L’office du matin
se termine. Le Papa de Léa prend sa corne de bélier. C’est
alors qu’une chose bizarre se produit : le son sortant de l’instrument
est faible, si faible que qu’on l’entend à peine. Son
Papa souffle pourtant de toutes ses forces et avec toute sa technique. Mais
le Chofar, lui, ne gémit que faiblement. Après quelques minutes,
un brouhaha s’élève dans l’assemblée :
- On n’a jamais entendu un son pareil ! C’est bien étrange…
Le soir à table, toute la famille discute du Chofar
et de son bruit anormal.
- Peut-être est-il tombé ? Dit Lévy.
- Non, il a simplement vieilli. Il a vu passer tant d’années.
Mon grand-père déjà l’utilisait, il le tenait
de son grand-père, qui lui-même le tenait de son grand-père,
répond Papa. Je pense que je vais m’en procurer un autre. Ce
bon petit Chofar a fait son temps !
- Oh mon Papa, tu ne peux pas faire ça, moi je sais
ce qu’il a ! s’écrit Léa, très inquiète.
- Ah, et qu’est-ce qu’il a ?
- Il est tout simplement
aphone. Il faut le soigner et non pas en changer !
Léa est catastrophée. Mammy se tourne alors vers
elle et lui murmure à l’oreille comme pour la rassurer :
- Si tu as un jour un problème Léa, n’hésite
pas à venir me trouver. Je pourrai peut-être t’aider.
- Bien sûr Mammy. Mais pourquoi me dis-tu cela
maintenant pour le Chofar ?
Pour toute réponse, sa grand-mère lui tapote
la main avec tendresse.
Il est tard, le Séder est terminé depuis longtemps.
La maison sommeille paisiblement, sauf Léa ! La maladie du Chofar
la préoccupe trop.
- Que dois-je faire ? Se demande-t-elle. Elle décide
alors de retourner le voir. Elle se lève et se dirige vers la salle à manger
où se trouve l’armoire. Une fois de plus elle entend un brouhaha.
Elle ouvre la porte largement, et dit :
- « Ecoute bien petit Chofar, il faut à tout prix
que tu guérisses, si tu ne veux pas finir en haut d’un placard
couvert de poussière ; tu peux avoir confiance en moi, vous tous vous
le pouvez, je ne vous veux pas de mal, bien au contraire, je veux vous aider
! »
Le gros pleure rauque éclate comme la veille :
- Que vais-je devenir, bou…bou… !
- Tu es si gentille Léa, il ne faut pas nous en vouloir,
nous avons été effrayés hier. Une fillette qui nous
entend, c’est bien rare !
- Je comprends bien, moi aussi j’ai été surprise!
Mais c’est D… qui a bien voulu que je vous comprenne. Je pense
qu’il veut que je vous aide, je dois le faire. Vous devez m’expliquer
ce qui se passe. Pourquoi le Chofar est-il malade ?
- Pourquoi ? Nous sommes incapables de vous le dire, répond
gravement la boite de Bessamime, - Quoi qu’il en soit, notre petit
Chofar a perdu sa voix depuis plus d’une semaine !
- Sa corne est devenue trop sèche et quelques chose
d’invisible la bouche. Nous ne savons pas trop ce que c’est ! Ton
Papa l’a soigneusement nettoyé mais rien n’y fait.
- Seul le sirop de Emouna pourrait lui rendre sa jolie voix
! Ajoute la timide toupie de Hanouca.
- Le sirop de Emouna ?
- Mais où trouver ce sirop ?
- Je ne sais pas répond dans un demi sanglot le Chofar
malheureux, il existe, et je sais même ce qu’il contient, mais
j’ignore où il se trouve !
- A qui pourrais-je m’adresser ? Pense tout haut Léa.
- J’ai beaucoup voyagé, tu sais ! Eretz Israël,
Espagne, Algérie et je me souviens que du temps où j’habitais
l’Algérie, dans la maison de ton arrière grand-père,
Sarah ta Mamy m’avait soigné une année, (elle aussi entendait
les objets), mais elle m’avait soigné une année pour
un plus petit enrouement. A présent je ne sais si elle pourrait faire
quelque chose. Je ne crois pas qu’elle nous entende encore…
- C’est alors que les paroles de Mammy résonnent
dans la tête de Léa.
- « Si tu as besoin d’un conseil, n’hésites
pas à venir me trouver ! »
- Bien sûr Chofar, tu as raison !! Mammy Sarah savait
ce que je disais. Dès demain, j’irai la trouver et je lui parlerai.
- Demain, demain, mais il sera trop tard !
- Mais Chofar, je ne peux pas réveiller Mammy Sarah à cette
heure-ci !
- Léa ?...Léa ?...Tu ne dors pas ? Que fais-tu
debout ?
- Oh ! C’est toi Mammy ! Que je suis contente de te voir
! Mammy, c’est au sujet du petit Chofar, il faut que tu m’aides,
il faut le soigner, Mammy, où avais-tu trouvé le sirop de Emouna ?
S’écria Léa d’une traite et sans reprendre son
souffle.
- Tu m’as dit de venir te voir si… Et le Chofar…
- Chut !!! Doucement, doucement, ma petite fille, toute la
maison est endormie !!! Viens dans la cuisine, nous allons boire quelque chose
de chaud et tu m’expliqueras ton problème !
- Ne t’inquiètes pas, Chofar, nous allons trouver
une solution ! Lance Léa tout en refermant la porte de l’armoire.
Mammy Sarah sourit gentiment à Léa, tout en l’entraînant
vers la cuisine :
- Alors le petit Chofar est encore malade ?
- Oui et il me semble que c’est plus grave que la première
fois !
Toutes deux s’assoient à table.
- Dis Mammy, tu entends encore les objets ?
- Oui Léa mais malheureusement, je ne peux plus dialoguer
avec eux.
- Pourquoi ?
- Oh sans doute parce que je suis devenue une vieille dame
! Mais lorsque j’étais une petite fille …
Mammy commence alors son histoire.
Les illustrations sont de Livna Rotnemer.
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