Réalité
Pendant dix-sept ans, de 1897 à 1914, les dirigeants sionistes effectuèrent des démarches répétées auprès du sultan de Turquie afin d'obtenir la création d'une Palestine juive autonome au sein de l'Empire ottoman. En vain. Au début de la première guerre mondiale, les Turcs persécutèrent leurs minorités ethniques et religieuses.
Plus d'un million d'Arméniens furent exterminés en 1915 et en 1916 ; en Palestine, des mesures furent prises contre les Juifs : la moitié environ se réfugia en Egypte, pays alors placé sous le protectorat britannique.
C'est dans ces circonstances qu'un dirigeant sioniste de nationalité britannique, le Dr Haim Weizmann, put obtenir du gouvernement de Londres une reconnaissance formelle des droits des Juifs sur Eretz- lsraêl. La déclaration Balfour de 1917 stipule:
" Le gouvernement de Sa Majesté considère de manière favorable la création d'un Foyer national juif en Palestine, et prendra toutes les initiatives propres à faciliter le réalisation de ce projet, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés non-juives existant actuellement en Palestine, ni aux droits ou au statut politique dont jouissent les Juifs dans n'importe quel autre pays. "
Une déclaration du même type avait déjà été faite en faveur de l'indépendance des Arabes de l'Empire ottoman, deux ans plus tôt, en 1915.
De fait, de bonnes relations prévalurent de 1917 à 1920 entre les dirigeants sionistes et les dirigeants nationalistes arabes.
En janvier 1919, lors de l'ouverture à Paris de la conférence de la paix devant décider de la nouvelle carte de l'Europe et de l'Orient, le Dr Weizmann signa un traité d'amitié et de coopération avec l'émir Fayçal, fils du chérif Hussain de La Mecque, et chef désigné du nouvel Etat arabe de Syrie-Mésopotamie-Arabie.
Les deux hommes, " conscients de l'affinité ethnique et du lien racial existant entre les Arabes et le peuple juif ", déclaraient qu'une collaboration étroite entre l'Etat arabe et la Palestine " constituait " la condition la plus sûre pour la réalisation des aspirations nationales des deux parties ". Il est à noter que l'émir Fayçal reconnaissait la Palestine comme un Etat juif, distinct de " l'Etat arabe ". Le traité recommandait l'application de la déclaration Balfour et de "toutes les mesures nécessaires pour encourager et stimuler l'immigration massive de Juifs en Palestine".
Le 2 mars 1919, le Dr Weizmann défendit les thèses de l'Organisation sioniste mondiale devant la conférence de la paix. Le 3 mars, l'émir Fayçal adressa à Felix Frankfurter, membre de la Cour suprême des Etats-Unis, et dirigeant de l'OSM, la lettre suivante :
" Les Arabes, particulièrement les plus éduqués d'entre eux, considèrent le mouvement sioniste avec la plus profonde sympathie...
Nous souhaitons de tout cœur aux Juifs un heureux retour dans leur foyer... Nous travaillons ensemble pour un nouveau Proche-Orient et nos deux mouvements se complètent l'un l'autre. Le mouvement juif est nationaliste et non impérialiste. Notre mouvement est nationaliste et non impérialiste. Et il y a en Syrie assez de place pour tous les deux. Je pense très sincèrement que nous ne pouvons réussir qu'ensemble "
Le terme de " 'Syrie " utilisé par Fayçal correspond à l'ancienne province turque de Syrie, comprenant la Syrie actuelle, le Liban, et la Palestine historique sur les deux rives du Jourdain.
T. E. Lawrence, l'organisateur de la "révolte arabe " contre la Turquie, qui avait joué un rôle personnel important dans les contacts entre Fayçal et Weizmann, estimait en 1920 que les succès du sionisme " amèneraient fatalement, après un délai très bref, un relèvement du niveau de vie matériel des Arabes, et que cela aurait les conséquences les plus décisives pour l'avenir du monde arabe "
Fayçal avait toutefois subordonné l'exécution par "l'Etat arabe " du traité d'amitié avec la Palestine juive à l'exécution, par les Britanniques, de leurs propres engagements à son égard. Or les Britanniques trahirent partiellement l'émir.
En 1916, ils avaient conclu des accords secrets avec la France, connus sous le nom d' " accords Sykes-Picot ", en vertu desquels la Syrie et le Liban actuels seraient placés sous influence française. En 1920, Londres ne réagit pas devant l'entrée à Damas, capitale de l' "Etat arabe", d'une armée française. Fayçal, chassé de Syrie, ne conserva que la Mésopotamie, ou Irak, dont il fut roi jusqu'à sa mort, en 1932.
A l'heure actuelle, le monde arabe a acquis une totale indépendance vis-à-vis de la Grande-Bretagne et de la France, non seulement dans les territoires que revendiquait Fayçal, mais aussi en Afrique du Nord, au Soudan, en Egypte, dans le golfs Persique, en Arabie du Sud.
Le monde arabe s'étend de l'océan Atlantique à l'océan Indien, à travers vingt et un Etats souverains, sur 13 millions de kilomètres carrés, soit près du dixième de toutes les terres immergées. Le monde arabe compte plus de 272 millions d'habitants, et on prévoit un doublement de cette population pour 2023.