On se repère, on s’identifie, on se parle, on s’observe,
on se jauge, on se rencontre, on avance, on recule, on goûte, on reprend,
trois mois, six mois, un an et la suite de l’histoire vous la connaissez
sans doute: « je ne le sens pas... », « t’es trop bien
pour moi... » « il faut que je réfléchisse...».
Il y a un nouveau flop qui crée des bleus au cœur, le blues de
l’âme. Cette incapacité à s’engager, cette
difficulté à prendre une décision surtout pour ce qui
concerne notre vie affective, ces histoires qui avortent, ces rêves qui
volent en éclat, ces retours à la case départ avec un
goût amer en bouche et une question lancinante qui taraude notre esprit: « pourquoi ça
n’a pas marché ? ».
La notion d’engagement a ceci
de particulier qu’elle nécessite en premier lieu l’acceptation
du renoncement.
Ces mondes des possibles qui s’offrent à nous
aux visages variés dont la nouveauté parfois constitue la première
dimension attractive et auxquels il va falloir renoncer. Oui, c’est une
réalité incontournable : pour savoir choisir, il faut apprendre à renoncer.
Ce principe d’engagement n’arrive pas par hasard, il est avant
tout fruit d’une éducation dans laquelle la valeur d’une
parole a été établie. Dans le Traité de Baba Metsia,
nos maîtres nous enseignent avec quelle rigueur on regarde celui qui
n’est pas « omed bedibouro » c’est-à-dire celui
qui ne se tient pas littéralement « debout sur sa parole ».
Nos maîtres considèrent qu’une parole, une attitude sont
impliquantes même si au niveau juridique elles ne représentent
rien.
Lorsque je me retrouve face à une attitude qui semble signifier
un désir d’engagement de la part de l’Autre à mon égard,
je limite mon regard sur les autres possibilités et les autres rencontres
pour me focaliser sur ce que je crois être un devenir possible. La responsabilité de
celui ou de celle qui va être à l’origine de mon attitude
se trouve dès lors engagée. Il pourra donc être considéré comme
responsable de ma souffrance face à mon des-espoir. Mais, au fond, pourquoi
avons-nous tellement peur de nous engager ? En dehors du renoncement, c’est
souvent la multiplicité des échecs que nous retrouvons autour
de nous qui peut susciter de véritables peurs sur nos échecs éventuels.
L’angoisse du divorce nous guette presque dès que la bague a été passée
au doigt, et ce n'est pas ce que véhiculent différents films
et autres séries télévisées qui viendront nous
rassurer à ce sujet. Nous analyserons alors chaque faux pas dans la
relation comme étant un élément révélateur
d’une impossibilité de couple et qui justifiera nos décisions
de ne pas aller plus loin.
Une des questions que nous devrions nous poser à ce
moment là : « et si cet événement s’était
passé à l’intérieur du mariage, aurions-nous divorcé pour
autant ? ». Dans l’immense majorité des cas, la réponse
aurait été bien entendu « NON! ». Ce sont sans doute
les efforts nécessaires à régler les problèmes
qui nous font peur car le mot effort semble avoir totalement disparu de notre
vocabulaire.
Et si, au fond, la rencontre était vécue comme un
rendez-vous d’affaire ? Avec, dès le début, une vision
très claire sur l’objectif à atteindre? Cette rencontre
est là pour savoir si nous pouvons imaginer bâtir ensemble un
couple. S’arrêter et définir les critères de manière
objective, de manière réaliste, en commençant d’abord
par se regarder soi-même. Il est vrai que nous avons besoin d’être
séduit non par l’image de l’un par l’image de l’autre
mais avant tout l’un par l’autre. Se rappeler que le mieux est
l’ennemi du bien et que dans toute histoire de couple il y a forcément
des éléments sur lesquels nous devons faire l’impasse.
A nous de déterminer quels sont ces éléments sur lesquels
nous pouvons faire l’impasse et lesquels sont absolument nécessaire
POUR NOUS.
Je me rappelle encore de cette jeune fille bac+4 ne voulant pas
faire l’impasse sur un conjoint bac+6 qui, comme tout le monde le sait,
révèle…elle ne me l’a toujours pas dit. (Pour la
petite histoire, elle est mariée avec un bac+2 !). Je prends des risques… L’engagement
n’est pas là pour faire plaisir à sa mère ou à son
père qui, parfois, sans s’en rendre compte, peut empêcher
une histoire d’aboutir.
Leurs non-dits parfois éloquents mêlés à des
phrases du type « mais, tu fais ce que tu veux, mon fils !» sont
autant d’éléments bloquants dans une décision qui,
de toute façon, intègre une part d’irrationnel. Ce n’est
pas pour rien que le plus sage des hommes - le Roi Salomon - nous dit « al
ken ytpalel kol adam leet metso » qui peut se traduire par « c’est
pour cela que chaque individu devra prier à l’époque où il
désire (re)trouver sa moitié ».
Ces moments de prière nous permettent - si nous l’avons oublié -
de nous rappeler que ce qui construit l’harmonie dans un couple présent
ou en devenir, c’est la présence de la dimension spirituelle qui
est là pour donner au couple une dimension d’éternité.