Q.
La semaine dernière, vous
avez expliqué que résoudre
nos problèmes écologiques demande une coopération internationale.
Que peut nous enseigner la tradition juive qui nous permette d’approcher
cet idéal ?
R.
Dans les dernières semaines, nous avons expliqué que la loi
juive préconise une réglementation de la pollution et autres
nuisances, mais que la plupart des types de pollution, même les plus
menaçants, n’agissent pas de manière directe ou ne sont
pas assez définies pour pouvoir être interdites par une sorte
de législation concrète ou un règlement. Le réchauffement
planétaire est considéré comme une menace majeure, mais
il est impossible d’interdire la production de la moindre chaleur ou
l’émission de la plus petite quantité de dioxyde de carbone.
Une telle prohibition rendrait impossible même l’acte de respirer,
cuisiner ou chauffer les habitations.
Toutefois, ne rien faire pour empêcher ces nuisances écologiques
n’est pas non plus une solution viable. Même une relativement faible
menace de changement catastrophique de climat est suffisamment inquiétante
pour que la population mondiale perçoive la nécessité d’entreprendre
quelque chose à ce sujet. La seule véritable option qui s’offre
aux différents pays touchés est d’œuvrer ensemble à établir
des limites raisonnables. L’effort le plus important accompli à ce
jour a été le Protocole de Kyoto, un accord international sur
une limitation future des gaz à effet de serre. Ce protocole est assurément
une contribution importante, mais très certainement insuffisante, puisque
de nombreux pays (dont les USA) ne l’ont pas ratifié, que d’autres
l’ont ratifié, mais ne le respectent pas et que d’autres
encore ne sont actuellement pas réglementés par lui.
Quelles sont les perspectives d’avenir d’une telle coopération
? Comment pourraient-elles être réalisées ?
La Torah nous offre un scénario parallèle instructif. Par le
passé, l’humanité a dû faire face à une catastrophe écologique
mondiale. Cette catastrophe aussi fut « anthropogénique »,
causée par les actions de l’homme. Dans ce cas aussi, l’humanité fut
incitée à agir de concert afin de prévenir le désastre
et fut également prévenue bien à l’avance afin qu’elle
ait le temps de le faire. Comment l’humanité réagit-elle
? Quelle leçon a tiré la race humaine de cette expérience
?
La catastrophe en question fut le Déluge. La raison de ce fléau
fut les agissements corrompus de l’homme. « Et D.ieu dit à Noé :
le terme de toutes les créatures approchent devant Moi, car le monde
entier est rempli d’injustice devant eux ; aussi, je vais les détruire
avec la terre. » (Genèse 6:13) D.ieu ordonna alors à Noé de
construire une arche pour se sauver lui-même et sa famille du déluge à venir.
Cette arche était un immense vaisseau dont la construction nécessita
de la part de Noé et de sa famille de nombreuses années. D.ieu
n’aurait-Il pas pu trouver un moyen plus simple de sauver Noé et
les siens ?
Le commentaire de Rachi explique que D.ieu conçut un moyen de s’échapper
si proéminent et si compliqué parce qu’Il voulait donner, à dessein,
un temps important de préavis au reste de l’humanité pour
leur laisser la possibilité de reconsidérer leurs manières
de vivre. « Afin que les gens de la génération du Déluge
le [Noé] voient occupé à cela durant 120 ans et lui demandent
: "Que fais-tu ?" Et il leur répondra : "D.ieu va apporter
un Déluge sur le monde." Ainsi, peut-être se repentiront-ils. »
Laissant présager de manière saisissante notre situation actuelle,
l’humanité était face à un désastre imminent,
mais également à des solutions constructives. Une solution était
pour toute l’humanité de s’unir et de renoncer à leur
manière de vivre corrompue et ainsi de sauver le monde. Une autre possibilité était
pour un groupe donné de faire le point de la situation et de construire
leur propre arche pour sauver à tout prix leurs propres membres. Le
triste résultat est que personne ne prit l’avertissement au sérieux
et que toute l’humanité fut détruite.
La race humaine a-t-elle appris quelque chose de cette expérience ?
Les Ecritures nous disent que oui. Premièrement, ils ont appris qu’une
société ne peut vivre seulement sur la base de bonnes intentions
: il faut des lois strictes qui sont imposées équitablement.
Dès que Noé et sa famille quittèrent l’arche, ils
reçurent l’ordre de mettre en application des lois de base de
coexistence humaine : « Celui qui verse le sang d’un homme, par
l’homme son sang sera versé ; car l’homme a été créé à l’image
de D.ieu. » (Genèse 9:6.)
Deuxièmement, la génération qui suivit le Déluge
intégra en elle le besoin d’une coopération internationale. « Et
toute la terre avait une même langue et une seule intention... Et ils
dirent : "Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet atteindra
les Cieux et ainsi faisons-nous un nom, de peur que nous ne soyons dispersés
sur toute la terre" » (Genèse 11:1,4).
Malheureusement, la nouvelle solidarité de l’humanité ne
fut pas consacrée à la création d’une société juste,
mais plutôt uniquement à l’orgueil et à l’autoglorification
: « Faisons-nous un nom ». D.ieu intervint donc une fois de plus
dans les affaires des hommes et dispersa l’humanité suite à la
construction de la Tour de Babel. Toutefois, ils ne furent pas punis par la
destruction comme ceux de la génération du Déluge ; le
commentaire de Rachi (Genèse 11:9) explique que D.ieu reconnut et récompensa
leur esprit coopératif. « La génération du déluge étaient
des bandits et des querelleurs, aussi ils disparurent, mais eux, se sont conduits
avec amour et coopération, comme il est écrit : « Une même
langue et une seule intention. » Nous apprenons ainsi que la dispute
est haïssable et que grande est la paix. »
Cependant, Il fut déçu de la direction dans laquelle ils l’employèrent
et les dispersa.
Le processus décrit dans la Genèse comporte une avancée
et un progrès humains dont le moteur est une combinaison de révélation
(le commandement de respecter la loi) et d’expérience (la destruction
par le Déluge due à une anomie morale). Ces deux éléments
du processus se sont maintenus depuis l’époque du Déluge
et de la dispersion. La révélation de la Torah et la vision inspirante
d’un monde de fraternité évoqué par les grands prophètes
Bibliques nous sert de guide et les nombreuses sortes de destruction anthropogénique
- morale, militaire ou écologique - nous ont sans doute lentement inculqué la
nécessité d’une coopération.
Il y a espoir que l’on prenne des mesures concertées et suivies
pour limiter les dommages écologiques si l’humanité assimile
les leçons du passé, tant humaines que Divines. Le message le
plus important est que la coopération humaine est toujours désirable
et bienvenue, mais qu’au bout du compte elle n’est efficace que
lorsqu’elle est orientée à parfaire le monde et pas seulement
vers l’orgueil et la célébrité comme ce fut le cas à l’époque
de la Tour de Babel.
Traduction et Adaptation de Ra’hel Katz