Une fois de plus, le Nouvel
An des Arbres nous interpelle. C’est le
moment de faire le point sur la valeur que l’on accorde à notre
monde et sur l’importance qu’il y a d’établir un lien
avec la nature dans notre vie. Examinons une mitsva de la Torah qui nous aide à saisir
ce qu’est l’équilibre idéal entre l’espace
réservé à l’humanité, celui ménagé aux
autres créatures et l’espace ouvert laissé à la
nature.
« Ordonne aux fils d’Israël de donner aux Lévites,
sur leur part de leurs possessions, des villes pour y habiter outre un espace
ouvert autour de ces villes, vous en donnerez aux Lévites. Les villes
leur serviront pour l’habitation et leur espace ouvert sera pour leurs
animaux et pour leurs biens et pour tout ce qui est vital. » (Nombres
35 :2-3)
Ci-après quelques
lois et quelques enseignements concernant ce passage :
Il n’était permis ni d’y construire des maisons, ni d’y
planter des vignes, ni d’y semer des produits agricoles
« Un espace ouvert autour de ces villes » Selon Rachi, ‘Le
mot migrach (traduit par espace ouvert –NDT) désigne une parcelle
de terre située hors et autour de la ville et destinée à son
embellissement. Il n’était permis ni d’y construire des
maisons, ni d’y planter des vignes, ni d’y semer des produits agricoles
(Arakhin 33b).’ Rachi explique plus tard que l’interdiction du
travail agricole ne s’applique qu’à la zone intérieure
de la ceinture verte ; à l’extérieur, c’est autorisé.
« Pour leurs animaux » : ‘Afin que leurs bêtes puissent
y paître’ (Rabbeinou Meyou’has)
« Pour tout ce qui est vital » ‘Ils leur furent donnés
pour la vie et non pas pour la mort’ (Makot 12a) C’est pourquoi
les cimetières furent placés hors des frontières de la
ceinture verte.
Maimonide, dans Michné Torah, rapporte la tradition selon laquelle
la loi instituant un espace vert autour des agglomérations ne concerne
pas seulement les villes des Lévites mais s’applique à ‘Toutes
les villes d’Israël’ (Zeraïm, Hilkhot Chemita veYovel
13 :5). Les villes des Lévites servent donc de modèle pour l’urbanisation
de toutes les cités d’Israël.
Selon le plan d’aménagement des villes prôné par
la Torah, les citadins ont droit à une ceinture verte, et ainsi que
l’explique Rachi, le commentateur classique de la bible, cet espace ouvert ‘est
destiné à l’embellissement de la ville’. Par conséquent,
cette ceinture verte rapproche les citadins de la nature ; de plus, leurs animaux
en tirent un bénéfice car ils peuvent y déambuler et y
brouter. D’aprés un autre grand commentateur de la Bible, le Sforno,
cet espace ouvert permet également aux citadins d’avoir ‘des
ruches, des colombiers et d’autres choses de même type.’
Dans le verset 35 :4, il
est écrit que la largeur de la ceinture verte
doit être de ‘mille coudées’ ; cependant, dans le
verset suivant, il est statué que cette largeur doit être de ‘deux
mille coudées’. Comment comprendre cette contradiction ?
Dans son commentaire sur
le verset 35 :4, Rachi explique que la ceinture verte fait en tout deux mille
coudées et qu’elle est divisée
en deux cercles. Le premier verset fait référence au cercle intérieur.
Rachi écrit : ‘Mille à l’intérieur pour l’espace
ouvert (pour la beauté) et les mille extérieurs pour les champs
et les vignobles (agriculture).’ Il en résulte que, non seulement
les citadins ont une connexion avec la nature mais ont aussi la possibilité de
pratiquer l’agriculture !
Supposons qu’un promoteur désire acheter la ceinture verte en
son entier et y construire des habitations et des usines. Il soutient qu’il
aide ainsi la ville à se développer ; quant aux conseillers municipaux,
ils ont l’impression que la vente apportera un bénéfice économique à la
cité. De nombreux habitants affirment au contraire qu’on ne doit
pas les priver de la beauté de la ceinture verte intérieure ;
en outre, leurs animaux ne doivent pas perdre le privilège de pouvoir
errer et paître dans cette zone de verdure. De plus, ils ne souhaitent
ne pas être dépossédés de la possibilité de
pratiquer l’agriculture dans la ceinture verte extérieure. Dans
le cas d’un tel litige, la Torah se place du côté des citadins
contre le promoteur, ainsi qu’il est écrit : ‘Et l’espace
ouvert aux abords de leurs villes ne peut être vendu ; elle est leur
propriété inaliénable’ (Lévitique 25 :34)
Lorsque la
population s’agrandit, de nouvelles villes doivent être édifiées
dans des sites qui n’avaient jamais été utilisés
dans un but agricole.
