Le livre de l'Exode se clôture avec la construction du Tabernacle dans
le désert.
L'inauguration du Tabernacle, et
surtout la présence de la Shekhina
en son sein, sont le signe des "retrouvailles" entre l'Eternel et
le peuple Juif au lendemain de la tragédie du veau d'or. La révélation
au Sinaï, événement exceptionnel, s'institutionnalise avec
la construction du Tabernacle. Na'hmanide explique le secret profond du Tabernacle
de la façon suivante: la présence de D-ieu qui a plané au
Mont Sinaï, se manifestera désormais en permanence dans le Tabernacle.
La Torah décrit, dans les derniers versets de la parasha, l'achèvement
du Tabernacle:
Il érigea le parvis autour du tabernacle et de l'autel; il mit le rideau
de la porte du parvis et Moïse acheva le travail. La nuée couvrit
la tente d'assignation et la Gloire de l'Eternel emplit le Tabernacle. Et Moïse
ne pouvait pas entrer dans la tente d'assignation car la nuée résidait
sur elle et la Gloire de l'Eternel emplissait le Tabernacle. Et lorsque la
nuée s'élevait de dessus le Tabernacle, les enfants d'Israël
voyageaient pour tous leurs voyages. Et si la nuée ne s'élevait
pas, ils ne voyageaient pas jusqu'au jour où elle s'élevait.
Car la nuée de l'Eternel était sur le Tabernacle pendant le jour
et un feu était sur lui pendant la nuit aux yeux de toute la maison
d'Israël dans tous leurs voyages. (Exode 40: 33-38)
La gloire de D-ieu remplissait l'édifice. C'était certainement
perçu par le peuple comme un signe de protection divine. D-ieu était
avec le peuple, Sa Présence était palpable.
On retrouve une description semblable
lors de l'achèvement du "Mishkane permanent", le
Temple de Jerusalem:
Lorsque Salomon
eut terminé sa prière, le feu descendit du ciel,
consuma l'holocauste et les (autres) sacrifices, et la Gloire de l'Eternel
remplit la Maison. Les prêtres ne purent entrer dans la Maison du Seigneur,
parce que la Majesté Divine remplissait cette Maison du Seigneur. Tous
les enfants d'Israël, à la vue du feu descendu du ciel et de la
Gloire de l'Eternel reposant sur la Maison, se mirent à genoux sur les
dalles, la face contre terre, se prosternèrent et rendirent hommage
au Seigneur (en chantant): "Car Il est Bon, car Sa Gloire est éternelle!" (Chroniques
II, 7: 1-3)
Il n'y avait dans l'arche que les deux tables de pierre,
que Moïse y déposa à Horeb,
alors que L'Eternel conclut un pacte avec le peuple d'Israël, quand ils
sont sortis du pays d'Egypte. Or, lorsque les prêtres sortirent du lieu
saint, une nuée remplit la Maison du Seigneur, et les prêtres
ne purent s'y tenir pour faire leur service, à cause de la nuée,
car la Majesté Divine remplissait la Maison du Seigneur. Alors, Salomon
dit: "l'Eternel a promis de résider dans cette brume; c'est pour
Toi, Eternel, que j'ai bâti cette demeure; elle sera à jamais
le siège de Ta résidence." (Rois I, 8: 9-13)
UN MODÈLE
On retrouve donc le même "scénario". L'homme tend vers
D-ieu d'ici-bas, et exécute la Parole de D-ieu en construisant le Tabernacle/Temple.
La réponse divine est de remplir l'édifice terrestre d'un peu
de céleste. La même nuée divine qui planait au-dessus de
la montagne pendant la révélation au Sinaï était
maintenant à Jérusalem.
