En opposition avec le 'Hassidisme populaire fondé sur le cur et
les sentiments, et si répandu dans les masses juives peu cultivées
d'Ukraine et de Volhynie, le mouvement "'Habad " a remis en honneur
l'intellect comme instrument de vie religieuse, et son aire d'influence fut
la Russie, où le savoir avait toujours été apprécié,
et développé. Ainsi s'opéra au sein du 'hassidisme un retour
à la tradition rabbinique.
SAGESSE - INTELLIGENCE
- CONNAISSANCE
"L'expression 'Habad est constituée par les initiales des trois mots hébreux - 'Ho'hmah, Binah, Da'ath c'est-à-dire sagesse, intelligence, connaissance."
Le fondateur du 'Habad fut
R. Schnéour Zalman de Ladi, ancêtre de la grande lignée
des Schneershon. Né en 1747 en Lithuanie, il avait reçu une profonde
éducation talmudique mais il en avait ressenti l'insuffisance, et, malgré
les préjugés de son milieu contre le 'hassidisme, il était
devenu le disciple du grand Maggid de Meseritz, chez lequel il s'était
rendu pour " apprendre à prier ". Devenu le professeur de Talmud
du fils du Maggid (celui que l'on appellera l'Ange, en raison de sa sainteté
presque surnaturelle), R. Schnéour Zalman s'adonna à la Kabbale,
sous l'influence de son élève. Il écrit son célèbre
Tanya, essai de synthèse entre l'intellectualisme rabbinique, le mysticisme
hautement élaboré de Luria, et la ferveur du 'hassidisme. Combattu
à la fois par les 'Hassidim conventionnels et par les Mitnagdim, il fut
persécuté, et deux fois emprisonné, mais il fit rapidement
école et son influence s'étendit largement.
L'expression 'Habad est
constituée par les initiales des trois mots hébreux - 'Ho'hmah,
Binah, Da'ath c'est-à-dire sagesse, intelligence, connaissance, notions
traditionnelles de la Kabbale où elles désignent les étapes
de l'Intellect divin et de l'Intellect humain.
La base de la doctrine du
'Habad, doctrine de contemplation et d'action, c'est l'absolue omniprésence
de D.ieu. " La gloire de D.ieu remplit la Terre " cela signifie que
le monde fini n'existe que du point de vue du Créateur, car un monde
fini et imparfait ne peut co-exister avec D.ieu, le Parfait et l'Infini. L'univers
ne peut subsister que parce que D.ieu dans sa sollicitude pour ses créatures,
" cache sa lumière divine ".
D.IEU, ULTIME REALITE
"Le trait distinctif de ce mouvement, c'est le mélange frappant d'une adoration enthousiaste de la Divinité et d'un intérêt intense pour la nature humaine et ses tendances."
D.ieu est " tout en
tout ", il n'y a " rien excepté Lui ": Il n'y a pas de
vide dans lequel D.ieu n'est pas présent ". Le monde a été
créé par Lui ex nihilo, et il continue à le maintenir.
Si la Divinité abandonnait la création, tout retournerait au néant.
Tout existe en D.ieu.
Pourtant l'enseignement
du 'Habad doit être soigneusement distingué du panthéisme,
tel qu'il est professé par les religions d'Extrême Orient ou exposé
par Spinoza. Pour R. Schnéour Zalman, l'Univers est en D.ieu,mais D.ieu
transcende l'Univers: sans D.ieu, il n'y aurait pas de monde, mais sans monde,
il y aurait quand-même D.ieu. Finalement, D.ieu est seule ultime réalité.
C'est pourquoi Scholem (1)
parle à propos du 'Habad, d'une interprétation " acosmique
plutôt que panthéiste". Et Scholem ajoute que le trait
distinctif de ce mouvement, c'est le mélange frappant d'une adoration
enthousiaste de la Divinité et d'un intérêt intense pour
la nature humaine et ses tendances. Car, " en descendant dans les profondeurs
de soi-même, l'homme parcourt toutes les dimensions du monde. Dans son
propre être, il transcende les limites de son existence naturelle, et,
à la fin de sa course, sans faire, pour ainsi dire, un seul pas au delà
de lui-même, il découvre D.ieu ". (2)
"Le 'Habad insiste sur l'étude de la Torah, et sur les exercices intellectuels, et il met l'accent sur la stricte observance des commandements."
