«Combien grande est la Paix !».
(Midrach,
Béréchit
Rabba 38)
La Paracha de Noah met
en lumière les comportements négatifs
de l’humanité à deux époques distinctes. Evidemment,
au delà du simple récit historique, la Torah cherche à travers
ces « histoires » à enseigner des idées permettant à l’homme
de vivre sereinement sa relation à D.ieu et sa relation à son
prochain - qui d’ailleurs est une autre expression de la relation à D.ieu
- .
Nous étudierons le commentaire de Rachi sur ces textes. Il met en lumière
certaines idées fondatrices de la conscience juive.
Le premier des égarements de l’humanité fut celui des
hommes de la génération dite du « déluge ».
Le second, celui des hommes de la génération dite de la « tour
de Babel ».
Les textes de la Bible,
largement commentés par Rachi, sont particulièrement
prolixes pour expliquer le contenu des fautes commises.
LA VIOLENCE, CAUSE DU DELUGE
Concernant la génération du déluge, le Torah enseigne
que la révolte de l’humanité contre D.ieu était
certes idolâtre, mais qu’elle relevait surtout de la volonté de
vivre des mœurs délurées et de pratiquer le meurtre, le
vol et la loi du plus fort. Le texte de la Bible évoque clairement la
corruption de la terre et la multiplication des violences : « Or, la
terre s’était corrompue devant D.ieu et elle s’était
remplie de violence » (Genèse 6, 11). Ce que Rachi commente de
la sorte. La terre s’était corrompue : cela fait allusion aux
mauvaises mœurs et à l’idolâtrie. Elle s’était
remplie de violence : c’est le vol avec violence
Au verset 12, du même chapitre, la Torah laisse entendre que la perversion
des mœurs avait atteint des sommets inimaginables :« D.ieu considéra
que la terre était corrompue, toutes créatures ayant perverti
sa voie sur terre ». Rachi commente : Toutes créatures : Les bêtes
domestiques, les animaux sauvages et les oiseaux s’unissaient en dehors
de leur propre espèces.
Cependant, au verset 13,
D.ieu s’adresse à Noé et lui
annonce que la terre sera détruite, non pas en raison de la pratique
de l’idolâtrie ou du fait des mœurs insupportables des espèces
vivantes, mais à cause de la pratique du meurtre et de la violence par
les hommes contre les hommes : « Le terme de toutes les créatures
est arrivé à mes yeux, parce que la terre est remplie de violences
et je vais les détruire avec la terre ». Rachi remarque que ces
propos divins laissent entendre que : « Le verdict (de l’humanité en
ce temps) n’a été scellé qu’à cause
de la violence ».
Enfin, concernant les conséquences dramatiques des égarements
des hommes de cette génération, il n’est pas nécessaire
de citer l’ensemble des versets explicitant ce que fut la réalité du
déluge pour avoir une idée de son ampleur. Il suffit pour ce
faire de relire le commentaire de Rachi sur le mot hébraïque désignant
le déluge : le MABOUL : « Le mot MABOUL contient l’idée
de tout détruire (BILAH) et aussi l’idée de tout bouleverser
(BILBEL). De plus, tout a été déporté de haut en
bas (HOVIL)… Le déluge a tout submergé et a ramené l’arche à BABEL… » (Rachi,
Genèse 6, 17).
LE SALAIRE DE L’UNION
Abordons à présent la faute commise par les hommes de la génération
dite de « la tour de Babel ». Cette histoire est relatée
dans notre Paracha au début du onzième chapitre de la Genèse.
Cette rébellion était d’ordre « théologique ».
Au premier verset de ce chapitre la Torah enseigne : « Toute la terre
avait une même langue et des paroles semblables ». Au quatrième
: « Ils dirent : Allons bâtissons une ville et une tour dont le
sommet atteigne le ciel, faisons nous un nom pour ne pas nous disperser sur
la face de la terre ».
