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Rachi :  Une introduction à son oeuvreCette semaine sont lancées les commémorations nationales dans le cadre du 900ème anniversaire de la disparition de Rachi, avec l’inauguration d’une exposition itinérante et l’impression d’un timbre à l’effigie du grand maître français. Mais qui était Rachi ? Que savons-nous de sa vie, de son œuvre ?
On sait peu de choses de la vie de Rachi car il s'est dissimulé derrière son oeuvre, et il a fallu la science moderne pour débarrasser son histoire des légendes qui l'avaient illustrée.

Jusqu'à Léopold Zunz (1794-1886), qui a renouvelé en général la science historique et littéraire juive, il ne courait sur Rachi que des contes apologétiques et quasi-mythologiques.

Ainsi, on a longtemps montré à Worms (qui se prétendait sa patrie) le retrait providentiel d'un mur qui, s'effaçant tout à coup, aurait permis à sa mère enceinte d'échapper aux roues dune voiture, etc...

L'erreur principale était celle qui portait sur son nom. D'après l'identité d'autres personnages, on avait interprété le sigle de son nom par Rabbi Salomon Yarhi, de Yaréa'h, « lune», et on l'avait fait natif de Lunel. Il est à présent définitivement établi que son nom répond à l'abréviation de Rabbi Salomon Isaacide.

On sait qu'il était de Troyes et que son activité s'est surtout manifestée à partir de cette ville, malgré les prétentions contraires et divergentes qui ont long-temps prévalu et qui l'ont ramenée en Provence ou en Allemagne. Un de ses responsa est signé Salomon de Troyes. C'est de Troyes que son école a rayonné et c'est dans les villes voisines (Ramerupt, Dampierre) qu'il a recruté ses élèves, et c'est là que ceux-ci iront à leur tour essaimer. Mais il avait fait des études principalement dans la vallée du Rhin. Rachi passa sans doute à Worms de 1055 à 1065, et quelque temps à Mayence. On connaît, en effet, le nom de ses maîtres qu'il cite fréquemment avec vénération. Tous étaient à des titres divers des disciples de Gerchom ben Juda, la Lumière de l'Exil (Méor Hagolah), né à Metz en 900 et mort en 1040 (?) à Mayence.

SES SOURCES

Rachi ne cite pas un très grand nombre d'ouvrages, mais on recueille cependant dans un texte si long une moisson de titres qui n'est pas négligeable. Nous ne parlerons pas des citations de la Bible, de la Michna et de ses annexes (Sifra, Pessikta etc.) de la Massora (qui fixe avec précision la lecture et la graphie traditionnelle de la Bible) et du Séfer Yetsira (le Livre de la Création ) traité philosophique ancien qui servit de base à la Cabale.

Dans son commentaire sur la Bible, il mentionne surtout le grammairien Ménahem Ben Sarouk (XI siècle) ; le Yessod de Moïse ha-Darchane (le Prêcheur) pour les développements homilétiques (milieu du XIème siècle) ; et pour l'histoire, les Séder Olam (chronique peut-être antérieure à la Michna) et le Yossipone (remaniement populaire des œuvres de Flavius Josèphe).

Dans son Commentaire du Talmud, il mentionne les oeuvres juridiques des Gueonim (docteurs babyloniens du VIIème siècle au XIème siècle) et surtout les Cheéloth de Rav A'haï (VIII" siècle), les Techouvoth hagueonime (« responsa » des Gueonim) en grande partie perdues, fréquemment aussi les Hala'hoth guedoloth (« Grandes décisions » VIIIème siècle) de Siméon Kayara ou selon Rachi, du Gaon Yehoudaï.

On peut signaler en outre :

- Le Yessod (?) de Saadia Gaon (892-942) ;

- Le Commentaire de Haï Gaon (939-1038) sur l’ordre Toharoth de la Michna ;

- Les Poésies d'Eléazar Kalir, environ du VIIIème siècle ;

- L'Alphabet de Rabbi Ma'hir (fin du VIIIème siècle), l'ancêtre des Kalonymos ;

- Les Techouvoth de « notre maître » Mechoulame (né en 829), également de la famille des Kalonymos ;

- Le Commentaire du « Livre de la Création» par Sabbataï Donnolo (913-982) ;

- Le Commentaire de 'Hananel de Rome (?) (Il s'agit du célèbre 'Hananel ben 'Houchiel de Kairouan, 965-1055) ; les oeuvres de Joseph Bonfils (Tov Elem, de Limoges, Xe siècle).

