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Morales du judaïsme n°4: Morale et dualité

La conscience morale est en définitive conscience de la possibilité d’une faille, d’un basculement, conscience de la fragilité concomitamment à l’idée d’une grandeur, l’humain en l’homme.
L’homme est cet être capable de posséder une véritable puissance intellective en même temps que des qualités morales. Peut-être que ce que l’on appelle dans le judaïsme intelligence, « ‘hokhma », consiste à proprement parler en la synthèse de ces deux dimensions.

Est doté d’intelligence celui qui est capable d’associer l’intellect aux qualités. Les capacités cognitives seraient insuffisantes à fonder l’humain, et les qualités morales sans intelligence n’atteindraient pas non plus à leur perfection.

L’intelligence prise dans cette acception est précisément le lieu où se joue la possibilité d’un homme éminemment morale.

« Sans sagesse pas de crainte, sans crainte pas de sagesse ». (Maxime des pères : chapitre III Michna 17). Dans ce mouvement corrélatif de la crainte et de l’intelligence se réalise la morale. Entendons par crainte non pas la peur au sens psychologique du terme, mais la capacité à se concevoir dans des limites, comme être capable de retenue, d’humilité, conscient de ses lacunes, de ses manques et de son imperfection constitutive.
Plus encore, les textes semblent vouloir nous dire que la connaissance ne serait pas elle-même solide et fermement acquise sans cette conscience morale qui intègre en sa structure la conscience possible de la faute, du manquement au principe du bien faire et du bien agir.
« Celui pour qui la crainte de la faute précède la sagesse, sa sagesse durera ». (Maximes des pères, chapitre III Michna 9). Ce qui définit l’homme moral, c’est donc aussi cette conscience duelle d’une grandeur et d’une petitesse, grandeur par la conscience, la possibilité du choix et d’une liberté ; petitesse de l’enfermement dans un corps éphémère et agité de mille tensions pernicieuses. Sans la conscience d’une double appartenance aux catégories de l’esprit et de la matière, de la hauteur et de la chute possible pas de véritable conscience morale.
La conscience morale est en définitive conscience de la possibilité d’une faille, d’un basculement, conscience de la fragilité concomitamment à l’idée d’une grandeur, l’humain en l’homme.
L’homme cherche à se parfaire moralement quand il a pris conscience qu’il est à la fois imparfait et perfectible. Sa grandeur vient du fait que malgré un corps qui le rend vulnérable, il est capable de penser et de se parfaire.

La conscience de la grandeur humaine ne doit pas occulter le corps, mais l’englober. Il est une donnée sans laquelle toute pensée morale ne se réduirait qu’à une théorie.  Or, pour le judaïsme, nous l’avons dit, la morale procède d’une volonté pratique et aboutit à l’action.

« L’essentiel n’est pas la déclaration, mais l’acte ». (Maximes des pères, chapitre I Michna 17). Un texte du Midrash dit : « Tous ceux que Dieu a fait grandir n’ont eu de cesse que de se reduire… ».
Encore une fois, pas de grandissement de l’être sans conscience de son inconsistance.

Dans le Lévitique  Chapitre 19,  verset 2 le texte dit : « Soyez saints car je suis Saint…. ». Comment concevoir une telle injonction et qui plus est sur le modèle de D.ieu. Lui-même?

En vérité, elle est à lire au futur comme projet, comme souhait. Elle constitue un horizon d’attente, jamais atteint. Comme si D.ieu attendait de l’homme non pas d’être mais de chercher à être, tendu vers un but, trouvant sa plénitude dans cette tension.
La suite des versets montre bien que le parcours qui mène à cette sainteté s’origine dans un être à l’essence double : « Un homme son père et sa mère vous craindrez  et mes chabath vous garderez, je suis Hachem votre Eloquim. »
La première partie du verset rappelle que l’homme est un fils, produit de l’union d’un homme et d’une femme, être de chair et de sang. Mais aussitôt, la deuxième partie propulse l’homme vers l’observance du projet divin, aspiré en quelque sorte vers l’en haut : « vous garderez mes chabath ». Vous êtes les gardiens de l’esprit. Et vous l’êtes malgré le fait que vous êtes nés charnellement humains.
Dans son commentaire sur les Maximes des Pères le Maharal interroge la juxtaposition des deux textes suivants : chapitre IV Michna 3 : « Ben Azaï dit : Ne méprise aucun homme [..], car il n’y a pas d’homme qui n’ait son heure ».  Puis Michna 4 : « Rabbi Levitas de Yabné dit : sois très, très effacé car l’espérance de l’homme, c’est la vermine ».
C'est dans sa double conscience (celle de sa finitude et celle de sa grandeur) que l'homme bâtit son action morale.
 
