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Des conditions de travail décentes. 2ème partie: un traîtement digne.

Offrir un environnement de travail convenable.
Q. Un employeur est-il tenu d’offrir des conditions de travail décentes ?
 
R. Nous avons expliqué dans notre premier article que l’obligation principale de l’employeur dans la Loi juive est d’honorer sa parole - de fournir le niveau de salaire et les conditions convenues.  Toutefois, même en l’absence de demande formelle qui l’obligerait, il existe un certain nombre de principes éthiques notoires qui établissent un certain degré d’obligation morale.  Celui que nous avons déjà mentionné est lifnim michourat hadin, faire un compromis, même quand la loi stricte est de son côté, dans le cas où la stricte adhérence à la lettre de la loi amènerait un résultat injuste, vu les circonstances propres à cette situation.  Cette fois-ci, nous discuterons d’une considération additionnelle qui est souvent applicable.
 

UN TRAITEMENT DIGNE

 
Quand il est question du droit des travailleurs, la Torah insiste que tout accord doit être respecté.  Aucune condition spécifique n’est prescrite.  Toutefois, ceci n’est pas valable pour un serviteur lié par contrat (eved ivri). La Torah impose des responsabilités étendues à l’employeur d’un tel travailleur.
Un serviteur lié par contrat est un homme ou une femme juive qui a vendu ses services pour une période qui peut aller jusqu’à six ans.  Dans certains cas, ces personnes vendent leurs services, dans d’autres, elles sont vendues pour restituer des biens volés conséquents.  (La Torah ne prescrit pas la prison pour de tels crimes ; l’approche générale de la Torah est correctionnelle plutôt que pénale.)
Il est ainsi interdit de donner à un serviteur lié par contrat un travail dégradant, comme s’il était un esclave.  Seules les taches données généralement à des travailleurs loués sont permises.  « En tant que travailleur loué à l’année, il sera avec lui ; ne lui donne pas de travail accablant en ta présence » (Lévitique 25 : 53)
Un autre exemple : la Torah commande au maître de donner « une paie de séparation », en quelque sorte une indemnité de départ, au serviteur une fois que ses années de service ont été remplies.  «Accorde-lui sûrement de ton troupeau, de ta récolte et de ta vigne ; ce dont le Seigneur t’a béni donne-lui. » (Deutéronome 15 :14)  Ce don doit permettre au travailleur maintenant indépendant de faire un nouveau départ dans la vie active, à travers une occupation dans laquelle il a acquis une certaine expérience et un certain degré de formation chez son maître.
La Torah reconnaît que le serviteur lié par contrat veut parfois rester plus que les six ans requis, parce qu’il apprécie la sécurité de son emploi et les conditions de travail dont il bénéficie en tant que serviteur.  « S’il te disait, je ne partirais pas, car il t’aime et aime ta famille et qu’il fait bon pour lui chez toi » (Deutéronome 15 : 16).  De ce verset, le Talmud déduit qu’il est de l’obligation du maître de s’assurer qu’il fasse « bon pour lui ».  Le serviteur lié par contrat doit être traité comme tout autre membre de la maisonnée.  « Il est enseigné : ‘qu’il fait bon pour lui chez toi’ - en ce qui concerne la nourriture, la boisson.  De sorte qu’il n’arrive pas que tu manges du pain blanc tandis qu’il en mange du noir ; que tu boives du vieux vin quand il en boit du nouveau ; que tu dormes dans un lit de duvet quand il dort sur un lit de paille. » (1)
Il est clair que la Torah prescrit ici le niveau de vie minimum spécifique au serviteur lié par contrat ; il doit avoir un niveau de vie comparable à celui de son maître et doit recevoir une paie de séparation.
Comment ces prescriptions s’appliqueraient-elles dans le cas d’un employé ordinaire ?  Selon une opinion, tous les commandements qui s’appliquent au serviteur lié par contrat s’appliquent aussi au travailleur loué. (2)  La plupart des autorités sont en désaccord avec cette opinion ; les privilèges du serviteur lié par contrat sont des précautions nécessaires du fait qu’il a perdu sa liberté.  Or un travailleur ordinaire est parfaitement libre d’accepter des taches désagréables ou humiliantes, tant que la compensation financière lui semble suffisante.
Même ainsi, nous trouvons que le Sefer ha’Hinoukh (Répertoire des règles et des messages éthiques liés aux commandements de la Torah) nous rappelle à de nombreuses reprises que la raison sous-jacente à ce commandement peut aussi s’appliquer aux employés ordinaires.  Ainsi, en ce qui concerne l’interdiction de travail humiliant, il écrit : « Bien que ce ne soit pas obligatoire de nos jours, parce qu’il n’y a pas de serviteurs liés par contrat, malgré tout, il est approprié de prendre garde à ces commandements même aujourd’hui, avec les personnes pauvres de ta maison, et d’être très scrupuleux à leur sujet.  Et il faut se rappeler que la richesse et les biens matériels sont une roue qui tourne dans le monde. » (3)
Ceci s’applique particulièrement à un domestique, car il remplit la position du serviteur lié par contrat et correspond à l’exemple du Sefer ha’Hinoukh qui se réfère aux « personnes pauvres de ta maison ».
De même, en ce qui concerne le commandement de donner au serviteur qui le quitte un cadeau substantiel pour lui offrir un nouveau départ dans la vie, le Sefer ha’Hinoukh écrit : « Même aujourd’hui, la personne sage écoutera et apprendra cette leçon, que s’il a loué un juif qui l’a servi pendant longtemps, ou même peu de temps, il doit offrir à son employé lorsqu’il le quitte de ce dont D.ieu l’a béni. » (4)  Et de nombreuses autorités contemporaines citent cette mitsvah comme justification de l’indemnité de séparation qui est de coutume aujourd’hui. (5)
Alors si la Torah ne fixe aucun niveau de salaire particulier, ni aucune condition de travail particulière, les privilèges octroyés au serviteur lié par contrat nous dépeignent l’idéal de l’environnement du travail, où l’employé a accès aux commodités de base qui sont la norme dans tous les foyers, et à un environnement de travail qui témoigne son appréciation pour ses accomplissements et contribue à l’indépendance de l’employé.  Ces idéaux ne sont pas applicables à chaque lieu de travail, ni à chaque situation, et après tout, il faut bien que certains soient payés pour accomplir des tâches dégradantes !  Mais, comme le fait remarquer le Sefer ha’Hinoukh, il faut garder ces idéaux à l’esprit et l’employeur doit exprimer sa sympathie et essayer de se mettre à la place de son employé pour voir comment il se sentirait en tant qu’employé dans son propre lieu de travail.
 
SOURCES: (1) Talmud babylonien Kiddouchin 20a.  (2) Responsa du Maharam de Rottenburg IV : 85.  (3) Sefer ha’Hinoukh 346.  (4) Sefer ha’Hinoukh 482.  (5) Responsa Min’hat Yitz’hak VI : 167.
 
Traduction de Tsiporah Trom
 
 
 


A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Dr. Asher Meir, JCT Center for Business Ethics
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