Immédiatement après le déluge, au moment précis où
le Créateur conclut une alliance avec Noé et lui fit la promesse
solennelle de ne plus jamais déchaîner le déluge sur la terre,
le Tout-Puissant fit apparaître un arc lumineux dans le ciel, en symbole
du traité qu'Il venait de conclure avec les hommes.
Si, de nos jours, nous récitons la bénédiction « Zokhère
haBrith » dès que nous apercevons l'arc-en-ciel, c'est en souvenir
de cet événement et pour rendre hommage à Dieu, qui se souvient
de la parole donnée et veille à ce qu'elle soit respectée.
On sait aujourd'hui ce qu'est l'arc-en-ciel, quoique pendant longtemps ce fut
considéré comme un phénomène des plus énigmatiques
de la nature.
Il apparaît rarement, mais d'habitude après la pluie ou à
la fin de la pluie, à un moment où une partie du ciel est encore
couvert de nuages. Les rayons du soleil traversent le rideau de pluie, dont les
gouttelettes agissent comme autant de prismes, décomposant la lumière
blanche, par réfraction en palier, en ses sept composantes fondamentales.
C'est, en effet, malgré les apparences, de sept couleurs intimement fondues
que se compose la lumière blanche. Lorsqu'un rayon de soleil tombe sur
un prisme (pièce en verre à facettes polies et d'épaisseur
variable), il se réfracte au passage et la déviation que subissent
ses composantes est plus ou moins prononcée, selon la couleur. Ainsi, le
rayon blanc incident sort-il du prisme en éventail, toutes les couleurs
composantes se situant, chacune à un point précis de cet éventail.
La longueur d'onde du rouge subit la moindre réfraction, passant pratiquement
en ligne droite ; la longueur d'onde du violet, par contre, subit la plus forte
réfraction et se trouve déviée très à droite
ou très à gauche, selon la matière dont est fait le prisme.
C'est la raison qui explique la présence, dans l'arc-en ciel, du rouge
par-dessus et du violet par-dessous.
On peut créer artificielement le même phénomène en
miniature. Il y suffit d'un jet d'eau ou d'une fontaine. On se tient le dos au
soleil et l'on regarde les reflets de lumière dans la fine « poussière
d'eau ». Un arc-en-ciel est en permanence visible dans les Chutes du Niagara,
les jours de grand soleil. En se réflétant dans les eaux que leur
chute brise en une véritable poussière de gouttelet-tes, la lumière
solaire y reconstitue le phénomène céleste. Le pont d'où
l'on observe le mieux ce spectacle châtoyant se nomme, pour cette raison,
« le pont de l'arc-en-ciel ». (Bien entendu, il n'y a pas lieu de
réciter une bénédiction sur un arc-en-ciel de cette nature).
Celui qu'on aperçoit au ciel, arqué et riche de couleurs, est vraiment
un splendide spectacle. Mais la première idée qu'il suggère
au juif croyant, c'est, naturellement, le souvenir du déluge.
Nous avons déjà vu que sa première manifestation remonte
à la fin du déluge. Pourquoi n'est-il pas apparu auparavant ?
C'est que le déluge avait apporté au monde une profonde transformation.
Quarante jours durant la destruction avait sévi, les eaux avaient surgi
du ciel et jailli du sol, recouvrant toute la terre ; puis, une année s'était
passée avant que les eaux ne fussent évaporées et que la
terre n’eût retrouvé sa consistance normale. Hommes et bêtes
et oiseaux avaient trouvé la mort dans le cataclysme, à la seule
exception de Noé et des siens, ainsi que des bêtes, volatiles et
insectes, qui avaient trouvé refuge dans son arche.
Une évolution qui aurait requis normalement des millions d'années, s'était effectuée en un tournemain sous le coup du cataclysme.
Avant le déluge, tout, sur la
terre, était démesuré : les hommes étaient de taille
gigantesque, et ainsi avaient été les animaux. La nature toute entière
s'était montrée sauvage dans son exubérante jeunesse. Avec
le déluge tout cela avait subi de profondes modifications. Les géants
avaient disparu (à l'exception d'Og, roi de Bachane) ; les créatures
gigantesques les avaient suivis dans la mort, ne laissant que ces impressionnants
squelettes que l'on peut admirer de nos jours dans les musées d'Histoire
Naturelle.
Toute la nature avait pris un nouveau départ, mais purifiée et anoblie.
Une évolution qui aurait requis normalement des millions d'années,
s'était effectuée en un tournemain sous le coup du cataclysme.
La même transformation s'était produite dans le domaine de la météorologie.
Lorsqe avant le déluge, des nuages assombrissaient l'horizon, ils étaient
d'une épaisseur à faire peur, pas un rayon de lumière ne
pouvait plus les traverser. Dans ces conditions, évidem-ment, un arc-en-ciel
était alors un phénomène impensable. Après le déluge,
il apparut, lors de l'Alliance de Dieu avec Noé. Il fut déclaré
alors que, durant toute l'existence du monde, il n'y aurait plus jamais de déluge.
Il se produit certes, encore, des catastrophes naturelles d'une grande ampleur
: des tremblements de terre, des pluies « diluviennes », des inondations.
Elles n'intéressent, toujours, que des parties limitées de la planète.
Une catastrophe cosmique qui touchât le monde entier comme ce fut le cas
dans celle que connut Noé ne s’est plus jamais produite.
Nous, juifs, éprouvons un sentiment de remords, lorsque nous apercevons
l'arc-en-ciel, parce qu'il nous souvient alors du déluge et de l'alliance.
Si celle-ci n'avait pas été conclue, qui sait si, à certaines
époques de l'histoire, la terrifiante catastrophe ne se fût pas répétée.
D'un autre côté, il y a eu des époques où, nous relatent
nos Sages, l'on ne vit pas l'arc-en-ciel durant toute la vie de tel juste ou de
tel Tanna. Car leur existence protégeait le monde, sans que le Tout-Puissant
eût besoin de l'arc-en-ciel pour rappeler aux hommes le déluge.
Parmi les Justes qui remplirent un tel rôle cosmique, figura Rabbi Chimon
bar Yo'haï, l'auteur du Zohar (c'est la raison pour laquelle, à Lag-Baomère
- le jour de son anniversaire, nos enfants se livrent à des jeux avec arcs
et flèches). Il est rapporté que du vivant aussi de Rabbi Josué
ben Lévi, l'arc-en-ciel ne parut pas.