Les deux textes parlent de l'incapacité de l'homme à entrer
dans l'édifice qui vient d'être terminé. Le Talmud s'interroge à ce
sujet en présentant un passage "contradictoire":
Rabbi Zerika posa
une question au sujet de la contradiction des passages de l'Ecriture
en présence de Rabbi Eléazar, ou, selon une autre
version, il a posé la question au nom de Rabbi Eléazar. Un passage
dit: "Et Moïse ne pouvait pas entrer dans la tente d'Assignation
car la nuée résidait sur elle".. tandis qu'un autre verset
dit: "Et Moïse entra au milieu de la nuée". Cela nous
enseigne que le Saint Béni soit-Il, saisit Moïse et le
fit entrer dans le nuage. (Yoma 4b)
La sainteté du lieu était si grande que l'homme était
incapable d'y entrer. D-ieu Lui-même dut "prendre l'homme par la
main" pour le conduire à l'intérieur. Le Zohar décrit
l'essence de la nuée comme un reliquat de la lumière originelle
qui avait disparu il y a bien longtemps:
Le jour où le Tabernacle a été érigé sur
Terre, que lisons-nous à son sujet? 'Et Moïse ne pouvait pas entrer
dans la Tente d'Assignation car la nuée résidait sur elle' (Exode
40: 35). Quelle était cette nuée? C'était un rayon de
la lumière originelle. Après le premier jour de la Création,
elle n'a plus jamais éclairé, mais elle avait une fonction: renouveler
chaque jour le travail de création (la création du
monde). (Exode 149a de Zohar).
Cette description renforce l'idée que le Livre de l'Exode est un nouveau
commencement, une nouvelle création. Le Livre de la Genèse commence
par le retentissant "Que la lumière soit", mais la lumière
est rapidement obscurcie par les échecs de l'homme. Maintenant, à la
fin du livre de l'Exode, l'acte final de D-ieu est en un sens le même
acte que celui qui a inauguré La Genèse toutes ces années
auparavant.
UN MODÈLE BRISÉ
Une troisième occasion s'est offerte pour que l'homme construise de
nouveau un édifice dans le but d'y abriter, d'y recevoir l'essence Divine.
La scène, dont la description semble quelque peu différente des
deux premières, se déroule à la fin de l'exil, entre le
Premier et le Deuxième Temple. Conduit par Ezra et Zeroubavel, le peuple
construit le Temple à nouveau:
Le Temple fut terminé le troisième jour du mois d'Adar, dans
la sixième année du règne du roi Darius. Et les enfants
d'Israël, les prêtres, les Lévites, et tous ceux qui étaient
revenus de l'exil procédèrent avec allégresse à l'inauguration
du Temple de D-ieu. Ils offrirent, pour cette inauguration du Temple de D-ieu,
cent taureaux, deux cents béliers, quatre cents agneaux et douze boucs
comme sacrifices expiatoires pour tout Israël, selon le nombre des tribus
d'Israël. On préposa au service de D-ieu à Jerusalem les
prêtres d'après leurs divisions, et les Lévites d'après
leur classement, conformément aux prescriptions du Livre de Moïse.
Les (anciens) exilés célébrèrent la Pâque
le quatorzième jour du premier mois; car les prêtres et les Lévites
s'étaient purifiés simultanément, ils étaient tous
purs. Ils immolèrent le sacrifice pascal pour tous les (anciens) exilés
ainsi que pour leurs frères, les prêtres, et pour eux-mêmes.
Les enfants d'Israël revenus de l'exil en mangèrent; de même
tous ceux qui s'étaient détachés des souillures des autres
populations du pays et (ralliés) à eux, pour rechercher l'Eternel,
D-ieu d'Israël. Ils célébrèrent joyeusement la fête
des azymes durant sept jours, car l'Eternel leur avait donné de la joie
en disposant, en leur faveur, le coeur du roi d'Assyrie, de façon à les
seconder dans les travaux du Temple de D-ieu, D-ieu d'Israël.
(Ezra 6: 15-22)
La description semble glorieuse,
le Temple est reconstruit! Les espoirs, les aspirations et les rêves qu'avait gardés le peuple en exil se
réalisaient enfin. Néanmoins, un élément fait défaut
dans cette description: où est la réponse divine? Où est
la nuée, l'expression céleste symbolisant le retour de la présence
divine remplissant l'Edifice? Le silence des versets nous abasourdit.
