Il est d’usage lorsque la période estivale arrive, d’acheter toutes sortes de cahiers de vacances aux enfants et ce, dans l’espoir parfois vain de leur permettre de continuer à apprendre pendant cette période qui est généralement plus réservée au farniente.
Cette intention louable des parents peut être lue de différentes manières. D’un côté le désir que les enfants ne perdent pas leur niveau scolaire et puis aussi, une forme de déculpabilisation par rapport à ces journées entières qui passent sans que les dimensions intellectuelles de l’enfant soient nécessairement sollicitées.
Alors que la notion des vacances est fermement ancrée dans notre société et que, soyons honnête, la communauté est totalement partie prenante de cette proposition de la société dans laquelle elle vit, essayons de réfléchir sur le regard que propose la tradition juive sur cette période et de manière indirecte sur ces fameux cahiers de vacances.
Un peu d’histoire…
Lorsque notre ancêtre Jacob arriva à la fin de sa vie terrestre il fit appeler ses douze enfants afin de les bénir. A cette occasion il compara un certain nombre d’entre eux à différents animaux. Par exemple, Benjamin est comparé au Loup, Joseph, au Bœuf. Issakhar quant à lui est comparé à l’Ane.
A priori cette comparaison peut paraître peu reluisante de manière générale et plus encore lorsque l’on sait qu’Issakhar est par excellence la tribu qui symbolise la Thora et son étude et qui compte un nombre important de sages de tout premier plan.
Issakhar est loué pour sa capacité à garder et à assumer le joug de la Torah et ce, quels qu’en soient le moment et le cadre.
Comment comprendre que cette tribu qui symbolise la connaissance soit comparée à un âne? L’analyse des versets nous apprend la chose suivante : la particularité que possède l’âne par rapport à d’autres animaux, tel que le cheval, c’est que lorsqu'il porte une charge, il la supporte, même à l’arrêt. Il ne cherche pas à s’en débarrasser, ce qui n’est pas le cas d’autres animaux qui lorsqu’ils sont à l’arrêt cherchent à se débarrasser du joug et du poids qu’on a mis sur leurs épaules.
Ainsi cette tribu de maîtres est magnifiée non pas par la puissance de son intelligence et la profondeur de ses raisonnements mais avant tout par la capacité qu’elle a de garder et d’assumer le joug de la Torah et ce, quels qu’en soient le moment et le cadre.
La période des vacances, l'invitation au repos peuvent se vivre comme une mise entre parenthèses des engagements que nous avons pris pendant tout le reste de l’année. Plus encore, le farniente et le repos n’exigeant pas de profonde réflexion intellectuelle, cette période est celle dans laquelle nous risquons, sans nous en rendre compte, de tomber dans une forme de léthargie heureuse, en mettant au chômage la partie essentielle de ce que nous sommes… notre réflexion, notre pensée.
En poussant nos enfants à utiliser ces cahiers de vacances, nous réalisons que le savoir est une chose qui s’entretient et que les parenthèses sont souvent précurseurs de l’oubli. Alors, en effet, nous allons les pousser à apprendre, car nous avons conscience de la nécessité d’aborder l’année qui vient avec une connaissance claire, une pensée qui n’a point cessé d’être activée. Mais a-t-on besoin d’avoir des échéances scolaires pour entretenir le savoir ? Qu’est ce que nous, parents et adultes, faisons pour au moins entretenir cette pensée, cette réflexion, cette attitude, qui, je l’espère très fort, a jalonné l’année qui vient de s’écouler?
N’utilisons pas de pseudo arguments sur le fameux repos intellectuel. Regardons ce que nous attendons de nos enfants pendant cette période. Un célèbre maître comparait l’esprit humain à un verre, en expliquant que le cerveau fonctionne de manière véritablement inverse à un verre, et ce pour une raison très simple ; lorsque le verre d’eau est plein, on ne peut plus le remplir. Lorsqu’il est vide, on peut y ajouter un quelconque liquide. L’esprit humain, c’est totalement le contraire. Moins il est plein, moins nous pouvons le remplir, à contrario, plus il est plein, plus nous pouvons le remplir. Le chômage technique de la pensée aboutit souvent à un chômage quasi définitif.
Que nos lectures ne soient point juste quelques romans bien ficelés, qui procurent détente et évasion, mais peut être plus au contraire, de ces livres qui incitent à réfléchir...
Alors si nous avons décidé cette année d’acheter un nouveau cahier de vacances, prenons le temps de réfléchir à ce que nous allons nous même apporter à nos enfants et notre entourage, mais surtout à nous même. Que nos lectures ne soient point juste quelques romans bien ficelés, qui procurent détente et évasion, mais peut être plus au contraire, de ces livres qui incitent à réfléchir.
Prenons le temps de nous retrouver ensembles pour des moments d’étude, des moments dans lesquels le temps dont nous disposons et l’environnement propice nous permettront de développer cette dimension qui est la spécificité de l’être humain : son Esprit.