaisir, nous devenons
impatient d'entreprendre des travaux difficiles. Nous y investissons d'autant
plus d'énergie que le dynamisme que nous retirons du plaisir nous donne
de l'élan.
En essayant d'estimer la
valeur d'un plaisir donné, posons-nous la question : Quand je mange de
la crème glacée, combien de plaisir, combien d'énergie,
est-ce que j'en retire ? Si j'écoute de la musique, combien d'énergie
est-ce que j'en emporte ? Si j'aime quelqu'un, quelle stimulation cela me procure-t-il
? Est-elle plus ou moins forte que celle que crée la consommation d'un
cornet de glace ? C'est là une manière rationnelle de la mesurer.
Des plaisirs contrefaits
Il arrive que des gens croient
qu'ils obtiennent un réel plaisir, mais ils sont abusés. Par exemple,
l'activité sexuelle est un plaisir réel, mais la pornographie
en est une contrefaçon. Elle ne stimule que la luxure, et elle déprime
au lieu de stimuler. Elle peut sembler excitante au premier abord, mais l'emballement
et l'énergie ne sont pas la même chose, et il ne faut pas les confondre.
Le plaisir le plus profusément
contrefait dans le monde occidental est la décadence. Voici pourquoi
il est contrefait :
La plupart des gens, quand
on leur demande quel est le contraire de la douleur, répondent que c'est
le plaisir. Mais l'absence de douleur n'équivaut pas automatiquement
à un plaisir !
Le contraire de la douleur n'est pas le plaisir ; le contraire de la douleur
est le confort. Beaucoup de gens pensent que le summum du plaisir est constitué
par des vacances sur la Riviera, passées à se vautrer sur matelas
à eau, sous le souffle subtil d'une brise légère, une boisson
fraîche à portée de la main, chaque muscle du corps agréablement
détendu.
Mais il ne faut surtout
pas s'endormir, car ce serait perdre tous ces agréments !
Le sommeil et le confort
sont indolores. Mais ils ne sont pas un but dans l'existence !
En réalité,
la douleur est le prix à payer pour le plaisir. Si l'on veut obtenir
un diplôme universitaire et obtenir un bon poste, on doit beaucoup étudier.
Si l'on veut devenir un champion olympique, il faut savoir éprouver la
douleur de ses muscles endoloris. Et cela, on ne l'obtiendra pas sur une plage
de la Riviera.
Assimiler le confort au plaisir est une contrefaçon. Le plaisir réel
ne peut résulter que de l'effort.
Le prix du plaisir
Pour réussir dans
la recherche du plaisir, il faut se concentrer sur le plaisir et non sur l'effort.
Imaginons une équipe
de joueurs de basket-ball. Ils courent sur le terrain, se donnent à fond
à leur sport jusqu'à leurs extrêmes limites. Remarquent-ils
leur propre souffrance ? A peine. Le plaisir de jouer submerge toute autre sensation.
Réfléchissons
maintenant à ce qui se passerait si l'on proposait aux joueurs l'expérience
suivante :
" Vous allez jouer
au basket-ball comme vous le faites normalement : courir, sauter, à l'attaque
et en défense. Mais cette fois-ci sans ballon ! "
Pendant combien de temps
vont-ils jouer ? Pas plus de cinq minutes ! Parce que sans ballon, il n'y a
aucun plaisir qui puisse leur faire oublier la souffrance. Le moindre pas constitue
maintenant un effort insurmontable !
Rendons-leur le ballon,
et les voilà repartis pour un match de deux heures !
Dans la vie, gardons l'œil
sur le ballon ! Concentrons-nous sur le but à atteindre, et transformons
tout effort en plaisir !
Apprendre à aimer
le plaisir
Nous pensons que le plaisir
devrait venir automatiquement. Mais ce n'est pas si simple. De même que
l'on ne peut pas aimer pleinement la musique sans avoir acquis une culture musicale,
de même doit-on tout apprendre sur les plaisirs.
C'est comme une dégustation
de vins. Le vin est beaucoup plus qu'un simple liquide qui nous mouille la bouche
et nous laisse éméché. Si l'on veut y goûter en connaisseur,
on commence par examiner le bouchon. Puis on apprécie la couleur du vin.
