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Une stratégie juive pour le monde des affaires

Le judaïsme, à côté des paramètres légaux de ce qui est interdit, fournit aussi les bornes morales de ce que l'on doit faire dans les affaires et pour orienter le consensus public en ce qui concerne l'activité économique.
Nous avons le devoir de transmettre à celui qui pourrait en devenir la victime toute information sur des activités hostiles

Aucun cadre légal, qu'il prenne sa source dans une inspiration divine ou qu'il soit le produit d'une création humaine, ne peut à lui seul créer un système économique qui soit effectivement respectueux de l'éthique et de la morale. Au mieux, il restreindra la fraude, l'exploitation et la malhonnêteté ; au pire, il fournira un paravent de vertu aux comportements pervers les plus répandus.

Un tel cadre nécessite un consensus religieux, culturel ou spirituel qui éduque et endoctrine en vue de permettre de distinguer entre le bien et le mal, et qui fournit les moyens d'atteindre des buts conformes à l'éthique.

Le judaïsme, à côté des paramètres légaux de ce qui est interdit, fournit aussi les bornes morales de ce que l'on doit faire dans les affaires et pour orienter le consensus public en ce qui concerne l'activité économique. C'est ainsi que se met en place un modèle juif pour une stratégie dans le monde des affaires, applicable sur les marchés modernes dans leur complexité et leur sophistication.
 

LA RéTENTION D'INFORMATIONS

" Tu aimeras ton prochain comme toi-même " (Lévitique 19, 18).
L'enseignement de Rabbi Yossi : " Que l'argent de ton prochain te soit aussi cher que le tien " (Avoth 2, 12) exhorte à prendre en considération l'intérêt de toutes les parties dans une transaction. Cela signifie, dans la pratique, que l'on doit révéler non seulement les défauts, mais aussi les perspectives de difficultés potentielles. Partager les informations au sujet des prix, de la disponibilité des services ou des biens, et des tendances de marché sont une manière d'aimer notre prochain dans le monde des affaires.

" Tu les rapporteras certainement à ton frère " (Deutéronome 22, 1 à 3).
L'injonction de la Tora de restituer les objets perdus à leur propriétaire est étendue par le Talmud à l'obligation qui nous est également imposée d'empêcher les dommages causés par une tierce personne à la propriété d'autrui. Dans le monde économique moderne, l'information sous toutes ses formes est une ressource économique majeure. C'est ainsi que nous avons le devoir de transmettre à celui qui pourrait en devenir la victime toute information sur des activités hostiles en vue d'une prise de pouvoir ou sur la connivence d'une tierce personne, portée à notre connaissance grâce à notre expérience de ce genre d'activités déloyales.
 

LE DEVOIR DE SOLIDARITé SOCIALE

" Tu ouvriras sûrement ta main " (Deutéronome 15, 8)
Il existe une mitsvah (commandement) active qui nous fait obligation d'employer une partie de la richesse que D.ieu nous a octroyée à alléger la pauvreté et les souffrances physiques d'autrui. Cela crée le devoir non seulement de participer aux dépenses engagées par la collectivité, mais aussi d'accomplir des gestes philanthropiques personnels. La charité juive nous impose de secourir même le pauvre non-juif, et de protéger les biens même de ceux qui ne sont pas pauvres.

" Tu l'aideras certainement avec lui " (Exode 23, 5)
Contribuer à l'allègement des problèmes économiques d'autrui en lui prodiguant des conseils, en lui prêtant sans intérêt, ou en lui proposant un emploi ou un partenariat commercial, voilà la forme la plus noble de la charité juive. Etant donné que le verset biblique concerne l'aide apportée à notre ennemi, il s'applique bien au-delà de la sphère économique, car il propose un allègement des tensions et des conflits sociaux. Le rabbin H.I. haKohen Kook considérait la chemita (" année sabbatique ") comme un moyen de se nettoyer spirituellement de l'immoralité économique, tant individuelle que collective, tout comme le Chabbat ennoblit les activités profanes de la semaine.

" Quand tu achèveras de décimer toute la dîme… " (Deutéronome 26, 12)
Aujourd'hui, où la collectivité juive n'a plus le pouvoir de nous taxer pour pourvoir aux besoins des économiquement faibles, l'obligation de prélever à cette fin la dîme de notre revenu est devenue plus impérative que jamais. Nos Sages évaluent cette dîme à un minimum de 10 % et à un maximum de 20 % chez une personne moyenne. Tout revenu, quelle qu'en soit la source : salaires, intérêts, dividendes, héritage, gains en capital, profits de toutes sortes, est assujetti à ce prélèvement. Son assiette s'entend après déduction des impôts et des frais professionnels, mais avant les primes d'assurance et les cotisations obligatoires aux organismes sociaux et aux régimes de retraite. L'argent de la dîme ne peut être employé qu'à des buts charitables, sociaux ou religieux non obligatoires. On n'a pas le droit, par exemple, d'y faire entrer les cotisations versées comme membre d'une synagogue.

