Mon fils de 3 ans me regardait
un jour en train de prier. Il essayait d'imiter mes mouvements, comme s'il priait
aussi. Soudain, sans crier gare, il m'annonça : " Papa ! Je viens
de voir les pieds de Dieu ! "
Je n'ai pas su tout de suite
quelle devrait être ma bonne réponse, mais j'ai rapidement décidé
que le mieux était de dire la vérité : " Yehouda !
Tu ne peux pas avoir vu les pieds de Dieu. Dieu n'a pas de pieds ! "
Il a semblé surpris
par cette affirmation, mais tout ce qu'il a dit a été : "
Ah bon ! "
Quelques minutes après,
il me tira par la manche. Il me regarda de ses grands yeux bruns et, souriant
doucement, il me déclara sur un ton de conviction totale : " Mais
je les ai vus ! "
Comme il n'y avait rien qui puisse le persuader du contraire, j'ai décidé
de ne pas réagir. Après tout, il n'avait que trois ans. On pouvait
raisonnablement espérer que, parvenu à l'âge adulte, il
aurait fini par apprendre que Dieu n'a pas de pieds. S'il devait être
encore imprégné de ce concept, il serait sur le point de voir
véritablement Dieu.
Les gens d'aujourd'hui veulent vraiment rencontrer Dieu. Ils ne cherchent rien d'autre qu'une audience privée.
Les gens d'aujourd'hui veulent
vraiment rencontrer Dieu. Ils cherchent moins à Le comprendre qu'à
lui être présentés. Ils veulent de Lui une audience privée.
Ils veulent voir Dieu. Et aussi étonnant que cela paraisse, c'est chose
possible. Dieu peut être vu et Il veut être vu.
Et pourtant, la plupart
des gens, malheureusement, ne voient pas Dieu, ne peuvent pas voir Dieu, même
quand ils le voudraient, parce qu'ils ont été imprégnés
dans leur enfance par des concepts qui sont devenus dans leur âge adulte
de véritables œillères spirituelles.
C'est pourquoi, au lieu
de décrire comment Dieu peut être vu, nous chercherons pourquoi
nous ne pouvons pas Le voir. Nous espérons réussir, en faisant
cela, à démasquer et à mettre bas les principaux obstacles
qui se dressent devant nous.
La première étape
dans ce que j'appelle l'art de la vision spirituelle consistera à nous
débarrasser de nos œillères spirituelles.
La plupart des gens, comme
ceux que j'ai rencontrés pendant mes années d'activité
rabbinique, portent des œillères spirituelles. Cela leur cause une
vive souffrance, parce que ces œillères bloquent les yeux de l'âme
et ne les rendent jamais libres de voir Dieu.
Certaines gens se rendent
compte qu'ils marchent à l'aveuglette dans la vie, mais la plupart en
sont inconscients. Et cela est bien pire, parce que si vous ne savez pas ce
qui vous blesse, il est plus difficile de guérir.
Une vision
infantile de Dieu
La plupart d'entre nous
retiennent une certaine image de Dieu, née peut-être de sa première
imprégnation dans notre conscience d'enfant. Beaucoup d'enfants subissent
en effet l'influence de la tendance du monde à vouloir dépeindre
Dieu sous les traits de Zeus - bien que le paganisme ait théoriquement
disparu de la civilisation occidentale en même temps que l'Empire Romain.
La version peinte par Michel-Ange dans la Chapelle Sixtine représente
probablement l'interprétation la plus largement reproduite du Créateur
apparaissant un peu comme le vieux Zeus lui-même.
Il n'est pas étonnant
que tant d'enfants (et beaucoup d'adultes aussi, malheureusement) imaginent
Dieu comme un vieillard au visage ceint d'une longue barbe blanche. Les enfants
ont besoin de donner à Dieu dans leurs esprits une forme physique, à
défaut de quoi ils ne peuvent pas en comprendre l'idée. Car chez
eux un Dieu invisible et incorporel échappe à leur entendement.
Dans l'esprit d'un enfant,
selon son niveau de compréhension, Dieu doit avoir un corps, une forme
que l'on puisse imaginer de quelque manière, pour exister. Mais lorsque
l'enfant grandit, et qu'il mûrit intellectuellement et spirituellement,
il a besoin de trouver un nouveau modèle de pensée - un nouveau
cadre pour comprendre Dieu, pour voir Dieu.