On le fait ensuite tournoyer autour du verre. (C'est ce que l'on appelle : "
Vérifier les jambes ".) Alors seulement on hume le bouquet, puis
on déguste effectivement le vin, en le savourant lentement, et en permettant
au goût et à la texture de pénétrer dans toutes les
zones de goût de notre bouche.
Si nous n'avalions pas goulûment des crus de grande marque, n'accorderions-nous pas le même respect à la vie elle-même ?
Notre monde est riche en
profusions et en trésors, en images et en odeurs, en rapports humains
et en énergies, en potentialités et en accomplissements. Si nous
n'avalions pas goulûment des crus de grande marque, n'accorderions-nous
pas le même respect à la vie elle-même ?
En résumé,
souvenons-nous des trois critères qui s'appliquent à toutes les
catégories de plaisir :
Il n'y a pas de taux
de change entre les divers niveaux de plaisir.
Attention aux plaisirs
contrefaits !
Pour chaque plaisir,
le prix à payer est un effort.
Le plaisir de cinquième
classe
Le plaisir de cinquième
classe est le plus élémentaire et le plus disponible. C'est le
plaisir physique et matériel. De la bonne nourriture, de beaux vêtements,
une maison confortable, de la musique agréable, un beau paysage. Ce plaisir-là
comprend tout ce qui fait appel aux " cinq sens ".
Dieu a créé
le monde physique pour que nous en profitions. Le Talmud enseigne que si l'on
a l'occasion de déguster un nouveau fruit et qu'on refuse de le faire,
on devra en rendre compte dans le monde à venir.
Qu'est-ce que les fruits
ont de si particulier ? Dieu aurait pu créer une bouillie douceâtre
contenant toutes les vitamines et les sels minéraux nécessaires
à notre survie. Mais les fruits sont le dessert que le Tout-Puissant
nous a réservé. C'est un acte d'amour. Peut-on imaginer que l'on
prépare un dîner délicieux pour un être aimé
un et que celui-ci refuse d'y goûter ? ! Mais il y a une différence
entre déguster des fruits et s'en empiffrer. Et c'est là que se
trouve la contrefaçon du plaisir de cinquième classe - trop d'une
trop bonne chose. Quand on jouit d'un plaisir de cinquième classe sans
savourer ce cadeau, on finit par ne plus être capable de l'aimer. Le vin
est merveilleux si on le consomme modérément ; avaler goulûment
toute une bouteille nous fera vomir. Nous empiffrer de nourriture nous laissera
avec le sentiment d'être dévalorisé, et non avec celui d'être
stimulé.
La clé de la conduite
à tenir est détenue par la conscience de ce que l'on fait. Quand
on en est conscient, on ne perd pas sa maîtrise de soi et l'on ne permet
pas à ses appétits de nous dominer.
Cela ne signifie pas qu'il
faille encourager l'ascétisme ou le célibat. Les plaisirs physiques
viennent de Dieu et ont été créés pour qu'on en
jouisse. L'activité sexuelle est considérée comme l'un
des actes les plus sacrés que nous puissions accomplir. En fait, le mot
hébreu pour la cérémonie de mariage - Qiddouchine - vient
du mot qadoch, qui signifie : " sacré ". Voilà pourquoi
le Talmud enjoint explicitement aux couples, le Chabbath - le jour le plus sacré
de la semaine - à avoir des relations conjugales.
Aimons tous les aspects
physiques de ce monde-ci. Voilà le plaisir de cinquième classe
que Dieu, notre Père, a créé pour la satisfaction de Ses
enfants.
Le plaisir de quatrième classe
Comme nous l'avons dit plus
haut, il n'y a pas de taux de change entre les divers niveaux de plaisir. Aucun
montant de plaisir de cinquième classe ne peut nous permettre d'acquérir
la moindre parcelle de plaisir de quatrième classe.
Qu'est-ce qui vaut plus
que tout l'argent du monde ? L'amour.
En voici une preuve :
Imaginons M. Schwartz,
un homme d'affaires dont le but majeur dans la vie est de gagner une fortune
de 10 millions de dollars. Sa femme et lui ont trois enfants.
Un jour, un
riche philanthrope nommé Cohen décide de faire à Schwartz
une offre très généreuse. Cohen déclare : "
Vous passez toute votre vie à essayer de gagner 10 millions de dollars.
