Je m’apprêtais à sortir de ma voiture la semaine passée,
lorsque j’entendis à la radio que le photographe des vedettes,
Spencer Tunick, venait de battre son propre record. Voici quelques années,
il avait photographié 7000 personnes entièrement nues en un seul
lieu, et il venait de battre ce record à Mexico City. Plus de 18 000
personnes étaient venues se déshabiller et évoluer devant
son objectif pour se faire photographier !
Pourquoi n’ai-je pas trouvé qu’il y avait là lieu
de s’émerveiller et de s’extasier ? Après tout, qu’y
a-t-il de mal à célébrer la beauté du corps humain
? Et pourquoi le judaïsme est-il tellement strict sur la notion de tzniyout (pudeur) et exige-t-il que nous couvrions certaines parties de notre corps
? N’est-ce pas Dieu qui nous a donné un corps, et s’Il nous
a donné quelque chose de beau, pourquoi ne pourrions-nous pas le montrer
?
DANS LE JARDIN D’EDEN
Lorsque nous voulons savoir
ce qui est à est l’origine d’une
notion, nous cherchons généralement où elle se trouve évoquée
pour la première fois dans la Torah. La première allusion au
vêtement (ou plutôt à son absence) intervient au jardin
d’Eden. Juste après la création de la femme, la Torah nous
dit : « Ils étaient tous deux nus, l’homme et sa femme,
et ils n’en éprouvaient pas de honte » (Genèse ch2
v25).
Ce verset se trouvant juste
après la création des deux premiers êtres
humains, on peut en déduire une corrélation évidente entre
leur essence et leur nudité.
Peu après, Adam et Eve vont fauter. Et la Torah nous dit immédiatement
: « Leurs yeux à tous deux se dessillèrent, et ils surent
qu’ils étaient nus ; ils cousirent ensemble des feuilles de figuier
et s’en firent des pagnes » (Genèse ch3 v7-8).
Dans le bouleversement
qui accompagna le passage entre le monde d’avant
la faute et le monde d’après la faute, un changement s’était
opéré, qui fit qu’ils eurent alors honte de leur nudité.
Nos Sages expliquent qu’avant la faute, lorsque toute la création
accomplissait la volonté de Dieu, le monde physique ne faisait pas écran à la
présence divine, mais, au contraire, proclamait haut et fort Son existence.
Le corps humain, loin de maintenir l’âme dans les ténèbres
d’une enveloppe opaque était, pour elle, un sanctuaire. Lorsqu’Adam
regardait Eve, le corps de celle-ci était translucide et servait d’écrin à la
belle âme qui l’habitait. Il n’y avait aucune raison d’avoir
honte de son corps, et Adam et Eve n’éprouvaient pas la moindre
gêne à être nus.
Mais avec le péché originel, l’humanité a prouvé qu’elle
faisait passer la matérialité avant la parole de Dieu. Ceci apparaît
dans la manière dont la Torah commente la décision d’Eve
de manger du fruit de l’arbre : « La femme jugea que l’arbre était
bon comme nourriture et qu’il était attrayant pour les yeux » (Genèse
ch3 v6).
Après la faute, la perception humaine de la réalité physique
du monde a changé. Sa fonction n’est plus uniquement de rappeler à l’homme
la présence divine ; la réalité va maintenant se présenter
comme voilée et douée d’un pouvoir de séduction
qui va faire croire à l’homme qu’elle possède une
valeur en elle-même.
C’est pourquoi Adam et Eve éprouvèrent de la honte en
prenant conscience de leur nudité, car leur corps dissimulait à présent
leur âme. Tout spectateur n’aurait vu que l’enveloppe extérieure
et non l’essence réelle de l’être humain qui se cachait
derrière. Existe-t-il plus grande humiliation pour un être spirituel
que de n’être perçu que sous une apparence purement physique
?
C’est la raison pour laquelle les animaux n’éprouvent pas
le besoin de couvrir leur corps. Ils ne possèdent une âme semblable à celle
de l’homme. Lorsque nous les regardons, nous les voyons tels qu’ils
sont, et par conséquent, ils n’ont aucune raison de se cacher
sous des vêtements.
Embarrassés par leur nudité, Adam et Eve eurent l’idée
de se couvrir afin qu’en les voyant, le regard se porte sur leur personne
et non sur leur corps. D’ailleurs, le mot hébreu désignant
le vêtement est « levoush » une contraction des mots « lo
bosh » qui signifie « ne pas être embarrassé ».
On pourrait penser que
ce que fait Spencer Tunick avec ses nus de masse n’est
qu’une une aimable plaisanterie. Mais au-delà du divertissement,
voyons le message qu’il transmet : ce ne sont que des corps, pas des
personnes.
Traduction et Adaptation de Monique SIAC