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Le secret professionnel selon la loi juive

Des lois juives résultent des exigences de confidentialité professionnelle et personnelle généralement plus strictes que celles que prescrivent les lois de nos pays.

Un médecin découvre qu’un de ses clients est séropositif. L’homme le supplie de n’en rien dire à sa femme. Il insiste pour que la relation médecin-patient soit placée sous le signe d’une confidentialité totale. Le médecin hésite sur l’attitude à adopter, ne sachant si cette relation doit s’incliner devant le devoir de révélation.
Qu’en dirait un rabbin ?
Selon les lois des sociétés qui nous entourent, le devoir de secret est le même dans toutes les professions, qu’il s’agisse des rapports entre les avocats et leurs clients ou de ceux des médecins et de leurs patients. Il est communément admis qu’un médecin, compte tenu de son rôle particulier dans la société, n’a pas le droit de divulguer à un tiers ce qu’il sait sur un patient.

Le judaïsme interdit à quiconque, quelle que soit sa profession, toute divulgation d’information négative sur une autre personne.

Quant au judaïsme, il tient toute divulgation d’information – surtout si elle est malveillante ou désobligeante – pour une infraction à la loi de la Tora telle qu’elle s’applique à toute personne, quelle que soit sa profession. Cette loi limite strictement la révélation d’informations privées à des tiers, même si elles sont exactes et dépourvues de malice, peu important la manière dont elles sont obtenues. Il en résulte des exigences de confidentialité professionnelle et personnelle généralement plus strictes que celles que prescrivent les lois de nos pays.

Il existe toutefois dans la loi juive des situations qui réclament la révélation de données confidentielles.
La Tora écrit : « Tu n’iras point colportant parmi ton peuple, tu ne te tiendras pas sur le sang de ton prochain… » (Lévitique 19, 16). Pourquoi ces deux interdictions, apparemment sans rapport l’une avec l’autre, sont-elles contenues dans le même verset ? Deux raisons sont proposées à leur juxtaposition :
Tout d’abord, diffuser des fausses informations sur le compte d’autrui équivaut à répandre son sang, étant donnés les dommages irréparables qui peuvent résulter de leur divulgation. De simples commérages peuvent faire rompre des fiançailles, briser des amitiés, mettre fin à des relations d’affaires. D’où la gravité de presque toutes les formes de rekhilouth (« colportage »).

 

CE QU’IL EST PERMIS DE DIVULGUER

 

La deuxième raison pour laquelle ces deux interdictions sont contenues dans le même verset tient à ce que, tout en étant distinctes, elles sont néanmoins inextricablement proches l’une de l’autre. Etant donné que de graves dégâts peuvent résulter de la non-révélation d’une information pertinente, la Tora entend nous expliquer que l’on ne doit pas garder pour soi une confidence si, en la taisant, on cause un préjudice à quelqu’un. On a l’obligation, dans un tel cas, de la divulguer.

L’ouvrage intitulé Hafets ‘hayim, du Rabbin Israël Méir Kagan (Pologne – 20ème siècle), est devenu pour les Juifs un classique sur les lois de la parole, surtout sur les interdictions qui les caractérisent (lachone hara’). A la fin du livre, l’auteur définit les situations où l’on a l’obligation de révéler ce que l’on a appris de façon confidentielle. C’est ainsi, explique-t-il, que l’on doit mettre en garde celui qui se propose de s’associer à un partenaire dont on croit qu’il se révélera pernicieux.

On doit mettre en garde celui qui se propose de s’associer à un partenaire dont on croit qu’il se révélera pernicieux.

Il en est ainsi si celui dont on veut protéger les intérêts cherche à s’associer à un voleur, à prendre à son service un salarié sans scrupules, ou à épouser un conjoint atteint d’une grave maladie. Dans toutes ces situations, de quelque façon que l’on ait obtenu l’information, on doit la transmettre à la personne susceptible d’être lésée. L’interdiction de « se tenir sur le sang de son prochain » s’applique en effet à tous les cas où l’on aurait pu, alors que l’on ne l’a pas fait, empêcher quelqu’un de subir un dommage. Cette considération l’emporte presque toujours sur le devoir de confidentialité.

Il est cependant impératif, pour pouvoir user de cette exemption, que soient remplies les conditions suivantes :

L’information doit être objectivement vraie, sans pouvoir ne résulter que d’une question de goût ou d’une simple opinion.
Elle doit avoir été obtenue de première main, et non par ouï-dire.
Aucune arrière-pensée ni aucun espoir de profit personnel ne doivent se dissimuler derrière la révélation.
Mieux vaut enfin, si cela est possible, prévenir le mal qui menace le tiers sans trahir la confiance dont a bénéficié.

 

MENACES POUR LA SOCIETE

Dans le domaine de la médecine, ces questions surgissent le plus généralement quand un médecin découvre sur un patient une information qui peut représenter un danger pour un tiers ou pour la société. Comme dans notre cas, si un médecin constate qu’un patient est séropositif, il a l’obligation d’informer son conjoint du risque possible d’infection. Il doit le faire, bien entendu, avec tact et compassion, mais il faut que ce soit fait. Dans un tel cas, la confidentialité des rapports entre le médecin et son patient doit s’incliner devant le devoir d’avertir d’autres personnes.

