Des conditions de travail décentes. 1ère partie: un traîtement juste.
Des principes moraux sur la façon de traiter ses employés.
Q. Un employeur a-t-il la responsabilité de fournir à ses employés des conditions de travail décentes ?
R. Un employeur doit avant tout respecter ses engagements envers ses employés. La Torah reconnaît que bien que le contrat de travail ne soit en théorie qu’un contrat ordinaire entre deux parties égales, l’employeur tend généralement à avoir une position de force et est souvent en mesure de tromper son employé en toute impunité. Les textes talmudiques ont un terme spécifique pour qualifier ce type de comportement : ochek.
La Torah nous met en garde au moyen de versets explicites contre l’exploitation des employés de cette manière, ainsi : « Ne retiens pas le salaire du pauvre, de celui dans le besoin, ou de l’étranger dans ton pays dans tes portes » (Deutéronome 24 : 14). En maints endroits, les prophètes exhortent les classes les plus aisées contre cette forme d’abus, par exemple : « Ne trompe pas l’étranger, l’orphelin, ni la veuve, et ne verse pas de sang innocent en ce lieu, et ne suis pas de dieux étrangers vers ton mal » (Jérémie 7 : 6).
Les employeurs doivent aussi respecter le droit des travailleurs, tel qu’il a été établi d’après les lois légitimes et les coutumes universelles ; le Talmud nous dit que, dans l’intérêt public, la communauté a autorité en matière de régulation des salaires et des prix. (1)
Toutefois, nous ne trouvons aucune preuve directe dans la Torah, ni dans toute autre législation juive ultérieure qu’un niveau particulier de conditions de travail soit préconisé. Si un niveau de salaire spécifique ou un environnement de travail spécifique est convenu entre les deux parties et qu’il n’est pas limité par la loi, il n’existe aucune base catégorique pour qualifier l’employeur de non éthique ou d’exploiteur. Il n’y a pas de salaire minimum prescrit selon la Torah ; au contraire, tout niveau de salaire convenu entre employeur et employé est légal, même s’il est plus bas que ce qui est pratiqué couramment.
Toutefois, il existe un certain nombre de principes dans la Loi juive qui établissent les degrés variés d’obligation morale afin de « bien » traiter ses employés, ce qui implique un niveau minimum même s’ils se satisferaient de moins. Nous en citerons quelques-uns :
EQUITE
Dans la législation profane, l’équité se réfère à une situation où dans la majorité des cas, la lettre de la loi est appliquée, mais dans certains cas particuliers, ce serait injuste et contraire à l’esprit de la loi. Dans la Loi juive, il existe un concept similaire, appelé lifnim michourat hadin, ce qui signifie aller au-delà de la stricte adhérence à la loi.
Il est remarquablement approprié que ce principe soit dérivé du verset : « Fais ce qui est juste et ce qui est bien » (Deutéronome 6 :18 et commentaire de Nahmanide). Bien que la Torah toute entière nous donne des directives explicites sur ce qui est juste et bien, nous avons tout de même besoin d’une directive générale pour pouvoir agir justement et équitablement dans ces cas exceptionnels qui risqueraient autrement de passer entre les fentes.
Le Talmud raconte ainsi l’histoire de Rabba bar Bar ‘Hanan qui a loué des porteurs pour déplacer des tonneaux de vin ; suite à un malencontreux accident, les tonneaux ont glissé et se sont fendus. D’après la loi stricte, les porteurs étaient obligés de rembourser les dommages. Toutefois, Rav qui était le juge, a senti qu’étant données les circonstances, cette décision serait injuste. On oblige principalement les gens à payer des dommages pour s’assurer qu’ils prennent toutes les précautions nécessaires dans l’accomplissement de leur travail. Dans le cas présent, il semble en effet que les travailleurs avaient fait de leur mieux pour que tout se passe bien. De plus, les employés étaient très pauvres et ne pouvaient rembourser le vin, alors que Rabba bar Bar ‘Hanan était fortuné et pouvait facilement supporter une telle perte. Rav a donc instruit Rabba bar Bar ‘Hanan d’abandonner les charges et de payer également le salaire des porteurs ! (2)
Dans un autre cas, Rabbi ‘Hyia, homme d’affaire expérimenté, offrit un conseil gratuit à une pauvre femme. Le conseil se trouva erroné et lui occasionna une perte. Rav instruisit Rabbi ‘Hiya de dédommager la perte. Techniquement, il n’était pas responsable, mais étant donné la confiance que cette femme avait placée en lui et l’étendue de la perte, Rav considéra qu’une exception à la règle s’avérait nécessaire. (3)
On pourrait facilement trouver des cas similaires sur le marché du travail d’aujourd’hui. On est au moins en droit d’attendre d’un employé fortuné qu’il ne demande pas de pénalités, ni de dédommagement de ses employés pour des pertes dues à des circonstances échappant à leur contrôle. Ceci serait une caractéristique d’une entreprise équitable.