Une ville ne peut donc
pas s’étendre aux dépens de la
ceinture verte. Le Rabbin Samson Raphaël Hirsch, dans son commentaire
sur ce verset, explique que les Lois de la Torah sont destinées à empêcher
le développement d’énormes cités. Il écrit
:
« Ces lois semblent être conçues pour qu’une population
urbaine impliquée dans des travaux d’agriculture puisse continuer à exister– ce
qui constitue le modèle fondamental de la nation – et d’empêcher
que les villes ne croissent trop et deviennent des métropoles détachées
de la campagne. Les cités déjà existantes ne doivent pas
s’étendre au-delà de leurs limites au détriment
des champs...Lorsque la population s’agrandit, de nouvelles villes doivent être édifiées
dans des sites qui n’avaient jamais été utilisés
dans un but agricole. »
Ainsi que l’explique Rachi, la ceinture verte intérieure était
un beau parc au service des hommes et des animaux alors que la ceinture extérieure était
utilisée pour l’agriculture. Que se passerait-il si certains habitants
aimant l’agriculture désiraient élargir la ceinture verte
extérieure en acquérant la ceinture intérieure et en la
transformant en terre agricole ? Et que se passerait si des habitants affectionnant
la beauté de la nature souhaitaient agrandir la ceinture verte intérieure
en achetant la ceinture extérieure utilisée pour l’agriculture
afin d’en faire un parc ? De plus, que se passerait-il si des amoureux
de la nature ayant de l’aversion pour les villes aspiraient à acheter
les maisons de la ville, en expulsaient les habitants et transformaient toute
la zone en une prolongation de la ceinture verte ?
Selon le Talmud, la vente
serait interdite dans tous ces cas, car le but original de la ville, la ceinture
verte interne et la ceinture
verte externe, doit être
préservé (Erkhin 33b). Et toujours selon le commentaire de Rachi
sur le Talmud, chaque secteur – la ville, le parc et les terres agricoles – est
au service d’un objectif de grande valeur ; par conséquent, il
n’est pas question qu’une zone s’étende aux dépens
d’une autre !
Les villes servent de centres économique, culturel et spirituel ; néanmoins,
du point de vue holistique de la Torah, les cités doivent permettre à leurs
habitants d’être en relation avec la nature et leur donner l’occasion
de cultiver la terre. Même les citadins se doivent de mettre en pratique
la bénédiction messianique suivante : « Et chacun demeurera
sous sa vigne et sous son figuier. » (Michée 4 :4)
Les lois mentionnées ci-dessus s’appliquent à toutes les
villes d’Israël. Pourquoi donc la Torah met l’accent sur les
villes des Lévites, quand elle discute de ces lois écologiques
?
Avant de répondre à cette question, il faut se rappeler qu’il
y a douze tribus d’Israël et que les membres de la tribu de Levi – y
compris les Kohanim, les descendants d’Aaron – se virent confiés
la charge d’être les maîtres et les guides spirituels de
toute la nation. Ils n’obtinrent pas de portion de la Terre d’Israël
; au lieu de cela, ils demeuraient dans des villes séparées qui
devaient servir de centres de Torah. On trouve une mention de leur rôle
spécial dans la bénédiction que Moïse donna à la
tribu de Lévi devant la nation qui s’apprêtait à entrer
dans la Terre promise : « Ils enseignent Tes lois à Jacob et Ta
Torah à Israël. » (Deutéronome 33 :10)
Il nous est maintenant
loisible de comprendre pourquoi la Torah met en valeur les villes des Lévites. En tant que centres de Torah pour tout le peuple,
ces villes devaient servir de modèles des enseignements divins holistiques.
Comme le Roi David l’affirmait : « Torat Hachem temima » -
La Tora de Celui Qui compatit est holistique.
Cet article a été publié dans le cadre de Tu b’Shevat
Learning Campaign (Campagne d’information de Tou bi Chevat), parrainée
par Canfei Nesharim, un organisme de formation de la communauté orthodoxe
au sujet de l’importance de la protection de l’environnement. Pour
plus d’information, visiter www.canfeinesharim.org.
Notes :
- Selon Maimonide, la ceinture
verte mesurait 3000 coudées en tout
; la ceinture intérieure faisait 1000 coudées et la ceinture
extérieure 2000 (Hilkhot Chmita veYovel 13 :2). Le Sefer Ha’hinoukh,
un ouvrage classique sur les 613 mitsvot, affirme que la ceinture externe – les
vignobles et les champs – contribuaient aussi à la beauté de
la ville (Mitva 342).
- Voir l’article sur un sujet analogue à http://www.shemayisrael.co.il/publicat/hazon/friends.htm
Traduction et Adaptation de Claude Krazetski