Rachi commente : Une même langue : La langue sainte. Des paroles semblables
: Un même dessein les animait tous. Ils disaient : D.ieu n’a pas
le droit de choisir pour Lui les mondes supérieurs. Montons au ciel
et faisans Lui « la guerre… » !!!!
L’humanité en ce temps refusait d’accepter l’ordre établi
par le Créateur pour sa Création.
Par ailleurs, Rachi remarque
que la faute des gens ce cette génération
fut aussi de ne pas avoir été capable d’être reconnaissant
envers leur Créateur pour les bienfaits qu’Il leur prodiguait.
A propos du verset « D.ieu
descendit sur la terre pour voir la ville et la tour que bâtissaient
les fils de l’homme ». Rachi commente
: Les fils de l’homme : Mais les fils de qui donc ? Sûrement pas
les fils des ânes et des chameaux ! En fait, il est question ici, des
fils d’Adam, le premier homme. Lui déjà, n’avait
pas su reconnaître les bienfaits de D.ieu, lorsqu’il dit : « C’est
la femme que Tu as mise auprès de moi qui… » (Genèse
3, 12) Eux également en se rebellant contre D.ieu reniaient le bienfait
qu’Il
leur avait fait en les sauvant du déluge.
Cette attitude de l’humanité mena D.ieu à faire cesser
l’unité de langage dont ils étaient gratifiés: « Allons…,
confondons leur langage, de sorte que l’un n’entende pas le langage
de l’autre » (Genèse 11, 7-8). Mais, elle fut aussi à l’origine
de ce dont les hommes de ce temps redoutaient le plus : D.ieu dispersa l’humanité sur
la surface de la terre.
D.ieu les dispersa de ce
lieu sur toute la face de la terre et les hommes renoncèrent à bâtir la ville. « C’est pourquoi,
on la nomma Babel, parce que le Seigneur confondit le langage de toute la terre
; et de là l’Eternel les dispersa sur toute la surface de la terre » (Genèse
11, 8-9).
Rachi explique qu’au delà de la simple dispersion géographique,
il est question ici de la privation du droit à leur part du monde futur. « Et
de là l’Eternel les dispersa : On en déduit qu’ils
n’ont pas eut droit à la vie future ».
L’étude des ces égarements poussa Rachi à la réflexion
suivante :
Mais voilà, quelle
est la faute la plus grave ?
La faute des hommes de
la génération du déluge ou celle
des hommes de la génération de la tour de Babel ?
Les premiers (les hommes
de la génération du déluge)
ne renièrent pas l’essentiel : la croyance en D.ieu ; les seconds
(les hommes de la génération de la tour de Babel) portèrent
atteinte au principe de la croyance en D.ieu en cherchant à mener une « guerre » contre
Lui.
Cette réflexion mena Rachi l’interrogation suivante : Pourquoi
la colère de D.ieu s’exprime-t-elle de façon plus forte à l’encontre
des hommes violents et débauchés qu’à l’encontre
de ceux qui veulent L’éradiquer de l’espace de l’humain
? En effet, le déluge est une conséquence plus dramatique encore
que la dispersion : Et voilà, ceux-ci (les hommes de la tour de Babel)
furent jugés, mais pas anéantis [ce qui fut le cas des hommes
de la génération du déluge].
Cela mena Rachi à la
conclusion qui suit :
« C’est que les hommes de la génération du déluge étaient
des voleurs et des brigands, se querellant les uns aux autres. C’est
pourquoi ils ont périrent. En revanche, ceux de la tour de Babel pratiquaient
entre eux l’amour et la fraternité. Ainsi qu’il est dit
: Un même langage et une même parole. [Ce qui les sauva]. »
Et Rachi finit son propos
en rappelant un texte du Talmud qui n’a pas
besoin d’être commenté :
« Tu apprends de là combien la division entre les hommes est
haïe de D.ieu et combien grande est la paix. »