Logo Lamed.frhttp://www.aish.comAccueil Lamed.fr
...
.

Paracha

.
...
...
.

Soutenez-nous

.
...
Paracha / Business et Paracha back  Retour
Quand il est entré à Erets Yisrael, le premier acte de Ya‘aqov a été l’achat d’un lopin de terre à Chekhem aujourd’hui Naplouse. Ce fut la deuxième transaction immobilière effectuée par les Patriarches.

Quand il est entré à Erets Yisrael, le premier acte de Ya‘aqov a été l’achat d’un lopin de terre à Chekhem aujourd’hui Naplouse. Ce fut la deuxième transaction immobilière effectuée par les Patriarches, mais elle est très différente de la première. Alors qu’Avraham avait acheté la caverne de Makhpéla pour être un lieu de sépulture, rien n’indique que Ya‘aqov a eu la même intention. Il est également très peu probable qu’il ait formé le projet d’utiliser son acquisition pour l’agriculture, étant donné qu’il habitait à ‘Hévron et que ses fils parcouraient le pays pour trouver des pâturages pour leurs troupeaux, bien plus que pour cultiver la terre. Il nous faut par conséquent chercher dans sa décision une dimension spirituelle propre à nous enseigner une règle d’éthique en matière d’achat et de vente, au delà des exigences proprement juridiques de loyauté dans les transactions et de prévention de la fraude telles que les stipule la halakha.

Bien que Ya‘aqov ait su que ses descendants hériteraient d’Erets Yisrael, ainsi que D.ieu l’avait promis aux patriarches, il avait compris que le peuple dont la mission était de faire régner la tsedaqa et la justice devait les faire prévaloir aussi dans ses transactions avec les nations du monde. C’est pourquoi, en plus de la promesse divine, Israël a dû veiller à ce que son héritage ne puisse être considéré, ni comme un transfert de population imposé à ceux qui y habitaient, ni comme une prise de guerre. Les Hébreux, pour s’y établir, ont dû au contraire en passer par les lois du marché, aptes à garantir publiquement les droits de ceux qui s’étaient, avant eux, installés sur leur sol. L’achat d’un terrain à Chekhem devait servir d’exemple aux générations futures (Harav A.Y. HaKohen Kook, Maamarei ha roé, p. 252 et 253 ; ouvrage écrit après les émeutes arabes de 1929).

L’ossature du système édicté par la Tora fixant les impératifs éthiques en matière d’achat et de vente nous est suggérée par la haftara de la parachath Wayèchev. Le prophète Amos annonce que, « pour trois transgressions d’Israël, et pour quatre, [D.ieu] ne révoquera pas la punition ; parce qu’ils ont vendu le vertueux pour de l’argent et le pauvre pour une paire de chaussures » (Amos 2, 6). Le lien entre cette haftara et notre paracha est constitué par la vente de Joseph par ses frères, péché qui a été la cause de l’exil en Egypte et qui a été puni plus tard par la mise à mort des Dix Martyrs par les Romains.

Rachi analyse ce verset dans Amos comme visant un comportement immoral, bien que légal, sur le marché immobilier. Le mot na‘al (« chaussure ») évoque la notion de « fermeture ». La chaussure enveloppe en effet le pied, contrairement à la sandale qui est ouverte. Il explique que les gens riches achetaient les champs qui entouraient ceux des pauvres, obligeant ainsi ces derniers à leur vendre leurs propriétés contre leur gré. Ce procédé a souvent été utilisé à travers les siècles et dans beaucoup de pays. On peut citer les « enclosures » de l’Angleterre de la fin du Moyen Age, la spéculation immobilière dans le centre des villes modernes, voire même le cas de la compagnie Enron lorsque les dirigeants, pressentant la fragilité de leur société, ont vendu leurs actions tout en empêchant leurs employés de se défaire des leurs.

Il suffit parfois, selon la halakha, pour être engagé dans un contrat, d’une simple attitude ou de mots, sans qu’il soit besoin d’un document écrit. On raconte que Rav Safra était en train de prier quand un homme s’approcha de lui pour lui acheter de ses marchandises et lui proposa un prix. Ne pouvant s’interrompre, Rav Safra ne répondit pas, ce qui incita l’acheteur à augmenter son offre, et ainsi de suite jusqu’à la fin des dévotions de ce Sage. Lorsque Rav Safra conclut la vente avec son acheteur, celui ci voulut lui remettre la somme qu’il avait proposée en dernier lieu, mais il lui restitua la différence entre le prix de départ et la dernière offre (Rachi ad Makoth 24a).

