Daniel se pencha sur la boite du CD que son grand-père venait de lui offrir. Sur le devant du disque était écrit de la main de Papi Doudi : « ‘HANOUTRIX : le Jeu »
« Un programme pour enfant » pensa-t-il, « décidément mon grand-père n’a pas encore compris que j’ai grandi ! »
Un peu déçu, il s’approcha de Mikaël :
- Et toi, qu’est-ce que tu as reçu ?
- Un drôle de casque, une sorte de joystick dont la partie supérieure s’adapte au sommet du crâne, c’est très bizarre !
Un petit message de Papi Doudi était collé sur le bort du casque : Convient également au « ‘Hanoutrix ».
- ‘Hanoutrix ?
- C’est le jeu que Papi m’a offert, dit-il une pointe de dédain dans la voix
- Montre moi !
Leur grand père les observait du coin de l’œil, un petit sourire aux lèvres. Yaeli les rejoint, tenant dans sa main un drôle d’objet ovoïde :
- Regardez ce que papi m’a donné !
C’était une espèce d’énorme toupie montée sur un pivot doré sur lequel pouvait se brancher des fils de connexion, le même message au sujet du ‘Hanoutrix était attaché à une des tiges de l’objet.
La fillette actionna sa toupie. Une cascade de lumière envahie, soudain la salle à manger, occasionnant l’émerveillement de la famille.
- Où donc as-tu trouvé cette merveille ? questionna Mamie impressionnée.
- Ah ! Ca c’est mon secret !
Très tard dans la soirée les trois enfants, impatients et plein d’intérêt, s’assirent face à l’ordinateur, en secret de leurs parents partis se couchés, et purent enfin profiter pleinement de leurs cadeaux.
Sans attendre, Daniel installa le jeu. Sur l’écran apparut en lettres de feu le message suivant :
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Descendu du Internet le 25 Kisselev.
Ne dure qu’une semaine !
Objectif du jeu :
Entrer dans ‘Hanoutrix, l’espace temps point huit, et luttez contre les ténèbres, et contre leur maître.
Règle du jeu :
Ce jeu se joue en deux phases :
Phase numéro un : La guerre
Phase numéro deux : Les réparations.
Un seul joueur par partie (option sans accessoire) ou un principal et deux indicateurs (option avec accessoire)
Le gagnant rallumera la Menora !
- Ca a l’air pas mal ! lança Mikaël. Continue !
Avertissement :
Tout joueur commençant une partie sans la terminer, restera dans le Hanoutrix jusqu’à ce qu’on le délivre.
Si la partie ne se termine pas dans les huit jours, le joueur attendra jusqu'à l’année suivante pour finir le jeu. |
Appuyant sur « Entrez », Daniel poursuivit son avancée dans le jeu, sans prendre garde à l’avertissement.
Ils lurent :
- Sans accessoires. 1
- Avec accessoires. 2 |
Les frères se concertèrent :
- Qu’est-ce que l’on choisit ?
- Option deux, « c’est plus sympa » !
Le grand cliqua sur le deux. Ils virent, alors clignoter sur l’écran :
- De quels accessoires s’agit-il ? interrogea Daniel. Yaeli émit l’idée qu’il pourrait s’agir du joystick et de la toupie.
- Ah oui, elle a raison ! Où sont-ils ?
La fillette se précipita, et les amena au plus vite. Après bien des difficultés, le système fut enfin en place. L’ordinateur se connecta instantanément.
Deux petites boules de lumières apparurent alors :
- Bienvenue dans ‘Hanoutrix, notre « espace temps point huit» ! Je suis Orit, et voici Or ! Nous sommes programmés pour vous aider et vous guider durant toute la partie.
Nous vous souhaitons dès à présent une victoire pleine et entière ! dit la première boule, d’une voix d’hôtesse de l’air.
Les enfants se dévisagèrent tour à tour, ahuris.
- Veuillez inscrire le nom du joueur principal, merci ! poursuivit-elle.
- Et bien, écris ton nom ! souffla Michael à son frère. D- A- N- I- E- L !