La Kabbale est alors un
instrument de connaissance de soi. L'homme - qui n'est ni entièrement
mauvais ni entièrement bon - doit maîtriser son mauvais instinct
au moyen de la sagesse, de l'intelligence, et de la connaissance. La contemplation
des attributs divins le mène à l'amour de D.ieu, et à la
devékouth (union mystique avec D.ieu). Le 'Habad insiste sur l'étude
de la Torah, et sur les exercices intellectuels, plus que sur l'extase émotionnelle,
et il met l'accent sur la stricte observance des commandements. Mais comme les
autres 'Hassidim, ceux du 'Habad accordent un rôle très important
à la joie, à la musique, et au chant. Cependant pour eux, le Tzaddik
est un chef spirituel, est non un faiseur de miracles. Enfin ils ont un rite
qui leur est propre, et ils suivent le Code religieux rédigé par
R. Schnéour Zalman.
UN VASTE PROGRAMME DE
DIFFUSION DE LA CONNAISSANCE ET DES VALEURS DU JUDAÏSME
"De Lyady à New-York ou à Meknès, le 'Habad est resté fidèle à son amour de la Connaissance, à son zèle en faveur de la Torah."
Le descendant de ce dernier,
R. Dov Baer de Loubavitch, installa dans cette ville le centre du mouvement
(de sorte qu'aujourd'hui on appelle souvent " Loubavitcher" les 'hassidim
du 'Habad). Il fut à l'origine de la colonie 'Habad à Hébron,
et fut le promoteur d'une expérience de communauté en Russie.
Son successeur fut son beau-fils, R. Menahem Mendel, mort en 1866, auteur du
Tzema'h Tzedék, ouvrage de Hala'hah. L'un de ses descendants R. Joseph
Isaac, fut emprisonné par les soviets pour son dévouement religieux.
Relâché, il s'établit d'abord en Pologne puis à New
York juste après le déclenchement de la deuxième guerre.
En Amérique, il déploya une intense activité, créant
une véritable "chaîne" de yéchivoth et d'écoles
dans la tradition du 'Habad.
Le chef actuel de la dynastie,
R. Menahem Mendel, a son quartier général à Brooklyn d'où
il dirige un vaste programme d'action éducative et sociale qui s'étend
sur presque tout le monde juif. On raconte qu'il fut quelque temps étudiant
en sciences à la Sorbonne.
Le mouvement 'Habad compte
des centaines de milliers d'adhérents. C`est actuellement la branche
la plus importante, la plus active et la plus dynamique du 'Hassidisme. Elle
étend ses ramifications aux Etats-Unis, au Canada, en Israël, en
Australie, en Angleterre et jusqu'en Afrique du Nord, en particulier au Maroc
où les " Loubavitcher" ont accompli un magnifique travail d'enseignement
juif dans les mellahs.
En France, après
d'importantes activités de sauvetage et d'aide sociale pendant et après
la guerre, les Loubavitcher se sont consacrés à l'éducation
en créant une Yechivah à Brunoy et le Beth-Rivka de Yerres et
en fondant un journal pour enfants (Conversations avec les jeunes) et une intéressante
collection d'ouvrages pour la jeunesse.
De Lyady à New-York ou à Meknès, le 'Habad est resté
fidèle à son amour de la Connaissance, à son zèle
-en faveur de 'la Torah, et aussi à l'enthousiasme et à l'esprit
missionnaire'du 'Hassidisme. Il a su concilier l'étude, la ferveur et
l'action dans l'authentique tradition du judaïsme. (Torah, Avoda et
Guemilouth 'Hassadim.).
Cet article est paru
dans les années 50. Depuis, le mouvement Loubavitch a connu une expansion
phénoménale, sous l'impulsion du Rabbi Mena'hem Mendel Schneersohn
qui a véritablement marqué de son empreinte le judaïsme contemporain.
(1) Dans Les grands courants de la Mystique juive (Pavot éditeur)
(2) II convient de préciser que ces idées s'inspirent directement
de celles de Cordovero de Louria.