Je vous offre le plus grand raccourci de toute votre carrière. Je
vais vous donner 10 millions de dollars immédiatement en échange
du droit d'adopter un de vos enfants. Votre enfant aura ce qu'il y a de
meilleur au monde. La seule condition est que vous devrez rompre tout contact
: vous ne pourrez plus jamais ni voir votre enfant ni apprendre de ses nouvelles.
"
Que va dire
Schwartz ? Son rêve financier réalisé en un instant
! Mais abandonner un enfant ? Impossible ! " C'est hors de question
! Sortez d'ici ! "
Dix millions de dollars.
Un plaisir mirobolant de cinquième classe ne lui fera pas vendre un enfant.
L'amour n'est pas une valeur que l'on puisse échanger contre de l'argent.
Mais combien temps Schwartz
consacre-t-il à ses enfants ? S'ils lui sont si précieux, pourquoi
se montre-t-il si peu empressé dans l'amour qu'il leur porte ?
Après la visite
de Cohen, Schwartz a un éclair d'inspiration : " Il faut que
je consacre plus de temps à mes trésors ! " Aussitôt,
il annonce à sa secrétaire qu'il va prendre une ou deux semaines
de vacances et qu'il les passera avec ses enfants.
Schwartz se
précipite à la maison. Après s'être acharné
pendant une heure sur le dispositif d'ouverture de la poussette, il passe
une bonne heure au parc à bien s'amuser avec ses enfants. Mais arrivent
l'heure du dîner, celle du bain et celle de l'histoire avant de dormir.
Après s'être mesuré aux restes des plats jetés
à terre, aux inondations dans la salle de bains et au trentième
récit de " Babar va au cirque ", Schwartz s'effondre sur
le canapé, se tourne vers sa femme et soupire : " Peut-être
ai-je été trop vite en besogne lorsque j'ai annoncé
que je prenais deux semaines de vacances… "
Apprendre à aimer
Schwartz sait que ses enfants
valent plus que 10 millions. Mais il ne sait pas comment aimer ce plaisir.
Il faut donc commencer par
définir ce qu'est " l'amour ".
Le Talmud définit
l'amour comme le plaisir émotionnel que nous ressentons à pouvoir
identifier les gens par leurs vertus. Si l'on fait cela, on continuera d'aimer
ses enfants - et de leur inculquer en même temps la discipline - même
lorsqu'ils se lancent des boulettes de viande à travers la salle à
manger.
Si l'on ne comprend pas
clairement ce qu'est l'amour, tout ce sur quoi on sera capable de porter son
attention sera les efforts et les douleurs qu'implique l'éducation des
enfants, et on en viendra à la conclusion que c'est vraiment trop astreignant.
Quel est le plus grand "
plaisir " de parents moyens ? Leurs enfants.
Quelle est la plus grande
" douleur " de parents moyens ? Aussi leurs enfants.
Ce n'est pas par accident
que le plus grand plaisir d'un parent soit aussi la source de sa plus grande
douleur. Parce que plus grand est le plaisir, plus grand est l'effort nécessaire
pour l'obtenir.
Si donc l'on veut réussir
dans la vie, la clé du succès n'est pas d'éliminer entièrement
la douleur - ce serait impossible. Mais c'est porter son attention sur le plaisir
que l'on reçoit comme récompense pour tout cet effort.
Amour contre engouement
La contrefaçon de
l'amour consiste à croire qu'il est dépourvu de tout effort, et
qu'il est quelque chose qui arrive comme cela… L'amour est un coup du destin
sans rime ni raison. On ne travaille pas à aimer les gens. Il se produit
ou il ne se produit pas. On peut donc, aussi bien que l'on " tombe amoureux
", tomber " hors de l'amour ".
Robert et Catherine
sont seuls dans le parc, marchant sous un clair de lune. Passe par là
Cupidon qui tire une flèche. Et hop ! Robert et Catherine tombent
follement l'un de l'autre !
Ils se marient,
ont des enfants, une grande maison, une lourde hypothèque. Robert
travaille durement pour payer ses factures, et il reste tard le soir au
bureau. Alors qu'il travaille avec sa secrétaire Caroline, arrive
Cupidon qui tire une autre flèche. Boingg ! Robert est maintenant
amoureux de Caroline.