L’aîné s’exécuta. Or s’avança alors :
- Ah Daniel ! Le fan des matchs de foot, n’est ce pas ? Content de te rencontrer ! Comment vas-tu ? Toujours fâché ?
- Co…Comment ? bafouilla Daniel. Euh… Non… je suis … Mais qui parle ?
- Non, non, non ! Les questions sont pour la fin, si toutefois il t’en reste encore ! Alors prêt ?
- Oui, je, je crois.
- Qui sont tes indicateurs ? Attends ! Laisses-moi deviner ! C’est la petite savante montée sur Toupie Lumière 2004.8, et le grand amateur de beignet de sa grand-mère, branché au D C I 180.C (Détecteur casque d’intention.C, c comme cavanotes) !
Ca, c’est de la bonne machine ! Papi Doudi s’est procuré les meilleurs du marché !... Bien, récapitulons : Mickey, le casque est-il sur ton crâne ?
- Euh non… Voilà, c’est fait !
- Alors jeune homme, tiens fort les commandes entre tes mains, Ok !
- Euh … D’accord !
- Et toi Yael, pose les deux pieds à plat sur la tige principale, et fixe un fil sur ta main et l’autre sur le front de Daniel, avec les petites ventouses, il ne devrait pas y avoir de problème !
Vous êtes branchés ?
- Ah oui, j’oubliai, juste une petite indication pour les deux acolytes avant le départ, les indices de la première étape se trouvent dans le Birkat Hamazone (prière de la fin du repas), plus particulièrement dans le court passage que l’on rajoute pendant toute la semaine de la fête !
- Oui, « Al Hanissim ! » c’est cela ? interrogea Yael pleine de tension.
- Exact !
Bien ! Paré ?
Vas-y Daniel, clique sur « Entrez » !
Daniel hésita, mais la curiosité et l’incrédulité supplantèrent sa peur. Il pressa la base supérieure de la souris.
L’instant suivant, la tête lui tourna violemment. Puis dans le lointain, il entendit :
"Processus de désintégration...
Le garçon se retrouva au beau milieu d’un terrain de football. Face à lui cinquante grecs (il les reconnut au vêtement qu’ils portaient), l’air patibulaire et l’épée à la main, s'avançaient vers lui, à pas cadencés !
« Mais où suis-je ? » osa-t-il, dans un souffle.
- Dans le jeu ! dit Yaeli.
- Dans le jeu ? Tu y es aussi ?
- Non ! Je crois que c’est parce que je ne suis qu’une indicatrice !
- Indicatrice ? Qu’est-ce que c’est ?
- C’était expliqué au début, tu n’as pas lu ? Mais ne t’inquiètes pas, nous te localisons parfaitement sur l’écran !
- Sur l’écran ?
En apercevant les soldats s’approcher de plus en plus près, Daniel commença à paniquer :
- Je ne veux plus jouer, je veux partir d’ici !
- C’est impossible Daniel, tu es désintégré ! dit Mikaël, tu n’es plus dans notre chambre !
- Comment ? …Réintégrez-moi, au plus vite ! .... Faites n’importe quoi ! … Eteignez l’ordinateur ! …Parce que si ils continuent leur avancée, je serai mort dans quelques minutes, désintégré ou non !
- Essaie de comprendre, Dany, tu es en train d’évoluer dans une autre dimension !
- Respecte les lois de cette dimension, et il ne t’arrivera rien ! rassura la boule Orit de sa voix d’hôtesse.
- Lois ? Quelles lois ? De quoi parlez-vous ?
- Indicateurs, à vous de jouer ! ordonnèrent les guides.
- Dépêchez-vous, ils foncent sur moi ! hurla Daniel
- Que, que… Que devons-nous faire ? pleurnicha Yaeli
- Indices ! tonna Michael. Les indices !
Branché à l’ordinateur, il dut se contorsionner comme une anguille, afin d’atteindre la bibliothèque et attraper le gros Sidour (livre de prière) de son père.
Il l’ouvrit à la page du « Al Hanissim », et lut rapidement le petit texte, cherchant l’indice.
