J’ai écrit cet article, il y a quelques années, à une époque
où les attentats suicides arrivaient à une fréquence infernale,
semant la mort et le désarroi parmi nos frères en Israël.
Cette année, à l’approche de la semaine au cours de laquelle
nous lisons la la Paracha de Chémoth, j’eus envie de publier cet
article de nouveau, car il est basé sur l’étude des textes
de ce passage de la Torah et qu’il permet de réfléchir
de nouveau au phénomène dit des « kamikazes ». Cependant,
une force intérieure me stoppa et m’interdit de réaliser
cette intention. Je me disais, presque inconsciemment, que parler de l’indicible,
alors que celui-ci ne sévit plus, pouvait lui donner une réalité nouvelle
et, presque par « superstition », je décidai de renoncer à cette
publication.
Quelle ne fut pas mon
horreur et ma stupeur lorsque je constatai que, justement pendant cette
période, se produisait un attentat suicide à Tel-Aviv…
Cet attentat me prouva,
s’il en était besoin, que la folie meurtrière
n’a toujours pas quitté l’esprit de nos ennemis. Dés
lors, ce texte que j’espérai reléguer aux oubliettes, que
j’espérais ne plus avoir besoin de publier à jamais, redevenait
malheureusement d’actualité.
Il semble donc que
cet article qui tente d’apporter un nouvel éclairage
sur la nature des attentats suicides, ainsi que de ce qui peut les entretenir,
mérite encore d’être étudié.
Je prie D.ieu pour
que dans l’avenir celui-ci devienne une réflexion
sur un phénomène passé qui entache l’histoire humaine
et non comme une question d’actualité.
Et voilà ce que j’écrivais, il y cinq ans :
POURQUOI LE DVAR TORAH ?
Un Dvar Torah peut être une réflexion complètement "désincarnée".
Il peut être détaché de nos préoccupations quotidiennes.
Il arrive que l’essentiel de son propos soit, à travers l’analyse
et l’interprétation des textes de la tradition, de lier un instant
notre intelligence à celle de la Torah.
Mais un Dvar Torah peut
aussi être un éclairage sur une question
dont nous ressentons l’urgence. Une lumière permettant de prendre
la mesure d’évènements extraordinaires qui parsèment
notre existence.
Ainsi, certains des faits
de société d’aujourd’hui
peuvent trouver dans nos textes un certain écho. Il peut arriver qu’en
les lisant attentivement, nous ressentions, par rapport à ce qui se
passe en notre temps, une impression de « déjà dit ».
Dès lors, dès que nous sommes confrontés à un
texte de la Torah, en rapport avec un phénomène de société de
notre temps, il nous faut l’étudier scrupuleusement. Il nous faut
savoir comment il est perçu, mais aussi et surtout, comprendre comment
il est advenu, et comment il est donc possible d’agir sur lui.
LE COMBLE DE L’HORREUR
Le titre de cet article
: "Kamikazes, vous avez dit kamikazes…" laisse
bien sûr entendre que le Dvar Torah qui va suivre relève plus
de la seconde catégorie que de la première.
Réfléchissons un instant sur ce que certains appellent : "Un
phénomène de société d’un genre nouveau" ou
encore la marque d’une nouvelle époque. Une époque où le « suicide
pour tuer » est érigé en système de combat, pire
encore, en « acte de bravoure ».
Ainsi, remarquent certains
esprits bien-pensants : même si l’histoire
du siècle dernier a connu un phénomène portant le même
nom, il est évident qu’il est de nature fort différente
de celui que nous vivons actuellement. Le suicide des militaires japonais pendant
la seconde guerre mondiale était un acte de guerre cherchant à atteindre
un ennemi armé, menaçant l’intégrité et la
souveraineté nationales de leur pays.
En revanche, aujourd’hui nous sommes confrontés à des
individus se suicidant pour tuer des civils, sans chercher, ce faisant, à emporter
une quelconque victoire politique ou militaire. Ils savent que le gouvernement
israélien ne se pliera pas à leurs requêtes sous l’effet
de la violence. L’intention est donc de se faire tuer pour tuer. Nous
atteignons ici le comble de l’horreur.
Certes, cette attitude
n’est pas sans rappeler une période sombre
de l’histoire humaine, lorsque le meurtre des juifs était devenu « un
fait de société normal ». A la différence notable
qu’aujourd’hui des hommes se suicident pour atteindre cet objectif.
Et en cela nous avons affaire,
semble-t-il, « à quelque chose
d’humainement neuf ».
CE QU’EN
DIT LA TORAH
Mais en poussant encore
un peu l’analyse, nous constaterons que la Torah
a déjà pensé à ce genre d’attitude ; que
l’humanité a déjà connu des régimes politiques
se comportant de façon similaire.
Nous verrons que la Torah
l’attribue à des systèmes politiques
représentant le mal dans son essence la plus parfaite ; mais aussi et
surtout, qu’elle nous explique comment ce phénomène inhumain
et inacceptable apparaît. Et lorsque l’on sait comment le mal arrive,
on peut rêver de trouver le moyen de l’éradiquer.
Reprenons notre analyse
du phénomène dit aujourd’hui des
kamikazes et tentons de l’appréhender dans sa réalité la
plus objective.
Le monde, les médias, nous parlent d’enfants, de jeunes, « désespérés » ne
supportant plus d’être « humiliés » qui, en
désespoir de cause, décident de devenir des bombes humaines.
La réalité est, me semble-t-il, toute autre.
UN MONDE DE MORT PREMEDITEE
La préparation des kamikazes implique la mise en œuvre d’une
logistique de la mort. Les ceintures explosives ont été pensées
réfléchies et étudiées, afin d’être
les plus « efficaces possibles », les plus « discrètes
possibles » etc. Mais aussi afin d’être extrêmement
meurtrières.