Le problème est que
la plupart d'entre nous n'éprouvent pas ce besoin. C'est là, en
fait, un problème très répandu.
L'humanité a eu à
affronter ce problème depuis l'aube de la civilisation. Cela a été
le génie et la prodigieuse contribution d'Abraham. Il y a quatre mille
ans, il a déclaré au monde, qui adorait un assortiment d'idoles
représentant chaque aspect imaginable de la nature, qu'on ne peut imaginer
qu'une seule source de toute la création. Peut-on imaginer quel choc
cela a été d'entendre alors que Dieu est sans image ? Comment
cela se pouvait-il ?
Peut-on imaginer quel choc cela a été d'entendre il y a 4 000 ans que Dieu est sans image ?
La situation créée
par Abraham était d'autant plus ironique que son propre père,
Téra'h, était de profession, fabricant d'idoles. La tradition
orale juive nous raconte qu'Abraham, étant enfant, détruisit toutes
les idoles exposées dans le magasin de son père. Répondant
à la colère de son père, il prétendit résolument
que la plus grande des idoles était responsable de la destruction. "
Mais, objecta son père, ce n'est qu'une statue ; elle ne peut rien faire!"
Ce à quoi Abraham répondit simplement : " Laisse
tes oreilles écouter ce que ta bouche vient de dire ! "
Dieu, qui est responsable
de l'immensité et de la complexité de la création, ne peut
pas être limité à une forme, et surtout pas à une
image gravée et inanimée. Une âme mûre et saine se
doit de rejeter des représentations aussi puériles.
Comme l'a souligné
Rabbi Avraham Yits'haq Kook, le grand philosophe cabbaliste du début
du XXème siècle : " Il arrive que la foi soit en réalité
un reniement, et il arrive qu'un reniement soit en réalité une
foi. " Quand quelqu'un dit qu'il croit en Dieu, mais que, en fait, le Dieu
auquel il croit est en réalité une idole élevée
en modèle spirituel, une image de Dieu qu'il a réussi à
faire apparaître, alors sa foi est réellement un reniement de la
vérité, une hérésie.
En revanche, quand quelqu'un
affirme qu'il est athée simplement parce qu'il ne peut pas croire en
un roi omnipotent portant une imposante barbe blanche flottant quelque part
dans les espaces infinis, il exprime d'une certaine manière une foi véritable,
parce qu'un tel Dieu n'existe effectivement pas.
La difficulté est
de savoir comment débarrasser son esprit d'une image aussi fausse, une
image qui est devenue avec le temps particulièrement présente
et qui, comme un épais mur de béton, empêche aujourd'hui
de parvenir vraiment jusqu'à Dieu.
Il faut, pour commencer,
définir le sens de ce mot : D-I-E-U.
Qui est
" Dieu " ?
On parle aujourd'hui beaucoup
de Dieu. Il est à la mode de L'évoquer parmi les éléments
de spiritualité dont on disserte au cours de cocktails. Il est même
à la mode de croire en Dieu.
Il n'y a pas longtemps,
il n'était pas de bon ton de croire en Dieu. C'était même
tout à fait politiquement incorrect. Aucune personne intelligente ne
croyait en Dieu, la foi était considérée comme quelque
chose de primitif, de désuet, comme décidément incompatible
avec ce que l'on apprend dans les écoles.
Mais ce qui me préoccupe
à propos de cette mode d'avoir foi en Dieu est qu'elle est intermittente.
Il y a deux cents ans, Dieu était à la mode, et les Pères
fondateurs des Etats-Unis l'avaient d'ailleurs inscrit dans la Déclaration
d'Indépendance et sur les billets de banque.
Il y a cinquante ans, Dieu
n'était pas à la mode, et les fondateurs de l'Etat d'Israël,
après de longs débats, n'ont parlé de Lui, quand ils ont
rédigé leur Déclaration d'Indépendance, que comme
le " Rocher d'Israël ". Dieu est maintenant de nouveau à
la mode.
Dieu est maintenant de nouveau à la mode.
Pour être sûrs
que Dieu n'est pas seulement une mode fugitive, et qu'Il ne deviendra pas aussi
démodé l'an prochain que le seront les chaussures à semelles
épaisses, il faut que nous en prenions grand soin. Pour être sûrs
que Dieu est vraiment devenu une partie de nos vies et qu'Il exerce une influence
profonde et salutaire sur l'amélioration de notre manière d'exister
et de nous relier les uns aux autres, il faut que nous fassions très
attention à ce que nous voulons dire quand nous prononçons ce
nom : " Dieu ".
