Jérusalem, la ville
la plus sainte qui soit au monde, déchirée par des problèmes
de tensions religieuses et par le terrorisme arabe est bien éloignée
de la vision prophétique d'une cité empreinte de paix. Etre à
la tête d'une ville aussi instable requiert de la bravoure et une certaine
capacité à s'élever au-dessus de la mêlée
et à relier entre eux des éléments très disparates.
Ceci posé, pourquoi
Uri Lupolianski, un Orthodoxe sans prétention, père de 12 enfants,
a-t-il été élu maire de Jérusalem ?
Yad Sarah permet au pays d'économiser 300 millions de dollars par an en réduisant les séjours coûteux à l'hôpital ou dans des institutions spécialisées
C'est parce qu'en tant que
fondateur et président de Yad Sarah (www.yadsarah.org.il), Lupolianski
est le symbole vivant, en Israël, de la conjonction de la coopération,
de l'unité et de la chaleur humaine.
Presque tous les foyers,
en Israël ont eu recours à Yad Sarah. Ses 6000 volontaires travaillent
dans les 100 antennes disséminées dans tout le pays et offrent
à tous (Juifs, Musulmans, Chrétiens et Druzes) des prêts
de courte durée de l'un des 320 000 appareils médicaux ou de rééducation
dont l'association dispose, depuis les béquilles ou les chaises roulantes
jusqu'aux respirateurs et aux appareils de monitoring électroniques.
Un institut de sondage israélien
estime que Yad Sarah permet au pays d'économiser 300 millions de dollars
par an en réduisant les séjours coûteux à l'hôpital
ou dans des institutions spécialisées.
Cette belle réussite
a valu à Uri Lupolianski le Prix d'Israël, la distinction civile
israélienne la plus élevée.
Il est, lui aussi, un volontaire
de Yad Sarah. Mais dans la journée, c'est un vétéran de
la politique. Il a débuté en tant que directeur des services familiaux
et communautaires de Jérusalem, lorsque la mairie était dirigée
par Teddy Kollek, et il occupa ensuite pendant 10 ans le poste de maire-adjoint
pendant le mandat d'Ehud Olmert. Lorsque ce dernier se vit offrir un poste ministériel,
Lupolianski lui succéda en tant que maire à part entière.
Puis, en Avril 2003, il
tenta sa chance et devint le premier maire haredi (orthodoxe) de Jérusalem.
" Il n'avait jamais
été dans mes intentions de devenir le maire de Jérusalem",
nous a confié Lupolianski. "En fait, les choses se sont faites sans
que j'y sois pour grand chose. Le Tout-Puissant m'a simplement placé
devant la possibilité de relever le défi consistant à travailler
dans l'intérêt de la ville. La vie nous fournit parfois des occasions,
et j'essaie, pour ma part, de ne jamais les laisser passer"
Les volontaires de Yad Sarah
étaient certains que Lupolianski gagnerait la course à la mairie,
même lorsque les sondages prévoyaient le contraire. Ils avaient
pu constater, d'expérience, qu'il réussit dans tout ce qu'il entreprend.
Pendant la campagne précédant
le vote, certaines voix exprimèrent la crainte qu'un maire haredi risquerait
de compromettre le délicat status quo entre religieux et laïques,
Juifs et Arabes. Mais la réputation irréprochable de Lupolianski
de médiateur et de bâtisseur de ponts inter-sociaux s'est révélée
être son meilleur atout politique; on estime que 25% des voix qui se sont
portées sur son nom lors du scrutin municipal provenaient d'électeurs
non-religieux.
L'homme de 52 ans qu'est
Lupolianski déclare qu "il y a de nombreux malentendus des deux
côtés de la barrière. Il est très difficile, dès
qu'il s'agit de Jérusalem, de trouver un juste milieu car nous sommes
constamment sous le microscope des nations. Mais, en ce qui me concerne, je
me suis rendu dans des villages arabes pour aider à mettre en place des
antennes de Yad Sarah, et j'ai aussi servi dans l'armée israélienne,
ce qui me rend particulièrement sensible aux besoins des différentes
communautés"
Lupolianski rejette l'idée
qu'un maire religieux pourrait se montrer moins réceptif aux besoins
de la population laïque.
"Certains Juifs
laïques pensent que les religieux ne se préoccupent pas suffisamment
d'eux. Je pense, pour ma part, que c'est tout le contraire. Si un Juif mange
du pain à Pessah, il ne comprend pas forcément en quoi cela peut
m'affecter. Mais, de mon point de vue, tous les Juifs ne forment qu'une seule
et même famille où chacun est responsable de son prochain. Par
conséquent, chaque Juif est important pour moi. Et c'est cette idée
qui me guide et me pousse à faire de mon mieux pour répondre aux
besoins des différents secteurs de population de Jérusalem."
