Jules Verne fut longtemps
considéré comme un auteur pour la jeunesse. Il est aujourd’hui
reconnu comme un grand écrivain.
Visionnaire pour certains, Maçon pour d’autres (
Voyage au centre
de la terre, Michel Strogoff), membre d’une société
secrète (
les Polaires) dont une sentence résume son œuvre
: « Cher lecteur, si tu lis les romans de Jules Verne : cherche et trouve
».
Tous les romans de Jules Verne, comme ceux de Maurice Leblanc,Gaston Leroux
et autres romanciers du XIXème siècle sont truffés de codages,
d’anagrammes, de rébus qui sont des indications (sinon des pistes)
sur un certains nombre de secrets liés à l’histoire de France.
Nous laissons aux lecteurs le soin de se retrouver dans ces labyrinthes et nous
allons nous intéresser à un aspect méconnu de l’écrivain
: a-t-il été un chantre (conscient ou non) de l’antisémitisme
?
A première vue, pourquoi avoir une telle pensée ?
D’abord à cause d’un portrait, celui du juif Hakhabut dans
le roman
Hector Servadac :
« Petit, malingre (…) le nez busqué, la barbiche jaunâtre
(…) les pieds grands,les mains longues et crochues (…) il offrait
ce type si commun du juif allemand, reconnaissable entre tous. »
Antisémitisme primaire, me direz-vous, mais rien de bien original pour
un écrivain du XIXème siècle. Mais ce roman n’est
pas un îlot isolé dans l’œuvre vernienne et dans la
plupart de ses romans figure une attaque, si petite soit-elle.
Que peut-on penser de cela ?
Il faudrait remonter le temps et se mettre dans l’esprit d’un individu
du XIXème siècle, à cette époque (jusqu’à
aujourd’hui) le juif est assimilé à l’amour de l’argent
; le mot usurier, financier équivaut pour beaucoup au mot juif, comme
le montre la monographie du Grand Larousse de 1873 (soit quatre ans avant Hector
Servadac).
Que firent donc nos coreligionnaires de cette époque pour lutter contre
ce phénomène ?
Le grand Rabbin de Paris, Zadoc Kahn, écrivit une lettre mémorable
à Jules Verne et à son éditeur Hetzel, s’insurgeant
contre la caricature éhontée du juif :
« Je crains bien que pour le lecteur de Mr Jules Verne, le juif même
le plus honnête et le plus désintéressé ne reste
toujours une espèce de Isac Hakhabut »
Dans sa réponse au Grand Rabbin, Hetzel et Jules Verne essayèrent
de calmer le jeu en apparence, mais une lettre de Hetzel à son fils (correspondance
- 06/77 - p187) accable l’auteur !
Il est vrai qu’à l’époque, tout intellectuel, athée,
républicain et pseudo libéral se doit d’être un tant
soit peu antisémite ; même Emile Zola, défenseur du capitaine
Dreyfus (J’accuse), raconte dans son roman L’argent comment
un banquier chrétien s’est trouvé ruiné par un financier
juif :
« Il y avait là (…) toute une juiverie malpropre, des
profils desséchés d’oiseaux voraces (…) une réunion
de nez typiques ».
Les récentes éditions ont beau nous dire que ces propos ne reflètent
pas la pensée de l’auteur, il n’y a pas de fumée sans
feu, la métaphore culturelle est belle et bien là, le juif est
indissociable de la notion d’argent et donc il est l’ennemi à
la fois de la droite et de la gauche anti-capitaliste !
Et Jules Verne persiste et signe. Dans Claudius Bombarnac ne déclare-t-il
pas :
« Beaucoup de Juifs qui ferment leurs habits de droite à gauche,
comme ils écrivent ; le contraire des races aryennes… »
Jules Verne, qu’on le veuille ou non fut antisémite, ses caricatures
faites de clichés ont amené une partie de ses jeunes lecteurs
à diaboliser le juif.
Ainsi, après avoir attaqué le juif comme étranger, comme
anti-chrétien, on l’a attaqué au XIXème siècle
comment fauteur de trouble économique !
« Si l’antisémitisme économique doit être
regardé comme une expression des luttes intestines du capital, il ne
faut pas perdre de vue qu’il est aussi une manifestation de l’opposition
du capital national et du capital étranger ».
L’antisémitisme, Bernard Lazare
Sources:
- M. Lamy,
Jules Verne
- A. Schreyer, Jules Verne et Arsène Lupin
- L. Boia, Jules Verne : paradoxes du mythe
- Bernard Lazare, L’antisémitisme
- Jules Verne, Hector Servadac