- Voilà, j’ai trouvé ! Dany écoute bien : c’est écrit « Les forts dans les mains des faibles, les nombreux dans les mains des peu nombreux ». Tu es seul contre cinquante, selon la loi de ‘Hanoucca, c’est toi qui gagnes ! Agis avec n’importe quoi, mais agis !
- C’est moi qui gagne, facile à dire …! Avec n’importe quoi …, murmura-t-il.
Il fouilla dans ses poches, et ne trouva que le verre cassé de sa montre. Une idée lui traversa alors l’esprit ! :
« La lumière, c’est la fête de la lumière ! » :
- Yael, actionne la toupie ! ordonna-t-il
Ficelée comme elle était, ce ne fut pas simple. Elle y parvint tout de même. Des lumières emplirent la pièce, et pénétrèrent dans le ‘Hanoutrix par le biais de la connexion collée au front du joueur principal. Elles freinèrent les soldats, mais ne les arrêtèrent pas pour autant.
Astucieusement, Daniel réfléchit les rayons à l’aide du morceau de verre en direction de l’armée ennemie. L’éblouissement transforma chaque grec en ballon noir et blanc qui assomma le pauvre garçon.
- Bien joué ! s’exclama Or. Ca c’est du match !
- Dany, tu vas bien ? demanda Yaeli tremblante.
- Euh ! je crois ! Mais qu’est-ce que c’était ?
- Un petit souci, rien plus ! Relève-toi mon grand, la partie commence à peine ! encouragea Or.
- Commence à peine ? Vous vous moquez de moi ! Il n’est pas question que je reste une minute de plus dans ce cauchemar ! Sortez moi d’ici au plus viiite !!!
- Il me semble que le joueur principal n’intègre pas les règles du jeu ! Tu as commencé, tu dois finir ! C’est la loi du ‘Hanoutrix !
- J’en ai rien… ! Qu’est ce qu…
Surgit dans le loin, une sorte de grondement, comme le bruit d’un troupeau en cavale. Daniel se remit instantanément debout. Puis sur la pointe des pieds, il tenta de localiser l’origine de ce bruit.
- Les indicateurs, voyez- vous quelque chose ? cria-t-il.
Mikaël actionna le zoom à l’aide de son D C I 180.C (c comme cavanotes).
« Mon D ieu ! murmura-t-il. Un troupeau en déroute ! »
- Yael ?
- Oui, j’ai vu ! Ce sont des … Je fais marcher la toupie ? « Ca » les repoussera peut-être !
- Eh, là-bas ! Dites moi ce qu’il se passe ! Pourquoi ces lumières ?
- Dany, écoute moi ! Surtout ne t’affole pas !
- Quoi ?
- Ce que tu entends et qui approche de toi, c’est un troupeau de cochons déchaîné.
- QuOi !
- Sort du terrain au plus vite ! Cours !
- Où, vers où ?
Mikaël actionna le zoom arrière, et Il localisa une porte sur un des côtés du terrain :
- Daniel, sur ta droite, sur ta droite !
Le joueur courut aussi vite qu’il put, afin d’atteindre la sortie. Mais à son grand désarroi le troupeau de grogneurs le suivit dans sa fuite.
A bout de souffle Daniel appela encore :
- Qu’est-ce que je fais maintenant ?
- Continues à courir ! encouragea Yael,
- Dans quelques mètres, il y a un fossé ! rajouta Mikaël.
Daniel galopa de plus bel, atteint l’abri où il reprit un peu son souffle.
Le troupeau le rejoint et stoppa juste au-dessus de lui. Les cochons s’agitaient et frottaient de leurs sabots la terre. Ils semblaient lui faire comprendre qu’ils ne laisseraient pas s’échapper.
« Ce n’est pas vrai, cela ne peux exister ! Dites-moi que je suis en train de rêver ! » bafouilla-t-il.
- Indicateurs ! claironna Or. Il est cerné !
Mikaël replongea la tête dans le Sidour et lu mentalement : « nombreux dans les mains des peu nombreux, c’est déjà passé, quoi d’autre…. Les méchant dans les mains des justes
- Dis-moi Yaeli, les cochons sont de méchants animaux ?
