Tou bi Chevat est une période où, par l’intermédiaire
  des fruits, on exprime sa reconnaissance pour la générosité de
  la création divine. De nos jours, certains fruits et d’autres
  produits alimentaires sont menacés et peut-être même rendus
  nocifs pour la santé par des procédés qui portent atteinte également à l’environnement.
  Quelle est la réponse de la Halakha au sujet du besoin de protéger
  notre santé ? 
Par exemple, certains aliments,
    y compris les denrées non-biologiques,
  l’alimentation pour les animaux et les produits laitiers contenant des
  hormones et des antibiotiques, et les produits alimentaires obtenus par manipulation
  génétique sont considérés comme nuisibles à la
  santé. Est-ce une obligation de ne pas consommer une telle nourriture
  ou bien d’éviter des pratiques qui, dangereuses pour l’environnement,
  peuvent causer des dommages à notre santé ?
Selon la majorité des experts les plus récents en Halakha 
(1)  et selon certaines autorités halakhiques plus anciennes 
(2), les deux
  versets de la Torah : 
« Mais aussi garde-toi et évite avec soin,
  pour ton salut ... » (Deutéronome 4 :9) et 
« Prenez donc
  bien garde à vous-mêmes ... » (Deutéronome 4 :15)
  sont la source d’un commandement négatif enjoignant de protéger
  sa propre vie contre toute situation, toute chose ou toute personne la mettant
  en danger. D’après une autorité halakhique ancienne, le
  Sefer Ha’Hinou’h 
(4), ce commandement s’applique non seulement
  au devoir de se prémunir de choses qui peuvent mettre fin à notre
  vie mais aussi de choses qui peuvent endommager notre vie et notre corps. 
Examinons maintenant deux
    précédents tout à fait différents
  exposés dans la Talmud qui donnent un aperçu supplémentaire
  sur la manière dont la loi dans la Torah nous prescrit de protéger
  notre vie et notre corps de toute atteinte. 
« Nos Rabbins nous enseignent : Un événement survint à un
  Juif pieux qui priait sur la route. Un gouverneur qui passait le salua et il
  ne répondit pas à son salut. Le gouverneur attendit qu’il
  finisse de prier et quand il eut fini, il lui dit: ‘Vide que tu es !
  N’est-il pas écrit dans la Tora : ‘Mais aussi garde-toi
  et évite avec soin, pour ton salut’ ? N’est-il pas écrit
  plus loin : ‘Prenez donc bien garde à vous-mêmes’ ?
  Quand je t’ai salué, pourquoi n’as-tu pas répondu à mon
  salut ? Si j’avais voulu te trancher la tête avec mon épée,
  qui m’aurait demandé des comptes pour ta vie ? (Talmud Bavli Bera’hot
  32b)
La confiance qu’on peut accorder à la citation des versets de
  la Torah qu’en a fait ce dirigeant non-juif et à la compréhension
  qu’il en a eue, nous en trouvons la source dans le traité Chevouot
  (36a) ! « Rabbi Yannaï dit, tout le monde est d’accord [que
  si quelqu’un se maudit lui-même, il transgresse un commandement
  négatif de la Torah] comme il est écrit : ‘Mais aussi garde-toi
  et évite avec soin, pour ton salut’ ».
C’est de là donc que les Sages tirent la tradition selon laquelle
  ces versets cités par ce gouverneur non-juif se rapportent à la
  loi concernant la préservation de sa vie.
Lorsqu’on examine soigneusement les substances que nos Sages, de mémoire
  bénie, défendaient, on constate qu’un nombre énorme
  de ces interdictions concernent l’ingestion de venin de serpent ou d’autres
  créatures nuisibles. Chez Maimonide 
(5), on ne trouve pas moins de quinze
  lois ayant trait à ce qu’on peut ou non boire ou manger de peur
  d’y trouver du poison.
  
  De même, dans le Choul’han Arou’h ‘Hochen Michpat 427
  :9-10, on y lit : 
« Beaucoup de choses sont interdites par les sages
  parce qu’elles constituent un danger pour la vie humaine...Quiconque
  ne se soucie ni de ces choses-là ni de celles de même type et
  affirme : ‘Si je veux me mettre en danger, en quoi cela dérange
  les autres, ou je ne suis pas strict concernant ceci’, [le tribunal rabbinique]
  le condamne à des coups de fouet pour rébellion. »
Dans un style plus contemporain,
    le Rabbin de Lomzha en Pologne, 19ième-20ième siècle,
    affirme dans son œuvre halakhique Divrei Malchiel
  2 :53 , « que, certainement, il est interdit de manger toute chose qui
  rend malade en raison de ‘Prenez donc bien garde à vous-mêmes’. »
En ayant ces exemples à l’esprit,
    il nous faut maintenant s’enquérir
  des problèmes qui se rattachent à notre propre génération,
  comme les pesticides, les hormones et les aliments obtenus par manipulation
  génétique. Etant donné ce qui précède et
  ma connaissance, quoique limitée, de l’écologie et de la
  médecine douce, il me semble assurément que la méfiance
  que j’ai envers ces aliments est en accord avec l’esprit de la
  Torah. Néanmoins, la possibilité offerte par la Halakha de les
  interdire totalement est de nos jours pas aussi simple ou réaliste qu’il
  en paraît. Les raisons en sont :
1.	Les dégâts causés ne sont ni graves ni immédiats.
  2.	Il y a d’autres facteurs entrant en jeu dans le processus de la maladie.
  3.	Il y a de nombreuses autorités médicales appartenant au pouvoir établi
  qui nient ou minimisent la nocivité de ces denrées.