Se débarrasser
de " Dieu "
Très franchement,
le mot " Dieu " ne signifie rien pour moi. A tout prendre, il aurait
plutôt tendance à interférer avec ma vraie foi. Personnellement,
je ne crois pas en " Dieu ". C'est un mot d'origine latine que l'on
ne trouve pas dans le texte hébreu de la Bible. Ce mot " Dieu "
a été tellement galvaudé, déprécié
et mal compris qu'il se dresse comme un obstacle devant notre recherche de la
vérité ultime à laquelle nous essayons de nous livrer.
En réfléchissant
à ce problème, je commence à comprendre ce que Nietzsche
voulait dire quand il a assuré que " Dieu est mort ". Le concept
de " Dieu " - dans le sens que nous lui donnons quand nous parlons
de Lui - est un concept mort. Il n'a rien de réel. L'image du mâle
vengeur ressemblant à Zeus qui flotte dans les cieux est beaucoup trop
éloignée d'une véritable représentation de la réalité.
Malheureusement, beaucoup
de gens se représentent une image de Dieu comme une sorte de héros
céleste omnipotent, hors de leur portée. Il n'est pas étonnant
qu'ils ne veuillent pas croire en ce Dieu ; il n'est pas étonnant qu'ils
n'aient aucune idée de la manière de connaître ce Dieu.
En réalité,
cette image de " Dieu " est affreuse. C'est la raison pour laquelle
je crois qu'il faut, avant tout progrès spirituel véritable, que
nous nous débarrassions de Dieu.
De même qu'Abraham,
nous avons besoin de briser nos propres images gravées, de nous libérer
de l'idolâtrie conceptuelle qui obstrue les yeux de notre âme.
Le temps est venu de voir
Celui que nous cherchons.
Celui que
nous cherchons
Le nom qui, dans la Bible,
a été malencontreusement traduit par " Dieu " comprend
les lettres hébraïques yod, hè, waw et hè. Il est
important de savoir que ce groupe de quatre lettres n'est pas un mot, mais un
tétragramme - le Tétragramme comme il n'en existe qu'un seul -
voulant dire : " était / est / et / sera ". Le Tétragramme
réunit les trois formes hébraïques du verbe " être
" suggérant la source éternelle de toute créature.
Etant donné que la
loi juive interdit que l'on prononce le Tétragramme, les Juifs religieux
le remplacent dans leurs prières par un mot complètement différent
- Adonaï (signifiant : " Seigneur ") - toutes les fois que se
présentent les quatre lettres yod, hè, waw et hè.
Comme il est étrange de voir un mot et de dire autre chose !
Comme il est étrange
de voir un mot et de dire autre chose ! Bien entendu, cela est destiné
à rappeler au fidèle que ce qu'il voit ne peut pas être
dit, que ce qu'il éprouve ne peut pas vraiment être rendu par des
mots ou des concepts. Les Sages d'antan, dans leur vaste sagesse, ont compris
que les gens aiment le truchement des images et donc ont besoin de rappels constants
destinés à leur faire accepter humblement les limitations de leurs
conceptualisations. Comment l'esprit humain peut-il saisir le Tétragramme
? Comment l'esprit humain peut-il imaginer l'ultime réalité éternelle
?
Cette idée est très
difficile à saisir parce qu'elle dépasse les bornes de nos esprits.
C'est comme une goutte d'eau dans l'océan, qui essayerait de saisir l'océan.
Certes, tout ce que nous pouvons dire est que chacun de nous incarne un aspect
de la réalité, mais nous ne sommes pas la réalité.
Comme la goutte d'eau dans l'océan, nous existons à l'intérieur
de la réalité. Parce que la réalité est yod, hè,
waw et hè.
Quand les Juifs célèbrent
la Pâque, ils chantent une chanson de la Haggada : " Béni
est "l'Endroit" ". Un des termes employés pour décrire
yod, hè, waw et hè est " l'Endroit ". Pourquoi "
l'Endroit " ? Parce qu'il suggère que yod, hè, waw et hè
est l'endroit, la réalité dans lesquels nous existons.