- Non ! Oh non !
- Dis-moi tout ce que tu sais sur les cochons, vite !
- Euh… Les cochons sont roses !
- Il n’y a rien sur les couleurs dans le texte !
- Ah, euh… Ils sont gros !
- Rien non plus sur les gros !
- Ah ! Bon… Ils sentent mauvais, enfin c’est ce que j’ai entendu dire !
- Rien non plus sur les odeurs !
- Je sais, je sais, ils ne sont pas Cacher !
- Oui pas Cacher ! Quel est le problème de" pas Cacher" ?
- Impur ! Ils sont impurs !
- Voilà, voilà !!! T’es une championne Yaelounette ! « Les impurs dans les mains des purs ! »
- Dany c’est ok ! On a trouvé ! « Les impurs dans les mains des purs ! »
- Oui ? Alors ? La suite… demanda Daniel épuisé.
- Si tu es pur, tu gagnes !
- Et qu’est-ce qui purifie ? répondit le joueur à bout de nerf
- Pas la lumière, j’ai déjà essayé avec la toupie ! lança la fillette.
- Euh… quoi d’autre ?
- Le feu !
- Le feu ? Vous voulez me brûler ?
- Non, non reste calme, Il y a un autre moyen c’est certain ! rassura Mikaël.
- Evidement qu’il y a un autre moyen se fâcha la boule Orit, vous n’étudiezt donc pas vos leçons mes enfants ! Réfléchissez donc un peu !
- Euh … Je sais l’eau ! Le mikvé d’eau !
- Bien trouvé mon gars, cherches-le donc !
- Oui, oui je cherche…
Mikaël passa tout l’écran au D C I 180.C (c comme cavanotes). Vers le haut, vers la gauche, vers la droite, au centre, rien, il ne discerna aucune mer, lac, ni même ruisseau.
- Mike ! tu trouves ? Parce qu’ici ça ne sent pas très bon ! maugréa Daniel.
- Soit patient Dan ! Je cherche, je cherche ! Sous la terre ! Il y a une nappe d’eau sous la terre !
- Je creuse ?
- Je ne vois rien d’autre à faire.
Il s’exécuta donc, et creusa du mieux qu’il put.
Sans trop de mal, ils le virent évoluer dans la nappe souterraine. Il paraissait content et enfin détendu. Lorsqu’il sortit de l’eau, il se retrouva dans un décor totalement différent.
Le troupeau de porc avait disparu, et la terre battue laissa place à une belle pelouse verte et soigneusement tondue :
- Eh ! Les indicateurs ! vous m’entendez ?
- Cinq sur cinq ! Comment était le bain ?
- Super !
C’est alors que la porte de leur chambre s’ouvrit brutalement.
Papa en pyjama et les yeux embrumés de sommeil s’écria :
- Encore à l’ordinateur ! Mais vous êtes fous ! Savez-vous l’heure qu’il est ? Deux heures du matin ! Eteignez immédiatement et courez vous coucher !
Les deux enfants blêmirent. Ils tremblèrent pour leur frère ! Ils sentirent qu’une explication, même succincte ne serait d’aucune utilité :
- Euh papa ! Nous n’avons pas école demain !
- Pas de discussion ! Au lit !
- D’accord ! Mais laisse moi éteindre papa ! dit Mikaël, la voix chevrotante.
- Je ne bougerais pas d’ici, tant que vous n’aurez pas éteint.
Le garçon, la mort dans l’âme cliqua sur l’icône « sortie ». (Ni Or, ni Orit n’intervinrent.) Leur père resta jusqu'à ce qu’il les vit tous les deux dans leur chambre, lumière éteinte, et couvertures tirées. Grâce au ciel, il ne remarqua pas l’absence de Daniel. Puis épuisé Il retourna se coucher, en jetant derrière lui la menace que si il les retrouvait encore devant l’ordinateur, ils seraient punis, et n’auraient pas le droit d’y toucher durant toute la semaine.
A suivre…
Les Illustrations flash sont de Yafah Elhadad.