  Du fait que ce qui tomberait sous le coup de l’interdiction ne répond
  pas à la définition classique de poison donnée par les
  Sages, il serait très malaisé de prohiber ces aliments. Cette
  interdiction se base sur le cas envisagé par la Halakha concernant un
  danger ou un préjudice pour la vie humaine. Par essence, on ne peut
  pas interdire à une personne quelque chose dont l’effet négatif
  est relativement infime ou non démontré. Ce serait faire appel à un
  raisonnement halakhique qui va à l'encontre de toute décision
  générale également halakhique et qui aurait pour objectif
  d'imposer un régime de type Eco-Kosher (organisme écologique
  juif américain) aux Juifs observant la Torah. 
Cependant, je suis convaincu
    que celui qui, se basant raisonnablement comme moi-même sur les faits scientifiques et l’opinion médicale,
  est persuadé de la nocivité réelle ou potentielle d'un
  grand nombre de ces aliments (ils peuvent à coup sûr être
  dangereux s’ils deviennent partie intégrante de notre mode de
  vie et de nos habitudes alimentaires), doit s'abstenir de les consommer pour
  satisfaire l'exigence divine (si ce n'est par obligation). 
  Un des maîtres les plus anciens et les plus importants de la Halakha,
  le Ravad 
(6) s’exprime ainsi : « Il n’est nul besoin de dire
  que l’on doit éviter la nourriture que l’on sait nuisible
  pour soi-même. En effet, l’homme qui mange des choses préjudiciables à sa
  santé alors qu’il n’en a pas besoin, fait acte de rébellion
  en commettant des péchés avec son corps et avec son âme.
  Car il suit ses désirs et ne se soucie pas de perdre son corps et c’est
  la voie que prend le Mauvais Penchant et celle que conseillent les insensés,
  pour se détourner du sentier de la vie et emprunter à la place
  celui de la mort. » 
  Lorsque les autorités hala’hiques considèrent qu’il
  n’est pas opportun d’interdire quelque chose au public mais que,
  malgré tout, il y a sujet de s’en inquiéter, elles utilisent
  le terme Ba’al nefech ya’hmir , littéralement « Un
  maître de l’esprit sera strict » c’est-à-dire
  que celui qui veille à son âme sera sur ses gardes. Je pense que,
  pour l’instant, c’est la réponse halakhique la plus adéquate
  dans la période pleine de danger, de corruption et d’ignorance
  que l’on vit.
Tou bi Chevat est un moment
    propice pour examiner les aliments que l’on
  mange, pour songer aux répercussions de nos choix écologiques
  sur notre santé et pour se demander si l’on peut envisager de
  l’améliorer et de protéger l’environnement en optant
  pour des aliments plus sains, tels que les fruits et les légumes biologiques. 
Que ceux qui se montrent
    stricts soient bénis et qu’ils puissent éduquer
  et éclairer notre peuple au sujet des dangers sur lesquels celui-ci
  bute de manière si omniprésente. 
Cet article a été publié dans le cadre de Tu b’Shevat
  Learning Campaign (Campagne d’information de Tou bi Chevat), parrainée
  par Canfei Nesharim, un organisme de formation de la communauté orthodoxe
  au sujet de l’importance de la protection de l’environnement. Pour
  plus d’information, visiter www.canfeinesharim.org.
Notes 
(1)	C’est la conclusion du rabbin Yosef Lerner Chlita, auteur de l’ouvrage
  très applaudi Chemirat Hagouf vehanefech. Il y cite le Tevouot Chor
  (13 :2) : « Quiconque transgresse les paroles des sages concernant les
  choses sujettes à danger transgresse une interdiction de la Torah. » Voir
  aussi Levouch Iyr Chouchan 426 :11, Nodah be’Yehouda Mahedoura Kama 10, ‘Hidouchi ‘Hatam
  Sofer sur le traité Avoda Zara 30a, Min’hat ‘Hinou’h
  Mitsva 546 à la fin, Arou’h Hachoul’han ‘Hochen Michpat
  427 :8 et étudier le livre Chemirat Hagouf vehanefech chapitre 1 où sont
  mentionnés d’autres a’honim (autorités halakhiques
  anciennes) importants.
  (2)	Voir Sefer Ha’hinou’h Mitsva 546 ainsi que Pe’air Hador
  146 afin de comprendre également Rambam à la lumière de
  ces ouvrages.
  (3)	Voir kountras Chivim Tamarim Chiva Einaïim Ayin Dalet et le Talmud
  bavli Mena’hot 99b. Certains sont d’avis que ces versets sont positifs
  par nature. Voir ‘Ho’hmat Haadam Klal 68 :4.
  (4)	Voir Sefer Ha’hinou’h Mitsva 546.
  (5)	Yad Ha’hazaka Hilkhot Rotsea’h ou chemirat Hanefech Chapitres
  11 & 12 et voir aussi Yoré Déa 116 et Tour Yoré Déa
  116 15.
  (6)	Sefer Baalé Nefech Cha’ar Hakedoucha page 44.
Traduction et Adaptation
    de Claude Krasetzki