Robert rentre
à la maison et il annonce tout de go à Catherine : "
Je suis tombé amoureux de ma secrétaire. Mais qu'y puis-je,
ma chérie, c'est la faute au démon de midi ! "
Sort Catherine,
entre Caroline.
Plus intime est la connaissance, plus on peut aimer.
Le problème ? Robert
ne s'est pas attardé à creuser le caractère de sa partenaire
et il n'est donc pas tombé amoureux après avoir profondément
compris ce qu'elle est. L'amour de Robert n'est pas basé sur l'engagement
et un effort pour révéler des vertus. La Bible dit que "
Adam a connu Eve sa femme ". L'amour est bâti sur la connaissance.
Plus intime est la connaissance, plus on peut aimer.
Mais le monde occidental
pense que l'amour n'est pas quelque chose que l'on choisit : l'amour est quelque
chose dont on devient la " victime ". Si donc l'on veut rester marié,
tout ce que l'on peut faire c'est espérer ne pas être à
nouveau pris pour cible par Cupidon ! Est-il si surprenant, dès lors,
qu'il y ait un taux de 50 % de divorces ?
L'engouement n'est pas l'amour,
il est juste une attraction physique, une contrefaçon. L'amour réel
dure toujours.
Nous voyons cela dans les
rapports entre parents et enfants. Aucun parent ne se lèvera jamais le
matin pour déclarer : " J'ai décidé que j'aime mieux
les enfants des voisins. Ils ne toussent pas la nuit, et ils obtiennent de meilleures
notes en maths. Dehors, les gosses ! Faites place aux voisins ! "
Pure démence, non
? Nous ne tombons pas " hors d'amour " avec nos enfants, parce que
nous sommes prédestinés à les aimer.
Comment savoir si l'on est
amoureux ou victime d'un engouement ? Si l'on entend affirmer : " Il est
parfait ! " ou : " Elle est parfaite ! " alors méfions-nous
! Cela n'est pas une réalité. C'est le signe assuré d'un
engouement.
Le véritable amour
exige qu'on y travaille. Il faut vouloir en faire l'effort.
Le plaisir de troisième
classe
Qu'est-ce qui peut obliger
quelqu'un à renoncer à ce qu'il aime le plus profondément
?
Une cause. Le zèle
à vouloir changer le monde. Le désir d'une plus grande signification
dans la vie. Le besoin de faire la chose qu'il faut.
Imaginons que des
terroristes ont pris un avion en otage et qu'ils se tournent vers vous :
" Tuez tous les autres passagers, sinon nous vous tuerons ainsi que
vos enfants ! "
Vous ne pourrez pas
le faire. Vous ne pouvez pas tuer des innocents, même si c'est le
seul moyen de sauver votre propre famille. Vous préférerez
mourir.
Dans le judaïsme nous
disons : Si l'on ne sait pas ce pour quoi on est prêt à sacrifier
sa vie, on n'a pas encore commencé de vivre. Autrement, on ne fait que
se livrer à un jeu. Si l'on n'a pas un sens dans votre vie, alors tous
les plaisirs physiques, les belles vacances et même les plus merveilleux
conjoint et enfants, peuvent nous faire sentir qu'il manque quelque chose.
Apprendre à apprécier
la bonté
Il faut de grands efforts
pour être une véritable bonne personne. Mais la plupart des gens
n'atteignent jamais ce but. Ils se contentent de n'être " pas mauvais
", se satisfaisant de ne pas tuer, de ne pas voler, de ne pas commettre
d'adultère. Mais être bon est beaucoup plus qu'être simplement
" pas mauvais ".
Pourquoi alors n'essayons-nous
pas ? Parce que la responsabilité que cela implique semble un fardeau
bien plus qu'un plaisir.