Une responsa récente relative au changement des prix affichés montre comment cette anecdote s’est intégrée dans les applications de la loi opérées par les rabbins. Un commerçant avait annoncé dans sa publicité le prix de tous les articles en vente dans son magasin. Ces prix ayant augmenté, il interrogea une autorité rabbinique de New York qui lui répondit comme suit : « Quand les prix des marchandises augmentent sur le marché, le commerçant a le droit d’élever les siens. Se pose cependant dans le présent cas la question du respect de la parole donnée. En exposant ses marchandises à la vente, le marchand a signifié son accord avec les prix affichés. S’il devait les changer maintenant, il montrerait qu’il manque de confiance en D.ieu, [qui lui procurera son gagne pain même s’il tient sa promesse de tenir ses anciens prix], et il se différencierait ainsi de l’attitude de Rav Safra telle qu’elle est décrite dans le Talmud » (Beith Avi 4, 185).

La halakha considère qu’il existe un problème moral lorsque l’on intervient en tiers dans des pourparlers d’achat d’un immeuble, dans la négociation d’un contrat ou dans la recherche d’un emploi (‘Hochèn michpat 237, 1).
Elle se fonde essentiellement sur un dicton talmudique selon lequel, quand un pauvre examine un gâteau exposé à la vente ani me‘hapech celui qui le devance est appelé un racha’. Pour certains auteurs, cette forme de « devancement » n’est du ressort que de la morale, et ne peut être sanctionnée en justice, alors que pour d’autres elle est interdite par la halakha, ainsi qu’on peut le constater dans une responsa récente : « Vous m’avez interrogé au sujet d’un enseignant auquel un parent d’élève a demandé de donner des leçons à son fils pendant les vacances. Alors qu’ils étaient en pourparlers, un autre enseignant a accepté cette mission. Le premier enseignant demande à présent réparation selon le principe de ani me‘hapech. Ma réponse est que le deuxième enseignant ne doit pas accepter la mission, et ce même s’il n’a aucune connaissance des négociations, et même s’il a pensé qu’elles ont échoué.

Nous devons aussi considérer l’avis du Rema dans le ‘Hochèn michpat (paragraphe 103) selon lequel le concept de “devancer” ne s’applique pas dans le cas où le vendeur demanderait un prix plus élevé que celui offert par l’acheteur. Cette dernière règle ne vaut que dans les cas où l’acheteur a montré qu’il rejette définitivement l’offre faite par le vendeur. Tandis que dans d’autres, comme dans le présent litige, où les pourparlers sont toujours en cours, l’intervention du tiers incite le vendeur à refuser l’offre de l’acheteur ; c’est par conséquent un cas de hassaguath guevoul, c’est à dire l’interdiction édictée par la Tora d’enlever une borne de son voisin, que les rabbins ont étendue au cas où l’on prive quelqu’un de son gagne pain » (Iggueroth Moché ‘Hochèn michpat 1, 59).

Jusqu’à une époque récente, presque toutes les activités économiques étaient exercées selon des chartes corporatives et des privilèges créateurs de monopoles. D’une manière générale, dès lors que les détenteurs de ces avantages restrictifs avaient réalisé des investissements pour les acquérir, les droits qui leur étaient associés devenaient des actifs que la loi protégeait contre l’irruption de concurrents qui auraient offert un prix plus élevé à celui qui avait cédé de tels droits.

Il était donc interdit à quiconque d’empiéter sur ces droits. Cette décision s’inscrit dans une règle selon laquelle les pêcheurs n’ont pas le droit de tendre leurs filets à moins d’une certaine distance de ceux déjà posés. Rabbeinou Tam considère qu’une telle restriction apportée à la concurrence est justifiée parce que les pêcheurs nouvellement arrivés détruisent le gagne pain des premiers, [alors qu’il leur serait permis de se contenter de le réduire], et à cause de la compétence acquise par les premiers dans leur métier. Il tient compte aussi de ce que les poissons se rassemblent à cet endroit à cause de la présence antérieure des premiers, [ce qui correspond à un investissement] (voir Tossafoth ad Qiddouchin 59a, s.v. ‘ani hamehafekh ; voir aussi Techouvoth Maharik 132).

Ce principe posé par la halakha, qui permet d’attribuer des droits d’exclusivité constitutifs d’un monopole, peut servir de ligne directrice lors de la création d’entreprises comme celles de transports publics, de télécommunications et d’autres activités qui exigent des investissements massifs. Nous aurons l’occasion d’examiner, dans un prochain chapitre, les mesures qui ont été prises pour garantir la préservation de l’intérêt public et du bien être des usagers contre les excès de ces situations de monopole.

 

Traduction et adaptation de Jacques KOHN


A PROPOS DE L'AUTEUR
Méir Tamari
  Liens vers les articles du même auteur (13 articles)


Emettre un commentaire
 Nom
 Prénom
 Email *
 Masquer mon email ?
Oui  Non
 Sujet
 Description (700 caractères max) *
 * Champs obligatoires
...
.

Outils

MODIFIER LA TAILLE DU TEXTE
.
...
...
.

Et aussi...

.
...