Celui qui croit en la théorie
du Big Bang - selon laquelle le monde est venu à l'existence à
la suite d'une explosion primordiale avec des masses de gaz chauds et tourbillonnants,
qui se sont ensuite condensés en des étoiles et de planètes
- n'en doit pas moins se demander : Où tout cela s'est-il produit ? En
quel endroit cette explosion a-t-elle eu lieu? Qui a orchestré cet événement
?
La réponse est yod, hè, waw et hè, la Réalité
Ultime - Celui qui embrasse tout temps, tout espace et tous êtres.
La réalité
ultime
La Cabbale nous avertit
que nous ne devons attribuer aucun nom ni aucune lettre à la Réalité
Ultime. (La Cabbale appelle la Réalité Ultime le Ein sof, "
Celui sans fin ".) Nous ne pouvons pas faire tenir quelque chose d'aussi
vaste et d'aussi abstrait dans aucun concept ou image rigides. Même le
Tétragramme est, au mieux, une simple allusion, parce que Celui auquel
il se réfère est au-delà des noms et des concepts.
Que faut-il alors que nous
fassions quand nous parlons de yod, hè, waw et hè, si nous ne
voulons pas rester figés dans le concept mort dont nous essayons de nous
débarrasser ? La réponse du judaïsme propose d'éviter
le problème en parlant simplement de Hachem, mot hébreu qui veut
dire simplement " le Nom ". Cela nous évite une trop grande
familiarité avec aucun nom, et cela évite en fait d'utiliser aucun
nom. Lorsque nous disons : " le Nom " - Hachem - nous voulons dire
que la Réalité Ultime est, en fait, au-delà de tous noms,
de toutes dénominations, de toutes images. Quand nous disons Hachem,
nous nous rendons compte que nous ne possédons qu'une compréhension
simpliste, limitée, inadéquate, de la Réalité Ultime,
de la Source de tout être, de l'Endroit ou du Contexte de tout ce qui
existe.
Nous n'avons pas - et en
fait ne pouvons pas avoir - une compréhension de Hachem, mais nous pouvons
avoir - et nous l'avons effectivement - un rapport avec Hachem.
" Dieu " est mort
; c'est un concept dépassé, un mot qui n'existe plus. Mais Hachem
est vivant, Il est l'ultime Réalité vivante.
" Dieu " est mort ; c'est un concept dépassé, un mot qui n'existe plus. Mais Hachem est vivant, Il est l'ultime Réalité vivante.
La Cabbale impose un changement
complet de modèle de pensée. Elle enseigne que Hachem n'existe
pas " dans " la réalité, mais qu'Il est " la "
réalité. Et nous n'existons pas aux côtés de Hachem,
nous existons dans Hachem, à l'intérieur de la réalité
qui est Hachem.
Hachem est " l'Endroit ". De fait, Hachem est le contexte qui embrasse
tout. Aussi ne peut-il pas y avoir nous et Dieu existant l'un à côté
de l'autre dans la réalité. Il n'y a qu'une seule réalité
qui est Hachem, et nous existons dans Hachem.
Nous existons à l'intérieur
de la réalité, nous incarnons un aspect de la réalité,
nous participons de la réalité. C'est là un concept complètement
différent.
Un Dieu
personnel
Quand je leur parle de réalité,
il arrive que les gens protestent. Ils se plaignent de ce que la notion de "
réalité " résonne comme quelque chose d'impersonnel.
" Qu'est-il advenu du Dieu personnel ? " demandent-ils.
Mais la Réalité
ultime, Hachem, n'est pas impersonnelle. Cette réalité nous embrasse
vous et moi, et elle est source et contexte pour vous et pour moi. Hachem ne
peut donc pas être moins personnel que vous et moi. En fait, Hachem est
infiniment plus personnel.
Certaines gens pensent que
la réalité est un espace mort et vide, mais la réalité
est en fait consciente, vivante et aimante. Nous ne pouvons donc pas parler
de réalité d'une manière impersonnelle. Nous ne pouvons
pas demander, par exemple : " Qu'est-ce qui est réalité ?
" Nous devons demander : " Qui est réalité ? Qui est
la source de toute conscience ? Qui est la source de toute vie ? Qui est la
source de l'amour ? Qui accueille tout ce que nous voyons dans ce monde ? "
La réponse est :
Hachem.
