Nos maîtres nous enseignent que la vie et la mort dépendent de la parole. Celle-ci, privilège de l’être humain car véhiculant une pensée, est malheureusement souvent ramenée a une utilisation beaucoup plus « vulgaire ».
De promesses (vaines) aux accusations (fausses) en passant par les flatteries (toujours efficaces) et les mensonges (comme d’habitude), les mots voltigent aux grés des nécessités du moment et des stratégies pour atteindre ce pouvoir tant convoité, tant désiré.
La dimension réelle de ce que veulent dire les mots que l’on prononce s’étiole et disparaît lentement. On ne prend plus gardes aux dégâts que peuvent provoquer certains mots, à l’impact destructeurs qu’ils peuvent avoir sur l’individu. Ce mépris du poids des mots amène a une absence de vigilance même dans de conversations avec nos proches et nous oublions l’impact que certaines phrases peuvent avoir sur eux. La Torah nous dit qu’une personne ayant commis de la médisance se voyait atteinte d’une maladie de la peau la « Tsaraat » (lèpre), qui la rendait impure et l’obligée à sortir du camp d’Israël. La torah précise que dés le constat de cette impureté faite, cette personne devait se rendre a l’extérieur, quitter le camp, en criant sur son passage « je suis impur, je suis impur » afin que nul ne s’approche de lui.
Une des raisons pour laquelle il devait procéder de la sorte était pour lui faire vivre l’expérience de ce que représente être mis a l’index par les autres. En se sentant désigné du doigt il commençait alors à vivre cette solitude qui allait être sienne à l’extérieur du camp afin de l’aider à prendre la mesure de ce qu’il avait pu faire vivre a d’autres. La Torah ici, veut nous apprendre que ce n’est parfois qu’a travers une expérience ressentie que l’on arrive à prendre la mesure de la valeur des choses. Mais a t – on besoin de passer nécessairement a travers l’expérience pour accepter l’ordre de la Torah ? Se pose ici tout la question de l’acceptation, de tout ce que nos maîtres nous disent sur notre manière d’être ou de ne pas être des comportement positif et ceux qui le sont parfois moins. Il est vrai qu’un fumeur repenti pourra mieux convaincre ceux qui ont envie de le devenir car il ressent profondément ce qu’il peuvent ressentir, il y’a ici une forme d’expérience commune. Lorsqu’une Torah de vie qui a été donné a l’humain pour qu’il puisse se réaliser au mieux dans l’existence nous préconise un certain nombre de règles a respecter c’est avant tout une question de confiance dont il s’agit.
A l’image d’un labyrinthe dans lequel on peut s’égarer, ces règles nous permettent de ne pas perdre de temps et d’énergie afin d’accéder à l’essentiel et à faire exister ce qui est notre projet de vie. Néanmoins, lorsqu’il s’agit d’être proche de l’autre pour partager parfois sa peine ou alors sa joie, agir comme la Torah nous le demande, peut devenir totalement factice car nous risquons de nous sentir quitte de nos obligations en ayant fait ce qui est nécessaire : dire les mots appropriés , donner ce dont l’autre a besoin, être là au moment où c’est nécessaire... Mais une chose manque a l’appel ; notre cœur, nos ressentis… car parfois, l’expérience positive ou négative que vit l’autre ne fait pas parti de notre histoire. Il faudra utiliser à ce moment là notre imagination afin d’essayer au mieux d’imaginer le ressenti de l’autre. Le Rav Wolbe zal nous propose de réfléchir à ce que peut être la souffrance d’un homme très riche qui a changé de statut et est devenu tout simplement un homme aisé. Il n’est certes pas dans le malheur, mais il y a chez lui une forme de souffrance que nous devons être prêt à imaginer afin de l’aider à pouvoir mieux vivre cette nouvelle situation.
Essayons aussi d’imaginer ce que peut ressentir un enfant qui reçoit la friandise dont il rêvait. A son niveau il yàa ici un réel bonheur qu’il a besoin de partager. Une absence de réaction à sa joie sera perçue par lui comme une forme de désintérêt .
En s’efforçant de faire l’effort d’être dans le ressenti de l’autre, on prend le risque de se sentir plus proche de lui et de réactiver des émotions que l’on a tendance parfois à vouloir faire disparaître. Il est intéressant de constater que la prise en compte de la douleur physique chez les bébés hospitalisés date de peu de temps. Ne pas faire l’effort d’imaginer que l’absence de plainte exprimée ne signifiait pas obligatoirement l’absence de douleur était comme « normal ».
Etre prêt à faire cet effort au niveau de nos ressentis afin de nous sentir plus proche de l’autre … Tout un programme !