Ma femme s'est toujours
révoltée contre la notion de souffrance. Cela lui posait un réel
problème. Elle ne pouvait simplement pas concilier l'Holocauste ainsi
que d'autres tragédies avec le concept de D.ieu présenté
comme père aimant. Il lui arrivait même de dire qu'elle était
en colère contre D.ieu qui faisait endurer à certaines personnes
de telles souffrances et épreuves.
Ensuite, elle a été
diagnostiquée du Cancer et toute sa colère s'est évanouie.
Presque immédiatement elle a commencé à ressentir que D.ieu
l'aimait très profondément. C'était assez surprenant.
Nous étions tous
les deux interpellés par sa réaction. Aucun des deux ne comprenait
comment cela marchait. Comment est-il possible qu'on soit bouleversé
sur le fait que D.ieu fasse endurer des souffrances aux gens, et qu'ensuite
il vous fasse traverser ces mêmes souffrances et que tout à coup
vous ressentiez qu'il vous aime? La réaction semble être un contresens
complet.
J'ai demandé à
mon maitre, le Rabbin Noah Weinberg, et il nous a donné une explication
qui nous a éclairés tous deux.
Vous êtes frappé par un cancer et tout à coup, la vie ne semble plus si mesquine.
Il a dit que, souvent, nous
nous retrouvons tellement pris dans les petitesses de la vie que nous ne nous
laissons pas la possibilité de bien comprendre que D.ieu nous aime. Nous
sommes frustrés sur le fait que la voiture ne démarre pas, que
nous ne gagnons pas assez d'argent, que notre relation avec notre conjoint n'est
pas celle du Prince Charmant et de la Belle au Bois Dormant, qu'il n'y a rien
de potable à voir à la télé ce soir... Nous sommes
pris par ces choses mesquines et stupides, et de ce fait, nous rendons notre
monde mesquin. Il est difficile de s'exalter sur un monde mesquin, donc nous
sommes frustrés contre D.ieu parce que notre vie n'est pas comme nous
l'aurions souhaitée. Nous sentons que la vie est difficile. Elle est
pleine de défis pour nous et pour les autres. Il y a la douleur, il y
a la souffrance, il y a les tragédies .... Donc nous sommes troublés,
même en colère, contre D.ieu.
Ensuite vous êtes
frappé par un cancer et tout à coup, la vie ne semble plus si
mesquine. La vie est quelque chose de très sérieux. La Mort vous
regarde fixement droit dans les yeux et vous vous rendez compte que la vie est
vraiment quelque chose de spécial. Vous ne voulez pas mourir. Vous voulez
vivre. C'est un monde merveilleux qui vaut vraiment la peine d'être vécu.
La mesquinerie s'envole et la valeur de la vie apparait tout d'un coup clairement.
Qu'importe s'il y a des défis? Qu'importe si c'est difficile et douloureux?
Qu'importe si elle implique une part de tristesse et de tragédie? Elle
vaut la peine d'être vécue. La vie est si belle qu'elle compense
tout cela.
Ceci au niveau macro. Mais
cela nous est aussi arrivé au niveau micro. Six mois avant que ma femme
ne tombe malade, nous avons eu notre quatrième enfant. Les deux derniers
étaient nés dans un intervalle de 20 mois, donc nous avions deux
bébés. C'était vraiment dûr pour nous. Le défi
d'avoir 4 enfants, dont deux bébés, nous a épuisés.
En tant que couple orthodoxe, nous ne comptions pas nous en tenir à quatre
enfants quand nous avons commencé a en avoir, mais tout à coup,
l'idée d'en avoir plus est devenue très difficile à supporter.
Désirions nous vraiment traverser les difficultés d'en avoir cinq,
ensuite six...? Nous avons eu une conversation à ce sujet et nous ressentions
tous deux la même chose.
Quand nous nous réveillons de nos mesquineries nous comprenons simplement combien la vie est incroyable.
Et on a diagnostiqué
chez Elana un Cancer.
Vu le contexte, il nous
est très vite apparu que, même si Elana survivait, nous n'aurions
plus d'enfants. Et petit à petit notre attitude a changé. Nous
en voulions encore désespéremment. Chaque enfant était
si précieux. Chacun si spécial. Chacun d'une valeur si infinie.
Nous avons été tellement pris par la petitesse sur la fatigue
de changer des couches que nous avons perdu toute notion relative à la
bénédiction incroyable d'avoir des enfants.
Parfois nous avons besoin
de chocs pour nous sortir de nos mesquineries. Et quand nous nous réveillons
de nos mesquineries nous comprenons simplement combien la vie est incroyable.
Dernièrement, nous
avons fini de fêter la fête de Souccot qui tient de tout cela. Nous
déménageons de nos maisons, vers une petite cabane. Nous nous
éloignons du monde matériel, ce monde petit et stupide qui nous
éloigne si facilement de ce que nous savons être important. Nous
nous éloignons de nos petitesses pendant quelques jours afin de comprendre
et d'expérimenter la vraie joie. Si nous nous élevons loin des
petitesses que nous nous sommes imposés, alors nous pourrons apprécier
combien D.ieu nous aime et nous ressentirons la joie que la vie nous offre tout
au long de l'année.