Vous êtes en
vacances à Paris, et vous faites une excursion sur un de ces bateaux
qui parcourent le canal Saint-Martin. Alors que vous êtes en train
d'admirer une écluse, l'un des passagers tombe à l'eau. Il
ne sait pas nager, et il va se noyer. Vous sautez donc à l'eau, une
eau souillée par les ordures, par des cadavres de poissons, mais
vous n'en avez cure : il s'agit pour vous de sauver une vie. Vous agrippez
l'homme, il résiste, vous disparaissez sous la surface de l'eau croupie,
et il finit par cesser de lutter, mais il est devenu à présent
aussi lourd que du plomb. Vous le tirez de toutes vos forces, vous haletez,
l'eau est puante…
Finalement,
après ce qui vous a semblé durer une éternité,
vous le traînez jusqu'au bord. Les gens viennent à votre aide,
et une ambulance emporte à l'hôpital la victime de la noyade.
Dieu merci, il est vivant. Il tousse et crache de l'eau croupissante, mais
il est sauvé. Vous retournez à votre hôtel et passez
une douzaine de fois sous la douche pour vous débarrasser des odeurs
pestilentielles de poisson pourri. Et vous vous dites : " Je ne reviendrai
plus jamais ici de ma vie ! "
Trente ans
et cent périodes de congés plus tard, quelles sont les vacances
qui vous ont laissé le souvenir le plus impérissable ? Ce
sont celles où un type est tombé du bateau et où vous
lui avez sauvé la vie !
C'est très bien de
prendre un plaisir rétrospectif à une bonne action. Mais pourquoi
ne pas chercher à le faire par anticipation ? Et même plus : pourquoi
ne pas se concentrer sur le bien que l'on est en train de faire ? Le plaisir
ne s'en trouverait-il pas rehaussé ?
Avoir l'air bon, et être
bon
Il arrive que des gens exécutent
des actes de courage qui sont réellement stupides. Les gamins jouent
à la " roulette russe " ou à la " poursuite infernale
" au risque de se tuer. Ils en retirent une grande fierté et pensent
avoir accompli quelque chose d'exaltant. Voilà ce qu'est la contrefaçon
d'un plaisir de troisième classe.
La société
occidentale connaît une autre version de la contrefaçon d'un plaisir
de troisième classe : la réussite financière. On peut être
un bon époux, un bon ami, un citoyen loyal, un penseur, un intellectuel
- mais si l'on n'a pas gagné beaucoup d'argent, on est en situation d'échec.
Il y a quelques années,
une camionnette de la " Brinks " a perdu plusieurs de sacs d'argent.
La porte arrière s'était malencontreusement ouverte, et un
million de dollars s'étaient répandus dans la rue, l'argent
se dispersant sous l'effet du vent. Chacun en attrapait ce qu'il pouvait.
Mais l'un des passants est entré dans la banque et lui a rendu 50
000 dollars.
Lorsque la presse
a interviewé son père, celui-ci a dit : " Mon fils n'est
qu'une mauviette ! " Et lorsqu'on a interrogé ses camarades
de travail, l'un d'eux a déclaré : " Dieu lui a offert
un cadeau, et cet idiot l'a rendu ! "
" Je suis agent de change ! Je suis vice-président d'une grande société ! Je suis diplômé de Harvard ! "
La contrefaçon de
: " être bon " est : " avoir l'air bon ". Beaucoup
de gens investissent d'énormes efforts à essayer de gagner l'admiration
des autres. Voilà pourquoi tant de personnes s'identifient si fréquemment
par la profession ou la carrière. " Je suis agent de change ! Je
suis vice-président d'une grande société ! Je suis diplômé
de Harvard ! " Si les autres sont impressionnés, cela nous rassure
sur notre importance.
Ne nous laissons pas prendre
par le : " avoir l'air bon ". La véritable bonté consiste
à faire ce qu'il faut faire.
Qu'est-ce qui a incité
Alfred Nobel, le riche homme d'affaires suédois, à créer
le prix qui porte son nom ?
Nobel, après avoir
inventé la dynamite, est devenu l'un des plus grands producteurs d'explosifs
du monde. Lorsque son frère est mort, un journal a imprimé par
erreur la nécrologie d'Alfred au lieu de celle du défunt. Quand
Alfred Nobel la lut et qu'il vit que sa vie avait causé tant de destructions
et de massacres, il en fut bouleversé. " Est-ce cela ma vie ? !
Il faut que je fasse quelque chose de bien. " C'est alors qu'il décida
de créer le Prix Nobel pour ceux qui font du bien dans le monde.