Lupolianski consacre chaque
jour une partie de son emploi du temps à recevoir des dignitaires étrangers,
des délégations de Juifs de la Diaspora et de simples citoyens
inquiets.
" Mon travail à
la mairie est très stimulant en raison des passions que suscite Jérusalem.
Je discutais récemment d'un problème sujet à controverse
avec un groupe d'Américains, et l'un d'eux, qui n'était pas d'accord
avec moi, s'écria "Vous n'avez pas à donner votre opinion
personnelle! Vous devez dire ce que doit dire le maire de Jérusalem!"
Je lui répondis poliment:"Si je me fais l'écho de ce que
pense un habitant de Baltimore, cela s'appelle:" exprimer l'opinion du
maire de Jérusalem", mais s'il s'agit de mon opinion à moi,
ce n'est plus le cas?"
UNE ARMEE DE VOLONTAIRES
La politique est une chose,
mais lorsque nous en venons à parler de Yad Sarah, le regard de Lupoliansi
s'éclaire. Il tient à Yad Sarah comme à la prunelle de
ses yeux.
Avec un petit budget de
12 millions de dollars par an, et sans aucun financement du gouvernement, Yad
Sarah gère 100 antennes à travers tout Israël et offre une
main secourable (et un sourire d'encouragement) à tous ceux qui ont besoin
d'aide.
La mission de Yad Sarah
est de fournir tout le matériel nécessaire à un maintien
à domicile aussi long que possible des personnes âgées ou
handicapées. Le postulat de départ est que les soins dispensés
à domicile, dans un environnement familial naturel, ont une influence
positive sur la santé des patients, tant sur le plan physique que sur
le plan affectif.
Yad Sarah, dans cet esprit,
ne se contente pas de prêter des milliers d'appareils médicaux
mais distribue également des repas au domicile des patients et dispose
de volontaires qui prennent en charge toutes les charges ménagères,
depuis la lessive jusqu'aux petites réparations. Parmi les différents
services proposés, on peut citer la kinésithérapie et l'ergothérapie,
un dispensaire de soins dentaires pour le troisième âge et un service
juridique pour les seniors, tous pouvant recevoir des visites à domicile
si nécessaire.
COMMENT TOUT CELA EST-IL
POSSIBLE ?
" Pour beaucoup de nos volontaires, travailler à Yad Sarah est, en soi, une sorte de réhabilitation "
Le secret, ce sont les volontaires.
L'armée des 6000 volontaires de Yad Sarah fournit plus d'un million d'heures
de bénévolat par an. Avec seulement 150 salariés, on peut
définir Yad Sarah comme étant un organisme géré
par des volontaires et aussi un modèle d'efficacité sur le plan
de la gestion.
"Pour beaucoup de
nos volontaires, explique Lupolianski, travailler à Yad Sarah est, en
soi, une sorte de réhabilitation. Certains de nos volontaires sont retraités,
d'autres souffrent de handicaps mineurs : ils pourraient sans problème
être eux-mêmes les bénéficiaires des services qu'ils
fournissent aux autres. On trouve également parmi nos volontaires des
immigrants russes âgés qui sont des techniciens qualifiés
mais qui ne trouvent pas de travail dans leur domaine. Ils réparent donc
et entretiennent nos équipements médicaux bénévolement".
Une des initiatives les
plus importantes dont peut se prévaloir le siège de Yad Sarah
(un bâtiment moderne de 6 étages, à Jérusalem) c'est
le système national d'alarme d'urgence. Des milliers d'Israéliens
ont reçu des boutons d'alarme à fixer au mur ou au poignet, ce
qui leur permet, par une simple pression sur ce bouton, d'être raccordés
au central de Yad Sarah qui fonctionne nuit et jour. Récemment, Yad Sarah
a installé gratuitement des systèmes d'alarme dans les jardins
d'enfants et les écoles maternelles pour permettre des appels d'urgence
en cas d'attaques terroristes.
La "caravane pour les
enfants handicapés" de Yad Sarah sillonne le pays et prête
des jouets adaptés, des jeux et des livres Les petits handicapés
peuvent également se rendre sur l'aire de jeu et de rééducation,
au siège de Yad Sarah, et profiter d'équipements spéciaux
telle cette "balançoire pour chaise roulante".
Le dévouement de
Yad Sarah envers chaque être humain à qui elle apporte son aide
reflète la discrétion et la modestie de son fondateur. Lupolianski
était, en 1976, un jeune père de famille déjà nombreuse,
et enseignait les maths dans un lycée, lorsqu'il lui arriva de prêter
un inhalateur à un voisin dont l'enfant était souffrant. Se rendant
compte que ces appareils étaient très demandés, il en acheta
quelques-uns afin de pouvoir les prêter.