ABSENCE DE LA GLOIRE DE D-IEU
Il y avait un problème avec ce nouveau Temple. La plupart des exilés
ont choisi de ne pas revenir et de ne pas prendre part à cet évènement
historique. Ils ont choisi de rester en exil. D'après Resh Lakish, un
sage du Talmud (Yoma 9b), la Présence Divine n'était pas manifeste
dans le Deuxième Temple, car la majorité des Juifs n'ont pas
souhaité revenir et participer à la construction du Temple et
par là même, à la reconquête de la Terre tout entière.
Il y avait quelque chose de bancal dans les fondations de ce Temple. Cette
insuffisance s'est ressentie au moment de la construction des fondations:
Lorsque les maçons construisirent les fondations du Sanctuaire de l'Eternel,
les prêtres revêtus de leurs habits (pontificaux) vinrent devant
avec des trompettes, les Lévites fils d'Assaph, avec des cymbales, pour
louer l'Eternel par les cantiques de David, roi d'Israël. Ils entonnèrent
des hymnes et des Actions de Grâces en l'honneur de l'Eternel, (chantant) "car
Il est Bon, car Sa bienfaisance s'étend sur Israël". Et tout
le peuple poussait de grandes acclamations, au moment où l'on rendait
gloire à l'Eternel pour la fondation de Son Temple. Mais beaucoup de
prêtres, de Lévites et de chefs de famille, avancés en âge,
qui avaient encore vu l'ancien Temple, lorsqu'ils furent témoins de
la fondation de ce (nouveau) temple, pleurèrent abondamment tandis que
beaucoup d'autres faisaient retentir des cris de triomphe et de joie. Les gens
ne pouvaient distinguer les clameurs joyeuses des sanglots bruyants du peuple;
car le peuple poussait de grands cris, dont l'écho se faisait
entendre au loin. (Ezra 3: 10-13)
Le peuple est galvanisé par l'euphorie qui accompagne la pose des premières
pierres. Cependant, les aînés ont perçu une imperfection,
il manquait quelque chose: où était le nuage? Où était
la gloire divine? Où était la Shekhina? Il semble que le deuxième
Temple n'a jamais atteint la stature spirituelle du premier Temple ou du Tabernacle.
'HANOUKAH
Le deuxième Temple n'a pas une "carrière" merveilleuse.
Peu de temps après avoir été construit, les Grecs l'envahissent
et le souillent. Aucun objet n'a été épargné hormis
une petite fiole d'huile. L'histoire est bien connue.
Pourquoi (célèbre-t-on) 'Hanouka? Parce que nos maîtres
ont enseigné: Le vingt-cinq Kislev (commencent) les jours de 'Hanouka,
qui sont au nombre de huit, et durant lesquels la lamentation pour les morts
et le jeûne sont interdits. Car lorsque les Grecs sont entrés
dans le Temple, ils ont souillé toutes les huiles qui s'y trouvaient,
et lorsque la dynastie Hasmonéenne les a combattus et vaincus, ils ont
cherché et n'ont trouvé qu'une fiole d'huile qui avait gardé le
scellé du Grand Prêtre, mais qui contenait une quantité d'huile
suffisante pour n'éclairer qu'un jour seulement. Pourtant, un miracle
se produisit et on alluma (la Ménorah, avec l'huile de cette fiole)
durant huit jours. En une autre année ces (jours) ont été fixés
comme une fête avec récitation du Hallel et Actions de grâce.
(Shabbat 21b)
Rav Soloveitchik a remarqué que la phrase de conclusion de ce passage
a une tournure intéressante: "En une autre année." Sur
le moment, le peuple n'a pas réalisé la signification des événements
dont il avait été témoin. C'est souvent le cas; nous avons
des difficultés à analyser "l'actualité". Parfois
nous avons besoin de distance afin d'apprécier les évènements
historiques.
Les rabbins se sont finalement rendu
compte que les événements
de 'Hanouka devaient être célébrés. Que devait-on
fêter? La bataille militaire? Sûrement pas, car cette bataille
contenait un mauvais germe: elle a débuté par un conflit fratricide,
une véritable guerre civile. Une guerre civile peut être gagnée,
mais ne peut pas être célébrée. Le miracle des lumières,
lui, était différent. Il a suscité au sein du peuple une
réponse différente: peut-être qu'un peu de cette lumière
divine qui avait été absente pendant les premières cent
années du deuxième Temple était finalement descendue.