Une métaphore devrait
nous permettre de mieux comprendre notre rapport à Hachem, celle du rapport
entre la pensée et le penseur. Si je crée un homme dans mon esprit,
où cet homme existe-t-il ? Dans mon esprit. Cet homme existe dans moi,
et pourtant je ne suis pas cet homme. Cet homme n'est pas moi. Il continuera
d'exister aussi longtemps que je continuerai de penser à lui. Lorsque
je cesserai de penser à lui, il cessera d'exister, mais je ne serai pas
moins que ce que j'étais avant que je l'eusse créé dans
mon imagination.
De la même manière,
nous sommes le produit de la création par Hachem. Nous existons dans
Hachem. Mais nous ne sommes pas Hachem et Hachem n'est pas nous. C'est une idée
mystique. Il n'y a rien qui soit vide de Hachem. Tout est dans Hachem, Hachem
est dans tout, mais Hachem est au-delà de tout.
Nous existons à l'intérieur
de la réalité, nous incarnons la réalité, mais nous
ne sommes pas la réalité. Et si nous cessions d'exister, la réalité
continuerait, pas moins qu'avant ou après notre création.
Une vision
parvenue à maturité
Quand j'ai essayé
d'expliquer cela à mon fils de sept ans, il eut la réaction que
voici :
" Nouri, où
est Hachem ? "
" Il est là-haut
", répondait-il avec assurance en montrant le ciel. " Dans
le ciel ! "
" Non ! Hachem n'est
pas là-haut, Hachem est partout ! "
" Ah bon ! ".
" Maintenant, où
sommes-nous toi et moi ? "
" Eh bien " répondit-il
avec moins d'assurance, comme s'il s'attendait à quelque traquenard dans
ma question, " Nous sommes ici ! "
" Non ! " ai-je
répondu. " Toi et moi sommes en réalité à l'intérieur
de Hachem. Comprends-tu cela ? Hachem n'est pas là-haut, et toi et moi
ne sommes pas ici. Hachem est partout et nous sommes dans Hachem. "
Mon fils s'enferma dans
ses pensées pendant quelques moments, essayant de comprendre. Puis il
s'exclama : " J'y suis ! J'y suis ! Eh bien ! Hachem est très gros
! "
Il avait dû, probablement,
se dessiner dans sa tête une image où Hachem aurait été
assez gros pour inclure deux autres personnes. L'esprit d'un enfant ne peut
pas évoluer dans des abstractions. Voilà pourquoi, si un élève
de CM1 ne sait pas répondre à la question : " Combien font
14 moins 9 ? ", on lui demandera : " Si tu as quatorze bonbons et
que tu en donnes neuf à ta sœur, combien de bonbons te restera-t-il
? " et il trouvera la réponse tout de suite. Il verra les bonbons
disparaître dans son esprit.
Mais lorsqu'il progresse
en maturité, on attend de lui qu'il abandonne ces concepts puérils
et limités. Il ne peut pas penser à des bonbons chaque fois qu'il
additionne ou qu'il soustrait, pas plus qu'il ne peut pas penser à un
gros ballon toutes les fois qu'il pense à Dieu.
Si nous voulons un rapport
d'adulte avec Hachem, il nous faut être prêts à changer de
modèle de pensée. Mais il est extrêmement difficile d'abandonner
de vieux concepts. L'esprit humain peut être comparé à une
prison. Sortir de la prison de notre imagination est parfois plus difficile
que sortir d'une prison de pierres et de barreaux. Si nous devenons prisonniers
d'un concept malsain de Dieu, nous évoluerons toute notre vie durant
dans un cadre où Dieu sera notre adversaire. Et il n'est pas étonnant
que nous nous détournions de Lui.
Quand nous lisons qu'un
être omnipotent nous a donné tel ou tel commandement, nous nous
disons comme des enfants : " Oui ? Et alors ? " La question suivante
sera de savoir qui aura le dessus. Faudra-t-il que nous capitulions devant cet
être-là ?
Mais si nous pouvons perdre
l'habitude de compter des bonbons et prendre celle des abstractions de l'algèbre,
nous réussirons aussi à libérer nos esprits des représentations
maniérées et malsaines de Dieu.
Ce n'est que lorsque nous
débarrasserons nos esprits des œillères constituées
par des concepts morts que nous pourrons commencer à ouvrir les yeux
de notre âme et à voir d'une nouvelle manière. Et lorsque
nous le ferons, nous pourrons aussi nous ouvrir à la possibilité
de voir véritablement Hachem.