Les versets
(10) Si tu as consenti à ton prochain un emprunt
quelconque, tu n'entreras pas chez lui pour saisir son gage :
(11) Tu resteras dehors et l'homme à qui tu prêtes
t'apportera le gage au dehors :
(12) Si c'est un pauvre, tu ne te coucheras pas avec son
gage :
(13) Tu le lui rendras au coucher du soleil et il couchera
dans sa couverture et te bénira, et pour toi, ce sera une bonne action
aux yeux du Seigneur :
Explications de Rachi
(en gras la reprise du verset)
Si tu as consenti (10) . Si
tu assujettis ton prochain à une obligation par mashat méouma
un emprunt quelconque. tu
ne te coucheras pas avec son gage (12) . Tu
n'iras pas te coucher en gardant son gage chez toi.
au coucher du soleil (13).
Si c'est un vêtement de nuit. Si c'est
un vêtement de jour, rends-le-lui le matin. Il a déjà été
prescrit dans la Sidra de Michpatim: « jusqu'au coucher du soleil tu le
lui rendras » (Ex XXII, 25), tu le lui rendras toute la journée
et au coucher du soleil tu le lui reprendras.
et te beniras (13)
. Et
même si il ne te bénit pas, de toute façon, pour toi cela
sera une bonne action.
Eclaircissement
(10) Si tu as consenti. Rachi explique
les mots « Si tu as consenti à ton prochain un emprunt quelconque
» comme signifiant que ton prochain te doit une petite somme d'argent.«
Quelconque », méouma en hébreu, veut dire «
rien », c'est-à-dire ici une très petite dette.
(12) Tu ne te coucheras pas avec son gage.
Le mot avote, utilisé dans le verset, est synonyme de machkone
: il signifie « gage ». Il s'agit d'un objet que le créancier
reçoit du débiteur en garantie du remboursement. A la simple lecture
du verset, « tu ne te coucheras pas avec son gage », on aurait pu
croire que la Thora interdit seulement de se servir du gage. Ce n'est pas le
cas, dit Rachi : le verset vient prohiber le maintien du gage entre les mains
du créancier, si le gage est un vêtement de nuit et que le débiteur
est pauvre. La suite du texte impose cette signification.
(13) Au coucher du soleil. Deux versets
semblables imposent de restituer le gage : l'un se trouve dans la paracha Michpatim,
« jusqu'au coucher du soleil tu le lui rendras », et l'autre dans
notre paracha, « tu le lui rendras au coucher du soleil ». Rachi
explique la différence de formulation entre les deux versets. Le premier,
dans Michpatim, traite d'un vêtement de jour qu'il faut rendre au débiteur
pauvre le matin afin qu'il s'en couvre « jusqu'au coucher du soleil ».
Le second, dans notre paracha, traite d'un vêtement de nuit qu'il faut
rendre au débiteur pauvre « au coucher du soleil » afin qu'il
s'en couvre la nuit.
Questionnement
(10) Si tu as consenti.
Il faut comprendre Des employés ou ouvriers, etc., c'est-à-dire
pas seulement le remboursement des prêts.
D'après eux, l'enseignement de Rachi est clair : nous pourrions croire
que l'obligation de rester dehors et l'interdiction de passer la nuit avec le
gage ne portent que sur une dette liée à un prêt et ceci
parce que le créancier, en prêtant, a accepté de prendre
un certain risque. Mais que dans le cas de dettes ayant une autre origine il
n'y aurait pas lieu d'avoir pitié du débiteur. Rachi viendrait
nous dire que c'est faux, car le verset porte sur toutes les formes de dettes,
sans distinction d'origine.
Proposons une autre explication qui semble plus proche de l'intention de Rachi.
Il précise que le tribunal peut prendre un gage même si la dette
paraît insignifiante. Il nous enseigne par là qu'il incombe à
l'homme de s'acquitter de toutes ses obligations, grandes ou petites.
(13) au coucher du soleil. On peut
se demander à quoi sert de prendre un gage s'il faut le restituer dès
lors que le débiteur en a besoin.
Deux réponses peuvent être proposées :
1. C'est une manière de faire pression sur le débiteur, qui doit
se séparer de son vêtement et le remettre au créancier ;
2. Il s'agit d'un emprunteur pauvre, qui n'a aucune garantie à proposer.
Le créancier devrait en fait le laisser tranquille. Il est toutefois
difficile de demander à quelqu'un de renoncer à l'argent qui lui
est dû. C'est pourquoi il est autorisé à prendre un gage,
mais en même temps les conditions sont telles (le rendre, le reprendre
et recommencer chaque jour) qu'il devrait finir par y renoncer.
Il faut expliquer aussi pourquoi
nous avons besoin de deux versets, l'un pour le vêtement de jour et l'autre
pour le vêtement de nuit. L'on peut suggérer qu'il est impossible
de déduire l'un de l'autre. Etant donné qu'on peut se couvrir
la nuit aussi avec un vêtement de jour, si le verset n'avait parlé
que de ce dernier, on aurait pu croire qu'on est pas obligé de restituer
le vêtement de nuit. Et si le verset n'avait parlé que du vêtement
de nuit, on aurait pu croire qu'il n'était pas du tout permis de prendre
en gage le vêtement de jour.
(13) et te bénira. Lorsqu'on
a bien agi envers son prochain, on n'en reçoit pas toujours les marques
de gratitude qui conviendraient. Rachi nous aprend à ne pas y attacher
trop d'importance: ce qui compte, c'est d'avoir fait ce que l'on devait faire.
Ce court passage est
extrait de l'ouvrage "Les Lumières de RACHI", du Rav Shaoul
David Botschko, paru aux Editions Bibliophane.