" Et le Lévite et l'étranger et les orphelins et les veuves mangeront… " (Deutéronome 14, 28 et 29)
Les actes de bonté comme le droit de glaner, la dîme, l'obligation de laisser aux pauvres les coins des champs, qui avaient été imposés à nos ancêtres lorsqu'ils se livraient à l'agriculture, nous obligent à des gestes similaires de bonté et de pitié dans nos affaires quotidiennes et dans nos activités économiques. Tous les bénéficiaires qui sont mentionnés dans le verset ci-dessus sont des faibles, des personnes sans défense et des marginaux de la société. Doivent être considérés comme tels les inefficaces, ainsi que nos partenaires économiques moins capables et moins éduqués. Nous avons l'obligation, lorsque nous traitons avec eux, de renoncer à certains de nos droits, qu'ils soient nos débiteurs, ou nos concurrents.
 

FAIRE LE "BON" ET LE "DROIT"

La conscience qu'il existe un D.ieu qui voit tout et qui sait tout est ce qui contribue le plus à l'effort du judaïsme en vue de l'établissement de rapports économiques justes et moraux."

" Tu feras le droit et le bon aux yeux de D.ieu " (Deutéronome 6, 18).
La croissance, les profits et des marchés efficaces sont nécessaires à toutes les économies, que ce soit celle d'un individu ou d'un pays. Il nous faut cependant ajouter une autre dimension pour créer une stratégie juive spécifique pour le monde des affaires. Il ne suffit pas, dans cette stratégie, de ne pas frauder, déformer ou agir malhonnêtement. Un comportement lifnim mechourath hadine - " au-delà de ce qu'exige la loi " - exige que l'on renonce parfois à ce qui nous est légalement reconnu. Cela peut consister à permettre à un concurrent d'acquérir sa propre part de marché. Cela peut consister aussi à renoncer à des investissements ou à des produits, certes irréprochables juridiquement, mais qui risquent d'endommager l'environnement, de nuire à la santé publique ou d'exploiter l'ignorance et la faiblesse. Il arrive aussi que l'on doive adopter une politique de l'emploi qui incite à des efforts pour donner une nouvelle formation à un personnel en surnombre, pour l'orienter vers une période de transition et peut-être même empêcher son licenciement par un partage du travail ou des réductions de salaire acceptées par les deux parties.

" Quand tu prêteras de l'argent à mon peuple " (Exode 22, 24).
Nous avons l'obligation de prêter de l'argent - sans intérêts - au pauvre comme au riche quand il se trouve en état d'insolvabilité temporaire. Ces prêts empêchent les gens de sombrer dans la pauvreté, ils viennent en aide à ceux qui sont au chômage en leur facilitant l'accès à un nouveau métier, et ils permettent au pauvre de briser l'engrenage infernal de la pauvreté.

" Vous aurez des mesures et des poids justes… Je suis D.ieu " (Lévitique 19, 35 et 36)
Presque tous les actes de délinquance en col blanc sont commis dans le secret. Les rabbins ont interprété le lien qui apparaît dans le texte entre les poids justes et la présence de D.ieu comme soulignant qu'en fait il n'y a aucun secret. La conscience qu'il existe un D.ieu qui voit tout et qui sait tout est ce qui contribue le plus à l'effort du judaïsme en vue de l'établissement de rapports économiques justes et moraux.

" Afin que tu marches dans les bonnes manières et que tu suives le sentier des justes. " (Proverbes 2, 20).
" Une communauté avait embauché un cho'het (sacrificateur rituel) pour un emploi de longue durée, et son salaire devait être fixé par tête de bétail abattu. Par la suite, les abattoirs ont dû être transférés dans une autre ville. Le cho'het insista pour que l'on continue de le payer. Selon la loi, cependant, ses employeurs n'étaient pas tenus de le faire. En l'absence d'un contrat, cependant, il était équitable et correct que l'on se comporte avec lui " au-delà de ce qu'exige la loi ", étant donné qu'il était pauvre et chargé de famille. " (Pith'hei techouva, 'Hochèn michpat, Section 333, parag. 3).
" Reouven a vendu des marchandises pendant trente ans et il a de lourdes charges familiales. Chim'on, qui est riche et qui a autres affaires mais pas de charges, voudrait entreprendre une activité similaire. La loi stipule, dans ce cas, que Reouven ne peut pas l'empêcher. Cependant, selon le Bakh (Rabbi Joel Sirkis), la concurrence exercée par Chim'on est un acte de Sodome qui peut être empêché par les tribunaux. Mêmes celles des autorités qui considèrent que ce n'est pas le cas estiment que les juges doivent, à tout le moins, exercer une pression verbale pour le convaincre de ne pas ouvrir cette activité concurrente. " (Tséma'h tsédeq, 'Hochèn michpat, Section 23).

Traduction et adaptation de Jacques KOHN


A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Noah WEINBERG
Le rabbin Noah WEINBERG est le doyen et le fondateur de Aish HaTorah International. Au cours des 40 dernières années, ses programmes éducatifs imprégnés d’intuitions visionnaires ont rapproché de leur héritage des centaines de milliers de Juifs
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