Pour le Maharal, le premier texte, met l’accent sur l’idée que chaque homme possède une grandeur, une unicité qui fait de lui un être totalement singulier, à nul autre pareil. Cette spécificité vient de son âme unique, incomparable. Il est en soi un être suprême qu’il ne faut ni mésestimer ni encore moins mépriser.
Il ne faut pas cependant que l’homme s’appuie sur cette seule dimension. Elle pourrait faire de lui un être imbu de lui-même et par conséquent prédisposé à la faute. C’est pourquoi le texte suivant rappelle à l’homme dans les termes les moins équivoques sa matérialité charnelle vouée à la vermine. L’horizon est ici limité à la finitude de toute chose terrestre car c’est elle qui associée à l’intériorisation de la grandeur permet à l’homme de se construire moralement. Dans cette double conscience en équilibre, l’homme bâtit son action morale. Et il ne faut pas qu’une conscience l’emporte sur l’autre.
La Michna 1 du Chapitre III des Maximes des Pères dit :
« Akabaya fils de Mahalalel dit : considère ces trois choses et tu ne risqueras pas de te dévoyer : Sache d’où tu viens, où tu vas et devant qui tu passeras en jugement et à qui tu devras rendre des comptes. D’où tu viens : d’une goutte putride ; où tu vas : vers un endroit de poussière, de pourriture et de vers ; et devant qui tu passeras en jugement et à qui tu devras rendre des comptes : devant le roi des rois de rois, le Saint béni soit-il ».
Le Maharal remarque que la première partie de la michna, celle qui justement fait référence à la part materielle de l’homme pourrait provoquer l’effet inverser de celui recherché :  « Ne pas se dévoyer… ». En effet, se pénétrer de l’idée que nous venons d’une goutte putride et que nous finissons dans le pourrissement peut nous entrainer vers une forme de découragement où il serait aisé de nous dire : « à quoi bon.. ». Plus encore, nous serions enclins à sortir de la morale car rien ne peut nous être reproché du fait de notre insignifiance. C’est la raison pour laquelle le texte finit par l’assertion suivante : « …tu devras rendre des comptes devant le roi des rois des rois le Saint béni soit-il ».
Le Maharal voit dans le jugement divin la grandeur de l’homme. Si l’homme n’est pas jugé par un juge quelconque mais par le juge suprême, c’est bien que ses actes revêtent une importance extraordinaire et qu’ils ne sont en rien réductibles à l’origine et au destin purement matériel de l’homme.
Il est également intéressant de remarquer que cette Michna s’exprime d’une manière quelle que peu empathique. Elle pose trois questions sans donner de réponse : « d’où tu viens, où tu vas et devant qui tu devras rendre des comptes… », trois questions qu’elle répète une seconde fois avec les réponses que l’on sait.
Les commentateurs expliquent que les questions sont posées une première fois sans réponses, car c’est à l’homme lui-même d’apporter ses propres réponses, celles qui font références à sa grandeur d’homme, qui lui permet de répondre aux questions par lui-même, avec la seule force de son intelligence.
L’auteur de la Michna viendrait dans un second temps lui rappeler cet autre aspect constitutif de son être : « la goutte putride…la pourriture…la vermine.. » que son intelligence pourrait lui faire oublier et sans laquelle il ne pourrait s’engager dans le vrai chemin de l’accomplissement moral.
Ainsi que l’explique le Rav Wolbe le mot Adam qui signifie l’homme contient dans sa racine même un état et une injonction. Adam renvoie à Adama, la terre, et à Domé, ressemblant, c'est-à-dire qui doit aspirer à ressembler à D.ieu malgré son origine terrestre et materielle.


 


A PROPOS DE L'AUTEUR
le rabbin Elie EBIDIA
Elie EBIDIA est titulaire d'un CAPES de Lettres et d'un Doctorat en Cinématographie. Il enseigne la Philosophie dans les lycées et au Séminaire Rabbinique de France et donne de nombreuses conférences sur la Pensée Juive. Il est l'auteur, aux Editions Tashma, d'un suspense talmudique, "Mission secrète au Palais des Ombres".
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