L'un des malentendus les
plus fréquents a pour origine le mot même de " sacrifice ".
Nous pensons souvent aux
sacrifices dans le Temple en termes de présents offerts à une
divinité irritée qu'il s'agit d'amadouer par beaucoup de sang
et d'entrailles.
Ces idées païennes
montrent malheureusement combien notre pensée a subi l'influence des
autres cultures. Dieu ne manque de rien et n'a pas besoin de nos sacrifices
- qu'ils consistent en des animaux ou en autre chose. Les offrandes qui étaient
présentées dans le Temple, comme tous les commandements, n'étaient
pas faites pour Dieu. Elles étaient faites pour nous.
Comme tous les commandements, les offrandes n'étaient pas faites pour Dieu. Elles étaient faites pour nous.
De fait, le mot hébreu
korbane (" sacrifice "), vient de la racine korav, qui veut dire :
" se rapprocher " ; ici : " se rapprocher de Dieu ". L'offrande
avait pour but de ramener tout près celui qui se trouvait loin.
Pour essayer de mieux comprendre
en quoi la présentation d'une offrande était une expérience
intense et ennoblissante, jetons un regard sur l'une d'elles : l'offrande rémunératoire
(chelamim).
Comment
cela fonctionnait
Imaginons la scène
pendant un des jours fériés - Pessa'h, Chavou'oth ou Soukoth.
Tous les Juifs sont montés à Jérusalem, et parmi eux Moïché.
Moïché a emporté
son agneau jusqu'au Temple. Pas n'importe quel agneau ! Il l'a gardé
pendant au moins trois jours afin d'être certain qu'il ne porte aucun
défaut physique. Le grand jour arrive et le voici prêt à
monter avec son animal jusqu'au Temple.
La plupart d'entre nous
aiment les côtes d'agneau, ou d'autres morceaux de sa chair. Pour qu'on
puisse manger de la viande, l'animal doit être égorgé et
la viande apprêtée. La plupart d'entre nous n'ont cependant jamais
assisté à l'égorgement d'un animal. En revanche, quand
on présentait une offrande au Temple, le propriétaire de l'animal
devait assister à l'entier déroulement du cérémonial.
La plupart d'entre nous n'ont jamais assisté à l'égorgement d'un animal.
Moïché fait
avancer son agneau. Il place ses mains sur la tête de la bête et
repose sur lui de tout son poids. D'une certaine manière, il se relie
à l'animal comme s'il en faisait un prolongement de lui-même.
Voir tuer pour de vrai un
agneau en face de soi est un événement perturbant. Il y a un instant,
il était sa bête, et maintenant ce n'est plus que de la viande
morte. Cela secoue Moïché comme cela secouerait n'importe qui. La
vie et la mort le contemplent face à face. Et le voici soudain traversé
par une pensée surprenante : " Cela pourrait être moi ! Cet
animal, tout comme moi, a un cœur, des cheveux, des veines et des artères…
Quelle est la différence ? Une âme ! "
C'est alors qu'on prélève
un peu de sang et qu'on le met sur l'autel. D'une certaine manière, le
sang représente la nature animale de l'être humain. Après
quoi, certaines graisses sont brûlées sur l'autel. Elles symbolisent
le désir, qu'il faut savoir sublimer. Une partie de la viande est donnée
au kohen qui a présidé au cérémonial. Cela rappelle
au propriétaire de l'offrande que rien ne lui appartient réellement.
Ce qu'il possède lui a été accordé par le Tout-Puissant,
et il doit le partager avec d'autres.
A la fin, la viande restante
est emportée par le propriétaire, lequel a désormais le
droit de la manger. Moïché doit la manger à l'intérieur
les murailles de Jérusalem, un endroit spécifiquement consacré
à l'élévation spirituelle. Il doit être en état
de pureté rituelle, d'où une plus grande sensibilisation à
la notion de grandeur spirituelle. Ce qu'il mange, ce n'est pas une côte
d'agneau comme une autre présentée dans son assiette. C'est son
propre animal, accompagné de tout le cérémonial qui l'a
escorté.
Ce n'est pas une côte d'agneau comme une autre qui est présentée dans son assiette, c'est son propre animal
L'animal est réellement
devenu un korbane, un instrument pour aider son propriétaire à
se rapprocher de Dieu. Manger ce repas devient désormais une expérience
à portée spirituelle. La nourriture est hissée du niveau
de l'animal à celui de l'humain, en s'intégrant réellement
dans la personne du consommateur et en devenant le véhicule de toute
la démarche qui vient d'être entreprise.
(Malheureusement, le contraire
est parfois vrai aussi. Tout ce qui contient en soi la potentialité d'une
grande élévation contient aussi celle d'un douloureux déclin.
Les gens sont parfois si impliqués dans ce qu'ils mangent qu'ils oublient
tout des aspects sublimes de la nourriture. Au lieu d'élever l'animal
au niveau humain, ils sont entraînés vers le bas, vers le niveau
de l'animalité. On appelle ce bourrage irresponsable de soi de la "
goinfrerie ".)
Il est facile de voir comment
un repas comme celui-là peut devenir un point central de l'observance
d'un jour de fête.
Les autres
offrandes
Quand le Temple existait,
il y avait beaucoup d'autres sortes d'offrandes, de korbanoth, mais les principes
que nous venons de décrire s'appliquaient à toutes.
Certaines offrandes n'étaient
pas consommées du tout, et étaient entièrement brûlées.
Certaines étaient présentées par la collectivité
nationale, l'animal étant acheté au moyen de contributions financières
offertes à parts égales par tout Israël. Chaque individu
savait alors que ces offrandes faisaient partie intégrante de sa vie,
offertes à dates régulières et réunissant tous les
Juifs en une même communauté et en un même centre d'intérêt.
Une offrande expiatoire
était présentée quand quelqu'un avait transgressé
certaines lois par erreur. (Le mot " péché " donne souvent
lieu à des malentendus, et il vaudrait mieux le rendre par " erreur
" ou par " méprise "). Une erreur représente un
manque d'attention, et dans le cas du 'hatath, de l'offrande expiatoire, le
propriétaire traversait tout le processus que nous venons de décrire
afin de retrouver ses facultés de rester attentif. Dans ce cas, ce n'est
pas lui qui consommait l'animal, mais le kohen, le prêtre, en tant que
spécialement désigné à cet effet.
Rav Ya'aqov Weinberg, de
mémoire bénie, disait que tous les commandements possèdent
une réalité intrinsèque de leur propre chef, qui transcende
toutes les significations ou les explications que nous pouvons leur donner.
Un commandement, une mitswa, est un puissant levier mystique, indépendant
de la manière dont nous le comprenons. Cependant, plus nous pouvons comprendre
une mitswa, plus efficaces nous pouvons devenir.
Ce bref article n'a fait
qu'effleurer la signification que possédait le service du Temple, mais
il doit être bien clair qu'un korbane est beaucoup plus qu'un " sacrifice
".