CONSÉCRATION
Maintenant, nous pouvons également comprendre le nom donné à cette
fête: 'Hanouka, qui signifie consécration (ou inauguration). C'était
la consécration du deuxième Temple, parce que c'est seulement à ce
moment que la lumière originelle, qui avait disparu le tout premier
jour de la création, était revenue dans le Temple pour briller
avec éclat durant huit jours. La Shekhina était manifeste. D-ieu était
parmi eux, Sa présence de nouveau palpable.
Il est intéressant que cette lumière remonte au premier jour
de la création. Le deuxième jour, la puissance de la discorde
est apparue:
Pourquoi (l'expression) "c'était bien" n'est pas mentionné le
deuxième jour? Rabbi Yo'hanan a expliqué au nom de Rabbi Yossi
ben Rabbi 'Halafta: "car ce jour le Gehinam (enfer) a été créé..." Rabbi
'Hanina a dit: "parce que ce jour le schisme est entré dans le
monde, comme il est écrit: (et D-ieu dit: "qu'il y ait un firmament
au milieu des eaux, et) que soient divisées les eaux des eaux"."(Midrash Rabbah
- Béréshit 4: 6)
Discorde, combat et meurtre éloignent la Shekhina. Peut-être
que les conséquences de la débâcle de 'Hanouka, la tentative
d'introduction de l'Hélénisme dans la vie juive avec le combat
douloureux qui s'en est suivi, ont conduit les juifs à s'unir pour la
paix. Le deuxième Temple a perduré jusqu'au jour où la
haine est devenue règle de vie. La discorde a entraîné la
chute du Temple et l'exil de la Shekhina. Toutefois, cette lumière divine
existe encore.
UN RAYON DE LUMIÈRE
Le passage du Zohar cité précédemment parle d'un rayon
de cette lumière qui est toujours accessible:
D'ailleurs, lorsqu'on étudie la Torah la nuit, un petit fil de cette
lumière cachée vient en bas et se fixe sur ceux qui sont absorbés
dans leur étude, comme il est écrit: L'Eternel ordonnera Sa bonté le
jour, et la nuit Son chant est avec moi (Psaumes 42: 9) (Zohar Exode 149a)
Etudier la Torah spécifiquement la nuit, qui symbolise le moment où les
gens pleurent la destruction du Temple, a pour effet de faire revenir cette
lumière ici-bas. D'ailleurs, le comportement de l'homme peut raviver
l'éclat de cette lumière divine ou au contraire la faire disparaître.
Un jour, toutefois, cette lumière brillera à nouveau de tout
son éclat:
"
Alors la nuée recouvrait la tente d'assignation"... Ce par quoi
la Shekhina résidait sur Terre, et l'esprit mauvais, qui désignait "la
fin de toute chair," disparut du monde et se retrouva dans la caverne
du grand abîme. L'Esprit Saint reposait ainsi sur le monde entier, comme
L'Ecriture le dit: "Alors la nuée recouvrait la tente d'Assignation".
De plus, il est écrit: "Et Moïse ne pouvait pas entrer dans
la tente d'Assignation, parce que la nuée se trouvait au-dessus".
En d'autres termes, parce que l'Esprit Saint planait au-dessus du monde et
que l'esprit impur avait disparu. Les Mauvais, cependant, l'ont réintroduit
dans le monde, et si ce n'était pour eux, il aurait définitivement
disparu. Mais dans les jours à venir, le Saint Béni soit-Il,
le chassera définitivement du monde comme l'Ecriture dit: "A jamais
Il anéantira la mort, et ainsi le D-ieu Eternel fera sécher les
larmes sur tout visage et disparaître sur toute la Terre l'opprobre de
Son peuple: c'est l'Eternel qui a parlé" (Isaïe 25: 8) ; aussi, "et
l'esprit d'impureté, Je le ferai disparaître du pays" (Zekhariah
13: 3). Béni soit l'Eternel pour toujours. Amen et amen. "Le Seigneur
régnera à jamais". (Zohar Exode 269a)