Les mécanismes économiques y sont tenus pour impurs, car d'essence purement matérielle, puisqu'ils ne font que contribuer au développement du profit et à l'accumulation des richesses, et ce en totale opposition aux valeurs sociales et spirituelles.
Cette manière de penser procède d'une connaissance superficielle de l'analyse économique et d'une ignorance totale de ce que nous propose la littérature économique en fournissant le cadre théorique du sujet. C'est ainsi qu'Alfred Marshall, le père de l'économie moderne, met l'accent sur le fait que le système du marché agit à l'intérieur d'unités sociales, comme les familles ou les groupes sociaux, et au sein d'institutions et de règles définies par les traditions et les obligations religieuses. Ces institutions ne se contentent pas de pourvoir aux besoins de ceux qui sont hors d'état de le faire eux-mêmes, mais elles établissent aussi un cadre de comportement éthique normalisé qui allège la dictature du marché.
A les examiner attentivement, la plus grande partie des règles de comportement éthique promues par la religion et reprises dans la discipline économique, ne sont pas édictées uniquement à des fins d'abnégation. Elles sont subtilement fondées sur une base rationnelle consistant à valoriser l'intérêt personnel de chacun de ceux qui interviennent dans les échanges de biens ou de services. C'est ainsi que le Lévitique, lorsqu'il ordonne (19, 35) : " Tu auras de justes poids et mesures ", contient là l'essentiel de la législation de la Tora sur les rapports commerciaux et industriels. Au niveau le plus simple du texte, cette règle ne fait que stipuler qu'il est interdit de falsifier les mesures de ce qui est vendu sur le marché.
Mais elle implique également tout un ensemble d'autres lois sur la manière dont doivent se comporter les commerçants, par exemple sur la sincérité que doivent afficher les documents financiers, sur les qualités que doivent posséder les marchandises vendues, sur l'interdiction faite au travailleur de se faire payer pour un travail qu'il n'a pas exécuté, et sur la transparence qui doit caractériser les transactions boursières. L'économie courrait de graves dangers si les prescriptions concernant les poids et les mesures étaient violées sur une large échelle. S'il fallait vérifier chaque transaction avant de la conclure, il s'ensuivrait un gaspillage de temps et d'efforts tant pour l'acheteur que pour le vendeur.
Cela est vrai pour les marchandises, mais aussi pour les marchés financiers : Si les documents financiers devaient être fréquemment faux, aucun marché financier moderne ne pourrait jamais voir le jour. Il ne pourrait exister ni banques et bourses de valeurs, et aucun investissement de quelque importance ne pourrait être levé pour le financement d'une entreprise de quelque importance. C'est ainsi qu'une loi toute simple, courte et pragmatique, insérée dans un livre consacré aux règles de pureté et de sanctification, la loi sur l'exactitude dans les poids et mesures, est devenue le fondement même de tout système économique appelé à fonctionner efficacement.
Traduit et adapté par Jacques Kohn