Un enfant advient au monde et se construit dans une triade, celle qu'il forme
avec son père et sa mère. L'être de l'enfant, c'est-à-dire
la cohésion d'un désir et d'une intelligence, dépend de
l'apport structurant des deux parents, unis dans un projet de couple et dans
une volonté éducative.
II est clair que, dans ces
conditions, toute atteinte portée à cette triade désirante
sera une violence faite au plus faible : l'enfant, dont le simple désir
de vivre attend de ses parents la promesse de son développement comme
désir proprement humain, vivra dans l'angoisse, comme une menace pour
son être propre, les mésententes et les ruptures.
Menace de perdre les
repères indispensables à son édification comme humain,
angoisse d'avoir à subir l'effondrement d'une association nécessaire
à sa survie.
UNE EXPLICATION
NECESSAIRE
Si les mots manquent, il s'éprouvera coupable de participer sans le vouloir à une situation sans doute honteuse puisqu'on n'en parle pas
II faudra donc informer
de la séparation, en donner la signification exacte, et le faire avec
des paroles justes et vraies, qui s'adresseront avec responsabilité à
l'enfant en tant qu'élément de la triade. En l'occurrence, ce
qu'il est juste et vrai de dire, c'est que l'union des parents ne peut plus
durer pour des raisons qui les concernent en tant qu'homme et femme : que le
désir du couple de vivre ensemble a cessé, mais que le désir
qui l'a fait naître lui, ne peut pas ne pas avoir été, et
que ce ne peut jamais être en tant que parent qu'un homme et une femme
se séparent.
Que lui, l'enfant,
continue d'avoir un père et une mère, position initiale à
partir de laquelle l'enfant, quel que soit son âge, pourra entendre de
ceux qui renouvellent ainsi leur "contrat parental", que son monde
va changer et qu'une épreuve l'attend.
Il n'est pas question d'affirmer
le contraire, ou de laisser supposer que des dissensions ou des difficultés
personnelles sont cause de ce qu'un homme et une femme ne veulent plus oeuvrer
ensemble.
Ce sont de mauvaises
raisons, qui déstructurent l'enfant et inhibent son développement,
parce qu'alors les parents ne tiennent plus leur rôle de référents.
On sait bien en effet que, quelles que soient les difficultés, un homme
et une femme ayant l'un pour l'autre un désir de construction et d'accompagnement
qui tient ne divorcent pas. En revanche, cela peut ne pas tenir, et le divorce
est alors aussi nécessaire que l'était le mariage. Cela serait
dire, par les deux parents, conscients de l'acte contractuel qu'ils font en
divorçant comme ils l'ont été en s'unissant.
Toute autre explication
serait incompréhensible, et par conséquent source de culpabilité
pour l'enfant. Celui-ci doit être préservé des interprétations
qui l'impliquent dans la rupture. II
faut rétablir fermement la vérité sur ce point : les tensions
que ne manqueront pas de susciter la naissance et l'éducation des enfants
ne sont pas pathogènes pour le couple ; c'est plutôt que le couple
ne tenait pas, et n'a pas résisté aux conflits.
DECULPABILISER L'ENFANT
Dans les cas où l'on
se dispute autour de l'enfant (jalousie ou sentiment d'abandon du conjoint en
période oedipienne du fils et de la fille, incapacité du père
à signifier les interdits nécessaires à la maturation des
pulsions : les parents sont alors immatures et l'on comprend que leur désir
d'homme et de femme n'ait pas résisté, qu'ils se sentent disqualifiés
comme adultes aux yeux l'un de l'autre) il faut au moins faire l'effort de rétablir
le vrai et de dire à l'enfant qu'il n'est pas responsable de la séparation
et qu'aucun mal n'est associé à sa naissance.
Cette vérité
dite par les 2 parents, particulièrement aux enfants avant l'âge
de 10 à 12 ans, c'est-à-dire aux sujets en cours de structuration
et de croissance, revalorisera les adultes tutélaires ; et le divorce
aura alors valeur de restauration d'un état de paix dans lequel ils pourront
jouer leur rôle de modèles identificatoires pour faire grandir
leurs enfants.