Le plaisir de deuxième
classe
C'est par sa contrefaçon
que le plaisir de deuxième classe peut le mieux être identifié.
Dans quel but des gens sacrifient-ils des vies innocentes ? Pour obtenir le
pouvoir.
Staline, Idi Amin Dada,
Hitler - une longue liste de tyrans prêts à tuer des millions d'êtres
humains pour obtenir le pouvoir. Pour créer un Etat communiste. Pour
créer un monde dominé par la race aryenne pure. Mais cette sorte
de pouvoir est une contrefaçon. Ce pouvoir ne fait que détruire.
Le véritable plaisir
de deuxième classe est constitué par le pouvoir de créativité.
Par exemple, l'artiste exerce une maîtrise sur son œil, son bras
et la peinture, afin de traduire ses idées en une réalité.
Il prend de la matière inerte et la transforme en quelque chose de productif,
d'utile et de beau.
Mais certains individus
commettent parfois l'erreur de se laisser entraîner à une maîtrise
dominatrice. Le dictateur manipule les pièces de l'échiquier,
mais c'est dans le dessein de détruire des vies humaines et la société.
Ce n'est là qu'une illusion de créativité.
Le seul moyen de savoir
si l'on crée ou si l'on manipule, c'est par le résultat. La créativité
procure aux autres du plaisir. La manipulation aboutit à la destruction.
Que préfère-t-on
être : un salarié ou le patron ? Même si une entreprise ne
peut pas fonctionner sans des salariés, il y a une plus grande satisfaction
à en être le patron. Au lieu d'obéir simplement aux ordres,
il détient le pouvoir de créer, de diriger, de planifier et de
concevoir. On se désaltère à la source du pouvoir créatif
- la sagesse et la compréhension.
De la même manière,
l'une des plus grandes formes de plaisir de deuxième classe est la création
d'une famille : donner naissance à des enfants, puis leur inculquer des
valeurs, et en faire des hommes et des femmes sains, productifs et attentifs
au sort d'autrui.
Pourquoi la créativité
soulève-t-elle un tel enfièvrement ? Parce qu'elle touche à
l'essence de Dieu. L'expression ultime de la créativité a été
la création du monde par Dieu. Il a fait quelque chose à partir
d'absolument rien. Seul un Etre Infini pouvait faire cela. Exprimer notre propre
créativité est une réplique de ce pouvoir.
Le plaisir de première
classe
Imaginons quelqu'un qui
a maîtrisé les quatre classes de plaisir. Il jouit d'une très
grande richesse et de plaisirs matériels, d'une belle famille qui l'entoure
de son affection, d'une existence porteuse de signification, d'un pouvoir qu'il
utilise pour propager le bien dans le monde. Mais il lui manque encore quelque
chose :
Une rencontre avec Dieu.
Aucun être humain
n'est totalement satisfait s'il ne parvient à côtoyer une dimension
transcendante. Quand tout est dit et fait, ce que nous cherchons tous est de
pouvoir nous écarter de ce monde fini et nous relier avec l'infini, de
devenir un avec Dieu.
Comment réagirions-nous
si l'on nous disait : " Je dispose d'une chambre où vous pourrez
vous asseoir et converser pendant une heure avec le Tout-Puissant Lui-même.
" Est-ce que nous ne sauterions pas sur l'occasion ? Ne serait-elle pas
pour nous l'expérience ultime ?
Ce serait fantastique.
Nous avons tous des moments
où nous sommes frappés par le fantastique de la vie : la naissance
d'un bébé, le spectacle des étoiles au-dessus de nous,
l'observation d'un éclair pendant un orage. Cela nous met hors d'haleine.
Le fantastique représente
un moyen de faire fondre notre insignifiance dans quelque chose de beaucoup
plus grand. Nous rompons nos propres limitations et nous nous relions à
l'unité de Dieu.
Un plaisir de première
classe ne peut se comparer à aucune autre expérience. Rien de
ce qui est fini, rien de ce qui est relié à ce monde-ci, ne peut
se comparer avec l'infini.
Une attitude de gratitude
Pour le plus grand plaisir,
nous devons payer le plus grand prix : la gratitude.