" Immédiatement,
raconte Lupolianski, des gens commencèrent à me donner des appareils
qu'ils avaient achetés et dont ils n'avaient plus l'usage: des béquilles,
des déambulateurs, des inhalateurs et même des fauteuils roulants.
Notre petit appartement fut submergé."
A peu près à
la même époque, le père de Lupolianski prit sa retraite,
vendit son petit magasin et commença à acheter d'autres appareils
médicaux destinés à être prêtés. Yad
Sarah était née officiellement, en mémoire à la
grand-mère de Lupolianski, Sarah, qui avait péri pendant la Shoah.
(Le mot hébreu "yad", au sens littéral: "main",
signifie également "mémorial").
Yad Sarah s'est acquis une
renommée internationale et reçoit régulièrement
des délégations de pays étrangers souhaitant s'inspirer
de ses réalisations. En fait, Yad Sarah a franchi les frontières
d'Israël et propose des services de soins à domicile aux Etats-Unis
et dans l'ancienne Union soviétique. L'organisation a récemment
fait don de 100 appareils médicaux désaffectés au gouvernement
du Cameroun, et une équipe de travailleurs de Yad Sarah s'est récemment
rendue en Angola pour aider à mettre sur pied un entrepôt destiné
à remettre en état et à prêter du matériel
médical.
Et aujourd'hui encore, l'une
des 100 antennes de Yad Sarah est toujours domiciliée dans l'appartement
de Lupolianski !
SAGES
CONSEILS
Aish.com a posé à
Lupolianski la question suivante : Qu'y a-t-il de spécifique a être
le maire de la ville la plus sainte du monde plutôt que de n'importe quelle
autre ville ?
" Bien entendu,
répond Lupolianski, tout maire doit assumer un rôle administratif
: s'assurer, par exemple, que les ordures sont ramassées en temps voulu,
et, plus généralement, essayer d'améliorer constamment
le niveau de vie de ses administrés. Mais Jérusalem a ceci de
particulier que tout doit être envisagé en tenant compte d'un arrière-plan
de 3000 ans d'histoire juive et en étant sensible au fait que Jérusalem
n'est pas seulement la capitale de l'Etat d'Israël mais du peuple juif
tout entier. C'est un défi considérable."
Lupolianski s'entretient
régulièrement avec le rav Yosef Shalom Eliyashiv , l'une des autorités
rabbiniques les plus éminentes d'Israël. Et, bien qu'on puisse parfois
penser que le domaine d'un rabbin se limite au seul domaine spirituel, Lupolianski
sollicite également des conseils sur des problèmes de leadership.
"Le judaïsme
est beaucoup plus qu'une religion. Le judaïsme anime tous les aspects de
notre vie, explique Lupolianski. Le rav Eliashiv a une vision du monde empreinte
de sagesse et uniquement juive. Il a le don d'isoler un point particulier qui
va me permettre de remettre les choses dans une perspective beaucoup plus large.
Et cette sagesse est indispensable lorsque l'on vit en étant conscient
du caractère juif emblématique de Jérusalem. Elle est inestimable
pour notre ville et pour notre nation."
UN MONDE DE BONTE
La personnalité et
la philosophie de Lupolianski imprègnent toutes les actions de son organisation.
Le développement de Yad Sarah montre, comment un individu, traduisant
en actions concrètes les valeurs les plus élevées du judaïsme,
peut inspirer des milliers de personnes, les pousser à agir, faire appel
à ce qu'il y a de meilleur en eux et faire avancer les choses grâce
à l'amour et à la bonté.
"Depuis le début,
notre principe directeur était de venir en aide à tous ceux qui
en ont besoin. Le judaïsme nous apprend à respecter et à
nous intéresser à chaque être humain, qui a été
créé à l'image de Dieu. Mais le concept juif de 'hessed
va encore plus loin. Nous devons rechercher activement des moyens d'aider."
Lorsqu'une personnalité
étrangère vient visiter Yad Sarah (la plus importante organisation
de cette sorte au monde), elle prend conscience que c'est "une lumière
pour les nations", au sens le plus fort qui soit.
Lupolianski explique:"Le
roi David disait que Olam 'hessed yibaneh, c'est-à-dire que le monde
repose sur la bonté. Je souhaite que notre organisation juive, située
dans la capitale juive fondée par le roi David, illustre cette idée."
Pour Lupolianski, Yad Sarah
représente une réussite personnelle plus importante qu'être
maire de Jérusalem. Des gens de tous milieux sociaux, religieux, ethniques
travaillent côte à côte et sont unis dans le but commun d'aider
leur prochain en difficulté.
Pour Lupolianski, ce rêve
est devenu réalité.
Pour en savoir plus:
- Yad Sarah : www.yadsarah.org.il
- Ville de Jérusalem : www.jerusalem.muni.il
Traduction et Adaptation
de Monique Siac