Quelquefois, la situation
exige que l'on explique aux enfants, sans discrimination d'âge, la nécessité
de se séparer d'un conjoint en si grande souffrance, qu'il doit se retrouver
seul pour régler ses problèmes. Cela pourra être fait par
un tiers que l'enfant écoute (collatéral masculin, médecin,
psychologue) en présence de la mère (ou du père) qui pourra
témoigner des qualités d'un homme (d'une femme) qu'elle ou il,
a suffisamment aimé et estimé pour l'épouser, mais avec
lequel il est devenu trop difficile de vivre.
En précisant ainsi
les raisons de leur désunion, les parents donneront à l'enfant
des mots justes avec lesquels il pourra lui-même se sentir assez fort
pour continuer sa propre vie (scolarité, relations avec ses frères
et sœurs, et avec l'extérieur) ; si les mots manquent, il s'éprouvera
coupable de participer sans le vouloir à une situation sans doute honteuse
puisqu'on n'en parle pas, et hors de sa compréhension, puisqu'on ne lui
explique rien.
LE RECOURS AU PSYCHOLOGUE
Seul un psychologue sera en position de faire comprendre à un garçon, par exemple, qu'il peut continuer à aimer son père violent tout en renonçant à le prendre comme modèle pour sa propre virilité.
C'est souhaitable à priori
en cas de divorce conflictuel ou si les agissements des adultes qui ont mené
au divorce, ont gravement troublé la famille.
Un enfant grandit grâce
à l'amour de soi que lui assure la présence auprès de lui
de ses deux parents.
Le narcissisme est le fondement
de la personne humaine et garantie la progression de l'enfant vers son état
d'adulte ; la tâche des parents est de permettre et de favoriser l'évolution
de ce narcissisme dans le sens d'une autonomie toujours plus grande, en refusant
à l'enfant les satisfactions liées à une dépendance
(à ses besoins, à son entourage) sans avenir. II faudra notamment
qu'ils fassent valoir auprès de l'enfant, et que vaillent pour eux-mêmes
l'interdit des plaisirs du corps à corps avec la mère, (sevrage),
puis l'interdit de continuer à dépendre, pour ses besoins de sa
mère et de son entourage, enfin, l'interdit de sa réalisation
comme homme ou femme à l'intérieur du cercle familial et éducatif
(interdit de l'inceste).
L'enfant doit être
accompagné dans ces étapes de renoncement et de réorientation
de son désir, et tout au long de cette initiation à la vie d'homme
ou de femme, par des personnes crédibles et ayant renoncé elles-mêmes
à prendre comme but et comme satisfaction dans la vie l'assouvissement
de leurs besoins. C'est de ces adultes à proprement parler, qu'il apprendra
la valeur de son désir en renonçant chaque fois à le satisfaire
de la façon dont il le faisait jusque là, d'une manière
générale, en le dissociant chaque fois un peu plus de son besoin,
pour une plus grande autonomie de sa volonté.
Or, l'expérience
des conflits qui ont mené au divorce peut avoir entamé la confiance
ou perverti les modèles identificatoires (pouvoir être, pouvoir
faire comme papa ou comme maman) que doivent être les parents. Un
couple parental violent, par exemple, peut entraîner chez la fille ou
le garçon en âge de s'envisager femme ou homme, une tendance à
s'identifier au "vaincu" (masochisme) ou constituer un modèle
de délinquance (détruire pour s'imposer).
Seul un psychologue
sera en position de faire comprendre à un garçon, par exemple,
qu'il peut continuer à aimer son père violent tout en renonçant
à le prendre comme modèle pour sa propre virilité.
D'une manière générale,
il faudra aider les enfants à renoncer à cette part idéale
d'enfance en quoi consiste le fait de vivre avec ses deux parents, et puisque
les choses sont ainsi, hâter les conditions de son indépendance
eu lui montrant comment s'affirmer dans son identité de fils ou de fille
de cet homme et de cette femme là, par-delà les aléas des
adultes et les déchirements régressifs.
Ils devront notamment être
aidés, si les parents n'ont pas le souci permanent de conserver leur
position d'adulte, à rechercher leur propre autonomie :
- en n'acceptant pas d'être
les gardiens, consolateurs, voire conjoints de leur parent.
- en envisageant plus tôt
qu'un autre enfant les conditions et moyens de son propre avenir.
D'une façon générale, il faut que l'enfant ait la possibilité de parler de la souffrance occasionnée pour lui par un divorce à quelqu'un qui n'est pas impliqué dans son histoire personnelle.