Afin de nous relier à
Dieu, nous devons apprendre à apprécier tout le bien qu'Il nous
a fait. Cela veut dire abandonner l'illusion que nous seuls sommes responsables
de nos accomplissements. Ce sont tous des cadeaux de Dieu. De même que
chaque coup de pinceau de Picasso porte sa signature, de même tout ce
qui se trouve dans ce monde porte sur lui la signature de Dieu. Nous devons
apprendre à l'apprécier .
Tout ce qui se trouve dans ce monde porte sur lui la signature de Dieu.
Si nous faisons l'effort
d'apprécier les cadeaux que Dieu nous a accordés, nous acquerrons
une conscience tellement aiguë de Sa présence que tout ce que nous
faisons sera accompagné par un sentiment de Son amour et de Sa direction.
Nous en serons submergés au-dessus et au-delà de tout autre plaisir
possible.
En fait, c'est le but ultime
pour lequel homme a été créé. Nous sommes venus
sur terre afin de surmonter les illusions et d'employer notre libre-arbitre
à bâtir un rapport avec Dieu. Il aurait pu faire des robots, mais
Il ne l'a pas voulu. Il veut une relation réelle, ce qui veut dire que
nous devons la choisir.
Pourquoi la gratitude est-elle
si difficile à assumer ? Parce que l'ego d'un être humain ambitionne
toujours à de la reconnaissance et à l'indépendance. Nous
hésitons devant le concept d'être en dette de quelque chose. Nous
préférons croire que nous l'avons fait nous-mêmes !
Une autre contrefaçon
de plaisir de première classe consiste à penser que quelqu'un
ou quelque chose d'autre subvient à nos besoins. Si l'on pense que notre
carrière ou la personne que l'on aime constitue l'élément
capital qui satisfera à nos besoins, alors on se méprend. Parce
que toutes ces choses-là peuvent disparaître. Dieu seul a un pouvoir
absolu et Lui seul est éternel !
Atteindre les étoiles
Imaginons le lancement d'un
vaisseau spatial. Quand s'allume le cinquième étage de la fusée
il y a décollage. Quand s'allume le quatrième étage, la
fusée traverse l'atmosphère à 150 km/seconde. Le troisième
étage propulse la fusée en orbite. Le deuxième étage
dirige la fusée vers sa destination. Et enfin, le premier étage
nous fait débarquer sur la lune.
Il en va de même avec
les cinq niveaux de plaisir. Le cinquième étage représente
le plaisir physique, celui qui nous donne l'énergie pour le décollage.
Mais si l'on n'atteint pas le quatrième étage : mariage, enfants,
amour - flop ! Ce qui nous met réellement en orbite est le respect, la
signification donnée à la vie, et le bien que l'on fait dans ce
monde. Une fois placé en l'orbite, on a encore besoin de la propulsion
du deuxième étage - le pouvoir - pour nous propulser vers notre
destination. Et enfin, le premier étage est la vie avec Dieu.
Dans le judaïsme, le
Chabbath représente l'occasion qui nous est offerte de profiter en un
seul jour de toutes les classes de plaisir. Nous disposons tout d'abord d'une
table mise avec une belle nappe blanche, une fine porcelaine, de l'argenterie,
des fleurs, un candélabre brillamment allumé, une nourriture délicieuse
et du vin. C'est le plaisir de cinquième classe, le décollage.
Puis nous donnons à nos enfants une bénédiction accompagnée
de caresses et de baisers, et au moment où nous nous asseyons tous autour
de la table, resplendit la chaleur de la vie de famille. Nous avons l'amour,
plaisir de quatrième classe, et nous voyageons à toute vitesse.
Alors nous entonnons quelques chants et récitons des paroles de Tora,
et nous comprenons la signification et la profondeur de cette journée
: Nous sommes maintenant en orbite. Si nous savons ce que sont nos buts dans
la vie, c'est le pouvoir du plaisir de deuxième classe. Et nous atteignons
alors le but de la journée : nous nous sommes relié avec Dieu.
Sachons ce pour quoi nous
vivons. Le Tout-Puissant nous a créés pour avoir du plaisir. Il
est difficile de devenir un champion olympique, et il est encore plus dur de
devenir un champion " être humain ". Mais nous ne sommes pas
nés pour le confort. Nous sommes nés pour avoir du plaisir. Prenons
la décision qui s'impose : Voyageons en première classe !