Un médecin est tenu de signaler un patient souffrant d’épilepsie afin que son permis de conduire soit suspendu.

Deux décisions rabbiniques ont examiné récemment des situations où des professionnels couraient des risques en ne révélant pas des faits portés à leur connaissance dans l’exercice de leurs fonctions. Dans une sentence proche de la législation américaine (Note du traducteur : mais non de la loi française), le rabbin Ovadia Yossef, ancien grand rabbin d’Israël, a décidé qu’un médecin est tenu de signaler aux autorités compétentes un patient souffrant d’épilepsie afin que son permis de conduire soit suspendu. Les dangers que ce patient fait courir au public qui ne se doute de rien méritent plus d’attention que son droit au respect de sa vie privée.

Le rabbin Yits‘haq Zilberstein, une autre autorité halakhique contemporaine, estime qu’un ophtalmologue doit, pour les mêmes raisons, signaler aux services officiels un patient atteint de troubles de la vue, même marginaux. On notera que ce rabbin considère que, même si le praticien est de l’avis que le danger couru par le public est minime, il n’en doit pas moins le dénoncer. Une société, explique-t-il, a le droit de promulguer des lois pour protéger ses citoyens, même s’il lui faut adopter des critères très stricts.

LA PROTECTION DU MEDECIN

La révélation par un médecin de données confidentielles recueillies dans l’exercice de sa profession peut avoir des conséquences pour lui comme pour la société en général. Un médecin autour duquel se développe la réputation qu’il livre à autrui des informations confidentielles risque de perdre sa clientèle. Pour cette raison, la loi juive reconnaît que l’on doit tenir compte, pour apprécier les dangers que la non-révélation d’une donnée confidentielle peut faire courir à un tiers ou à la société, de la nécessité pour le médecin de préserver son gagne-pain.

C’est pourquoi un médecin a le droit, dans certaines circonstances où il court lui-même de grands risques, de renoncer à révéler ce qu’il a appris.

Il est important de noter que c’est la société tout autant que le patient individuel qui bénéficient de la confidentialité professionnelle. A défaut d’être assurés de cette confidentialité, ceux qui ont besoin d’être soignés risquent de renoncer à toute assistance médicale. En outre, la garantie de confidentialité est essentielle pour l’efficacité d’un traitement.

Il y a aussi des rabbins pour qui la protection de l’information privilégiée passe avant la préservation du mal potentiel susceptible d’être causé à d’autres. Ils considèrent que la halakha consacre un droit pour les individus à l’incommunicabilité des conseils qu’ils reçoivent, et ce sans qu’il faille prendre égard aux intérêts de la société qui les environne.
Pour toute décision dans un cas particulier, on consultera une autorité halakhique compétente.

L’INFORMATION DU CONJOINT

Qu’en est-il du médecin dont un patient se révèle en état de séropositivité ? Le ‘Hafets ‘hayim enseigne que, selon la halakha, celui qui détient une information susceptible de porter préjudice à un tiers n’est pas dans l’obligation en soi de la révéler, mais il a celle de protéger la personne menacée. Cela veut dire, dans notre cas, que le médecin ne doit pas nécessairement révéler son diagnostic, mais il est tenu de s’assurer que le conjoint de son client est alerté du danger. Cela signifie, fondamentalement, que le médecin n’a aucune obligation d’informer la femme du véritable diagnostic, dès lors qu’il est convaincu qu’elle est à l’abri de tout péril.

Le médecin n’a aucune obligation d’informer la femme, dès lors qu’elle est à l’abri de tout péril.

Etant donné que le virus du sida n’est pas un virus très contagieux, et que le couple vit probablement ensemble depuis longtemps, il n’y a pas d’inconvénient majeur à un léger retard dans l’information du conjoint. Dès lors que le patient consent à informer celui-ci, le médecin peut lui donner un bref délai pour lui permettre de décider comment partager avec lui son secret. Néanmoins, le médecin doit être sûr que le conjoint est effectivement protégé.

Si, par exemple, le mari était incarcéré au moment du diagnostic, il n’y aura probablement aucune raison pour le médecin de la prison de le révéler à sa femme, sauf pour lui à se préoccuper des contacts du mari à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire. Mais si les deux époux vivent ensemble, il n’existera probablement pas d’autre moyen de protéger la femme que de lui révéler le diagnostic, ou d’élaborer un scénario propre à lui faire subodorer sa situation.


Il serait inefficace, mais pas conceptuellement interdit, de donner quelque autre raison de ne pas cohabiter avec elle, comme pour une autre maladie contagieuse. Et il est probable, dans ce cas, que le seul comportement envisageable est la révélation de la vérité à la femme.

 

Traduction et adaptation de Jacques KOHN

 



A PROPOS DE L'AUTEUR
Daniel EISENBERG
Le Dr Daniel Eisenberg dirige le département de radiologie au centre médical Albert Einstein à Philadelphie. Il enseigne l'éthique médicale juive, une fois par semaine, depuis plus de dix ans. C'est un spécialiste mondialement connu de l'Ethique médicale Juive.
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