D'une façon générale,
il faut que l'enfant ait la possibilité de parler de la souffrance occasionnée
pour lui par un divorce à quelqu'un qui n'est pas impliqué dans
son histoire personnelle, qui gardera pour lui ce qui aura été
confié, qui restituera, en cas de besoin, le sens des difficultés
vécues inévitablement et des décisions prises à
son sujet. L'enfant n'est jamais un simple figurant, pas même le nourrisson,
dans ce drame qu'est peu ou prou un divorce.
Mais de même que le
divorce est en lui-même l'étape résolutive pour les difficultés
du couple, de même, l'épreuve de renoncement à vivre avec
les deux parents, dans la sécurité de leur entente, peut être
un moteur de maturation précoce pour l'enfant de divorcés. Il
devra être soutenu dans ses tentatives pour se responsabiliser plus tôt,
pour s'autonomiser, pour s'émanciper parce que la situation l'exige.
Ce sera par exemple, au psychologue de l'aider à reconnaître comme
nuisible pour lui-même le rôle, où il peut être appelé
en cas de conflit grave, de soutien d'un parent contre l'autre, ou la capture
de son désir dans le vœu d'être celui ou celle qui sera tout
pour le désir de son père ou de sa mère.
Le psychologue sera appelé
alors à jouer un rôle de médiateur entre l'ancienne vie
et la nouvelle, en lui restituant le sens des changements qu'il subit (d'appartement,
d'environnement familial, scolaire, voire de pays) ; faute de quoi les séparations
inévitables prendront le caractère de traumatismes c'est à
dire d'une blessure infligée par un réel qu'aucune parole juste,
aucun médiateur n'est venu convertir expérience et en savoir maturant
pour sujet.
QUE FAIRE POUR QUE L'ENFANT ACCEPTE LE NOUVEAU CONJOINT ?
Je ne suis pas votre mère, mais vous êtes mes enfants.
Nous avons vu les désordres
qu'entraîneraient sur le plan inconscient les manquements aux rôles
de père et de mère ; chacun doit pouvoir continuer, même
dans la séparation à occuper sa place. Mais dans la nouvelle disposition
engendrée par le divorce beaucoup de circonstances peuvent venir remettre
en cause la triade nécessaire.
Dans le meilleur des cas,
les deux parents séparés se remarient chacun de son côté
; c'est la meilleure incidence car cela évite toute attitude régressive
de la part des adultes et par conséquent des enfants : c'est pourquoi
il importe peu que l'enfant soit d'accord ou pas avec l'idée d'un remariage,
l'essentiel étant de lui faire admettre la présence d'un adulte
rompant l'intimité exclusive avec son parent. Pour que la présence
de cet adulte ne soit pas vécue comme seulement intrusive, Ia condition
est que celui-ci soit admis comme ayant son rôle dans l'éducation
de l'enfant.
- admis d'abord à
part entière comme époux ou épouse par le parent remarié.
Beaucoup trop de remariages
à visée utilitaire (donner une mère à des jeunes
enfants, une présence féminine à une demeure, un soutien
financier à une famille) en négligeant l'engagement nécessaire
à la formation d'un vrai couple, vont à l'encontre même
de leur but.
- accepté par le
parent séparé, qui s'abstiendra de juger le nouveau mari ou la
nouvelle épouse et quelle que soit sa propre situation, évitera
que la jalousie ou le ressentiment ne viennent troubler les relations de son
enfant avec la personne qui aura auprès de lui le rôle éducatif.
- le nouveau conjoint doit
veiller strictement à ne pas s'approprier le titre de père ou
de mère de l'enfant, ainsi que les droits qui les accompagnent. Un jour
où je le consultais à propos de ces questions, Rav Heyman me rapporta
comme un modèle du genre les propos qu'une belle-mère adressa
à sa petite famille "d'adoption" : "je ne suis pas
votre mère, mais vous êtes mes enfants", formule magistrale
en effet pour dire qu'on prend en charge un rôle de maman, en respectant
les liens inaliénables de la mère et de ses enfants.
Le statut de chacun est
alors pleinement articulé et il convient que ce soit le père ou
la mère avec lequel ou laquelle vit l'enfant qui le spécifie,
entérinant comme définitive et sans appel la nouvelle organisation
familiale ; si l'on y parvient pas, l'enfant risque de pouvoir " jouer
son père contre sa belle-mère", par exemple, ou d'introduire
le parent séparé comme arbitre du nouveau couple ce qui, on l'a
vu, mettrait en danger la conquête de sa propre autonomie.