La dynamique qui
régit l’interaction entre les trois séfirot appartenant
au domaine de “l’action”, peut être comparée à un
tribunal dans lequel la bienveillance, ‘hessed, serait l’avocat
de la défense et le jugement, guévoura/din, le procureur.
Les trois séfirot, ‘Hessed, guévoura et tiferet, qui font
partie du domaine de l’action, y occupent une place fondamentale et, à ce
titre, ont leur propre dynamique d’interaction. Afin d’exprimer
un aspect de cette dynamique, elles ont chacune un autre nom qui définit
leurs relations mutuelles. ‘Hessed demeure “bienveillance mais
guévoura, “force” est aussi appelée din, “jugement” et
tiferet, “beauté’ porte pour nom ra’hamim, “indulgence”.
Dans la section du livre
des Rois où l’on voit D.ieu en train
de juger la nation d’Israël, une vision prophétique décrit
cette relation entre les différents modes de la façon suivante:
J’ai vu D.ieu assis sur son trône, tandis que toute l’armée
céleste se tenait debout près de lui, à droite et à gauche. (Premier Livre des Rois 22,19)
Que signifient “droite” et “gauche”? La réponse
est que ceux qui défendent l’accusé sont censés
se tenir à “droite” alors que ceux qui le poursuivent, sont
supposés se trouver à “gauche”. (Tan’houma
Michpatim 15)
La droite et la gauche
s’appuient sur une optique totalement opposée
pour aborder les différents cas. La bienveillance, l’avocat de
la défense, est assise à droite et le jugement, le procureur, à gauche
tandis que le juge siège au milieu.
Arrangement
On discerne aussi les trois éléments suivants dans l’”arrangement” des
séfirot:
1. La bienveillance du
côté “droite”
2. Le jugement du côté “gauche”
3. et un élément “central”.
C’est d’ailleurs de cette façon qu’on s’exprime
familièrement. Par exemple, quand une personne est un jour extrêmement
malveillante ou critique, on dira “qu’elle s’est levée
du pied gauche ce matin”. Par contre, si l’on se réfère à une
attitude positive, on dira “qu’elle a entamé la journée
du pied droit”. Un comportement intermédiaire sera un signe d’équité et
de neutralité.
Afin de comprendre comment
cela s’applique aux séfirot, commençons
par expliquer en quoi consistent les deux extrêmes et ensuite nous verrons
le milieu.
La bienveillance, c’est donner. C’est un trait de caractère
exprimant un besoin ou un désir de celui qui donne. Une personne rentre
un jour chez elle et sent subitement qu’elle mène une vie étriquée
et égocentrique. Elle souhaite faire preuve de bonté envers ses
semblables et érige une fondation dont le but est de promouvoir certaines
causes ou d’aider les gens. Et pourtant, jusqu’à présent,
elle n’a jamais encore rencontré d’indigents. On voit donc
que le ‘hessed est un acte dont la dynamique appartient au domaine de
celui qui donne.
La dynamique du jugement,
quant à elle, se trouve uniquement chez celui
qui reçoit. Un homme a labouré le champ de quelqu’un d’autre;
le blé qui a poussé est dû directement au fruit de son
labeur. Quand il perçoit son salaire, il récupére tout
bonnement son propre travail. Et son employeur, “celui qui donne”,
ne fait que reconnaître la vérité des efforts qu’il
a accomplis. Ainsi, un personne qui “s’ent tire toute seul”,
sans avoir besoin de recourir à qui que ce soit d’”autre”,
est l’exemple-type du jugement.
L’indulgence est différente de ces deux caractéristiques.
C’est un sentiment de pitié que l’on a éprouvé pour
quelqu’un dans le besoin. Si l’on n’a jamais rencontré de
personne qui a froid, qui a faim ou qui est seule, alors aucune sensation de
pitié envers autrui ne pourra nous atteindre. Par conséquent,
c’est celui qui reçoit qui provoque l’acte d’indulgence
mais le don accordé est inhérent à part entière à celui
qui donne.
Le rôle du
juge
Utilisons de nouveau l’image du tribunal. Cette dynamique peut s’expliquer
de la manière suivante. Le juge n’est pas là essentiellement
pour décider si les faits rapportés dans l’acte d’accusation
sont exacts. En vérité, dans une cour de justice céleste,
tous sont connus. Le processus se déroule plutôt ainsi: l’accusateur
expose la faute commise par la personne, le défenseur rappelle ses qualités
et c’est au juge de peser les faits en regard de ses mérites et,
en fonction de cela, de décréter quelle sentence prononcer.
On trouve également cette distinction entre la bienveillance et l’indulgence
dans de nombreuses sources non-cabalistiques. Ainsi, le Targoum, translation
en araméen de la Bible, utilise le mot ‘hessed de manière
péjorative (Voir Rachi Le Lévitique 20,17 et les Proverbes 25,10).
D’autre part, le mot ra’hamim, pitié en hébreu, signifie
amour et amitié en araméen. La bienveillance est avilissante
par nature; c’est pourquoi quelqu’un vivant seulement aux dépens
d’autrui n’est pas une personne à part entière.
Par contre, c’est un sentiment de chaleur et de bonté envers
son semblable qui provoque l’indulgence. Par son caractère purement
humain, elle s’apparente à l’amitié. Au sujet de
la pitié, le Talmud soulève un autre point et fait l’injonction
suivante:
“On n’a pas le droit d’avoir de l’indulgence envers
une personne qui est insensée.” (Ce qui veut dire qu’une
personne dont les ennuis sont la cause de sa sottise, doit reconnaître
la bêtise de ses actes)
Cette ferme recommandation
qui s’applique non pas à la bienveillance
mais seulement à la pitié, nous enseigne que le but de celle-ci
est d’aider la personne. Mais si cette dernière ne jouit pas du
bon sens, elle considérera que tout ce qui lui est accordé lui
est dû et n’apprendra pas sa leçon. La seule manière
pour qu’un sot en tire un enseignement, est qu’il subisse les conséquences
de ses actes.
On ne peut pas cependant
en dire de même pour la bienveillance car l’objectif,
en tant que tel, de celui qui en fait usage n’est pas tant d’assister
autrui mais plutôt d’exprimer sa bonté et sa magnanimité.
Il n’est pas toujours conseillé de combler le sot avec des largesses
de tout genre mais ce n’est pas une contradiction propre à la
bienveillance.
L’indulgence, en tant qu’intermédiaire entre la bienveillance
et le jugement, peut être comparée à un prêt alors
que la bienveillance peut s’assimiler à un don. Un prêt
possède une part de bonté en lui, car il n’a pas besoin
de se mériter. Mais finalement, le prêt doit se faire aussi en
fonction d’un jugement, car l’argent doit être rendu.
Traduction et Adaptation
de Claude Krasetzki