Par contre, les citations du glossaire Arou'h, contemporain de Rachi, semblent des interpolations.

Le développement de son école, la personnalité de ses disciples les plus marquants sont aussi en pleine lumière, puisque de nombreuses oeuvres qu'ils ont composées sont parvenues jus-qu'à nous. Les principaux disciples de Rachi sont, en dehors de ses gendres et de ses petits-fils :

- Sim'ha ben Samuel de Vitry-le-Brulé (Marne), qui est sans doute l’auteur du Ma'hzor Vitry ;

- Matitya ben Moïse, chef de (école de Paris, et son fils, le fameux Yé'hiel de Paris ;

- Chemaya et Juda ben Abraham, qui composèrent ensemble ou séparément de nombreux commentaires attribués par la suite à Rachi.

- Jacob ben Samson de Falaise, etc..

LES FILLES DE RACHI



Enfin, la famille de Rachi nous est connue, car ses filles ont épousé de ses élèves et ont enfanté des savants fameux. Selon la tradition, Rachi avait trois filles, et pas de garçon (on lui attribue cependant d'après d'anciens témoignages un fils adoptif).

L'une de ses filles, Yo'héved, épousa Méir ben Samuel de Ramerupt qui était lui aussi un savant réputé et eut de lui quatre fils, dont deux furent célèbres : Samuel ben Meir (environ 1085-1158, connu sous le nom de Rachbam), auteur d'un commentaire sur le Pentateuque et sur différents traités du Talmud, et de Tossafoth; Jacob dit Rabénou Tamme (« Notre maître l'intègre», d'après Genèse XV, 27) qui vécut de 1100 à 1171 sans doute, et qui est la plus haute autorité parmi les Tossafistes. En outre, il écrivit un ouvrage didactique Séfer ha-yachar, « le Livre du juste». Une fille de Yo'hèved devait devenir la femme du fils de Sim'ha de Vitry et la mère d'un autre éminent Tossafiste Juda ben Samuel de Dampierre, dit Ri l'ancien (vers 1120-1199)

La seconde fille, Myriam, se maria avec un docteur également réputé, Juda ben Nathan dit Riban.

La troisième fille est moins connue, et certains prétendent même qu'elle n'a pas existé.

L'histoire littéraire commande ici l'histoire générale. C'est pourquoi nous sommes beaucoup mieux renseignés sur l’action et le caractère de Rachi. II semble avoir eu une nature parfaitement adaptée à son rôle d'éducateur : souci d'ordre et de clarté, simplicité dans l'expression et logique exigeante, modestie extraordinaire et tout de même fermeté dans la critique.

Il a accompli sa mission en enseignant sans relâche (exégèse minutieuse et concrète des textes sacrés du judaïsme, en fondant ainsi l'une des écoles les plus florissantes de science biblique et talmudique, et surtout en composant ses oeuvres. Son rôle de rabbin à proprement parler, c'est-à-dire d'orateur religieux et de décisionnaire, nous est, quant à la première fonction à peu près inconnue et, pour ce qui est de la deuxième, s'avère considérable quoique secondaire vis-à-vis de son enseignement.

Ce texte a été publié dans le périodique Trait d’Union



A PROPOS DE L'AUTEUR
Moche CATANE
Moché Catane (1920-1995) descend d’une vieille famille juive alsacienne. Après la Shoah qui décima une grande partie des siens, il s’installe à Paris, où il mène de front son activité de bibliothécaire à la Bibliothèque Nationale et des activités sociales et communautaires. Il s’installe à Jérusalem avec sa famille en 1949, où il est chef de departement à la Bibliothèque Nationale et Universitaire. Journaliste pour la section francophone de la radio nationale israëlienne, il collabore à de nombreuses revues d’actualité et scientifiques. Il a publié plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire juive, l’exégèse biblique, la langue et littérature rabbinique et la philosophie juive. Il est décoré des Palmes Académiques par la France et du Prix du Président de la Knesset pour son action dans le but de resserrer les liens culturels entre la France et Israël.
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