De même, l’entraînement de ces bombes humaines, leur conditionnement
pour tuer ne peut se faire en un jour. Ceux-ci nécessitent une « formation »,
des locaux, des formateurs, une intendance pourvoyant aux besoins de ces fous
de la mort.
De plus, ces enfants bombes
humaines ne peuvent agir seuls, d’autres
ont dû repérer les lieux du futur attentat, réfléchir
et penser les dates, les heures, ainsi que l’impact politique et médiatique
de leur abominable forfait.
Il existe donc en ce monde,
une population ne vivant que pour préparer
le meurtre des enfants juifs mais aussi celui de ses propres enfants.
Une population dont la
seule occupation consiste dans la préparation à la
mort de leurs jeunes et des jeunes de ses voisins. La haine a atteint un stade
paroxystique et les mènent à massacrer leur peuple.
Phénomène
nouveau ? Non.
DEJA EN EGYPTE
Une attitude similaire
est décrite par un Midrash, cité par
Rachi dans son commentaire sur la Paracha de la semaine.
Revenons un instant sur
les premiers versets du livre de l’Exode. La
Torah y décrit l’importance de la croissance démographique
du peuple juif.
Elle explique qu’il « emplissait la terre ». Puis, elle
rapporte qu’un nouveau Roi occupa la fonction royale. Qu’il se
comporta comme s’il n’avait jamais entendu parler de Joseph. Puis,
qu’il fut pris d’une peur assez surprenante de voir ce peuple d’émigrés
s’associer à des armées étrangères pour le
chasser de son trône.
Le texte biblique continue
en disant que cette angoisse le poussa à trouver
les moyens qui empêcheraient à jamais cette éventualité de
se réaliser.
Le premier des moyens qui
lui vint à l’esprit fut de les asservir
en leur imposant un traitement inhumain. La Torah témoigne qu’il
n’arriva pas ainsi à ses fins. Plus il les oppressait, plus ils
se développaient.
L’échec de cette politique le poussa à la surenchère.
Il exigea des sages femmes juives, qu’elles mettent à mort tous
les nouveaux nés juifs mâles. De nouveau, cette entreprise déboucha
sur un échec. Les sages femmes désobéirent. Elles dirent
au Pharaon que les femmes juives n’avaient pas besoin d’elles,
qu’elles mettaient au monde leurs enfants dans les champs sans assistance
extérieure.
Semble-t-il excédé par les échecs successifs des mesures
qu’il prenait pour limiter le développement du peuple juif, le
Pharaon décida alors d’une nouvelle mesure.
La surenchère fut alors à son
comble.
La lettre de la Torah (Exode
1-22) nous indique la décision prise par
le Pharaon à ce moment-là :
« Pharaon ordonna à tout son peuple en disant : Vous jetterez
dans le Nil tous les enfants mâles qui naîtront ».
Cette décision est commentée par un Midrash cité par
Rachi. Le Midrash dit : « Ce décret fut pris aussi à l’encontre
de son propre peuple ». Pharaon décréta que tous les enfants
mâles qui naîtraient en Egypte le jour indiqué par ses devins
seraient mis à mort, qu’ils soient Hébreux ou Egyptiens.
Le verset dit : Tous les
enfants mâles. Il ne dit plus comme au préalable
: « Tous les enfants mâles qui naîtront chez les Hébreux. »
Le Midrash explique que
les devins du Pharaon avaient prédit que le
sauveur d’Israël devait naître un certain jour. Ils concédèrent
cependant, qu’ils ignoraient s’il appartiendrait à une famille
juive ou à une famille égyptienne. Face au doute, le Pharaon
décréta que tous les enfants mâles qui naîtraient
en ce jour seraient mis à mort.
Ce qui commença par une phobie injustifiée se transforma en
une entreprise meurtrière qui finit par se retourner contre le peuple
de celui qui l’avait mise en œuvre.
Le peuple juif semble,
aujourd’hui, sous l’effet d’un processus
similaire. Il est décrit par ses voisins comme un peuple impérialiste
et oppresseur, alors qu’il ne demande qu’à vivre en paix
avec eux. Cet axiome pousse ses ennemis à le combattre sans merci en
s’attaquant à son armée, mais aussi à sa population
civile.
Enfin, poussés par une surenchère dans la haine et la volonté de
destruction, ses protagonistes n’hésitent pas aujourd’hui à envoyer
leurs propres jeunes se faire tuer, dans les conditions les plus atroces, si
cela peut, dans le même temps, permettre le meurtre d’enfants juifs.
On a l’impression de revivre aujourd’hui la décision du
Pharaon qui, pour tuer le sauveur d’Israël, organisa le meurtre
d’un très grand nombre de ses propres enfants.
EN CONCLUSION
Cette comparaison
doit nous faire prendre conscience que nous avons affaire à un
comportement comparable à celui que subirent nos ancêtres en Egypte.
Régime qui, dans les textes de la tradition, est décrit comme
représentant le mal par excellence. Cette constatation doit être
pour nous le moyen d’un réveil, d’une prise de conscience
devant nous mener à ne jamais accepter ou s’accommoder d’une
situation de ce genre ; à ne jamais considérer que le terrorisme
est un fléau avec lequel on peut et on doit vivre. Il faut que nous
sachions que nous avons affaire au mal le plus parfait et qu’il faut
tout mettre en oeuvre pour le voire disparaître au plus vite.
Ainsi s’achève la première partie de cette article, nous
poursuivrons cette étude, avec l’aide de D.ieu, la semaine prochaine.