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Est-on responsable du comportement immoral de son employeur ? La conduite de celui-ci ne risque-t-elle pas d’avoir un effet nuisible sur soi aussi ?

Certaines personnes sont employées par des sociétés ou des entreprises aux valeurs desquelles il leur est impossible de souscrire. C’est ainsi que l’on peut travailler pour une entreprise de publicité que l’on a chargée de promouvoir une marque de cigarettes auprès des jeunes, alors que l’on préférerait soi-même les décourager de fumer. Il arrive aussi que l’on soit employé par une société qui contrefait les produits fabriqués par ses concurrents et qui vend des imitations à bon marché, ou encore par une industrie qui élabore une technologie dont le seul but sera de permettre une distribution massive de matériels pornographiques. On peut soutenir, il est vrai, que sa participation à ces activités ne signifie pas que l’on adhère aux valeurs qu’elles véhiculent, mais il n’empêche que la confrontation des salariés à la politique de ces entreprises est susceptible de créer de graves désarrois. Est-on responsable du comportement immoral de son employeur ? La conduite de celui-ci ne risque-t-elle pas d’avoir un effet nuisible sur soi aussi ?

La parachath Lekh lekha nous fournit une réponse à ces questions, lorsqu’elle traite dans le détail l’association d’Avraham avec son neveu Lot. Celui-ci commence par se sentir attiré par le rejet par son oncle des pratiques idolâtres de ses ancêtres, mais il sera bientôt aveuglé par ses rêves de confort matériel et d’une vie de plaisir sans exigences spirituelles. Rav Zalman Sorotskin attire à ce sujet notre attention sur la rédaction inusitée d’un verset du début de la paracha :
« Abram s’en alla, comme Dieu lui avait dit ; et Lot s’en alla avec lui. Et Abram était âgé de soixante-quinze ans lorsqu’il quitta ‘Haran » (Berèchith 12, 4).

Avraham n’avait pas eu l’intention d’emmener Lot. Dieu lui avait donné l’ordre de partir en Canaan, et son intention était d’y aller seul. Lot, cependant, l’a accompagné, sachant qu’il « était âgé de soixante-quinze ans » et qu’il n’avait pas d’enfants, de sorte qu’il espérait devenir son héritier. Voilà pourquoi l’âge d’Avraham est mentionné dans ce contexte. Il avait évidemment discerné les véritables intentions de son neveu, mais il espérait pouvoir le former afin qu’il devienne son véritable successeur spirituel.

Le tournant décisif qui a marqué la prise de conscience par Avraham que Lot ne lui succéderait pas a été un incident apparemment mineur. Les bergers d’Avraham se sont engagés dans une querelle avec ceux de Lot. Nos Sages expliquent que leur conflit n’était pas lié à l’appropriation du sol : Avraham avait indiqué que « toute la terre était devant lui », de sorte qu’il y avait place pour tous. Mais les bergers de Lot laissaient leurs troupeaux paître n’importe où, tandis que ceux d’Avraham veillaient à éviter toute forme de vol et ne laissaient les leurs brouter que sur des terrains sans maître. Les bergers de Lot prétendaient que le pays ayant, de toute façon, été promis à Avraham, son neveu et futur héritier pouvait faire pacager où bon lui semblait. Les bergers d’Avraham ont vu en cette attitude un vol, et c’est pourquoi Avraham a déclaré à son neveu : « Sépare-toi, je te prie, d’avec moi. Si tu prends la gauche, j’irai à droite ; et si tu prends la droite, j’irai à gauche » (Berèchith 13, 9).

A première vue, la réaction d’Avraham semble démesurée. Au lieu de discuter calmement avec Lot pour l’inciter à modifier sa conduite, il choisit de se séparer totalement de lui. Avraham a probablement pris conscience d’un échec total et d’un isolement irrémédiable en voyant son protégé choisir de vivre à Sodome, qui se situait aux antipodes des valeurs qu’il avait faites siennes. Mais pourquoi a-t-il fait partir Lot et n’a-t-il pas essayé d’user de son influence afin de l’orienter sur la bonne voie ?

De plus, les bergers de Lot disposaient d’un argument solide : Si les propriétaires de ces terres avaient vraiment voulu se protéger contre les incursions de troupeaux appartenant à autrui, ils auraient dû prendre les devants et clôturer leurs domaines. De fait, lorsque Rav Yossef a voulu charger Abbayei de réprimander les bergers de la famille Tarbou qui laissaient leurs chèvres paître dans son domaine, celui-ci a objecté que ceux-ci seraient fondés à lui objecter que Rav Yossef, s’il avait voulu se protéger, aurait dû construire une palissade (Baba Qama 23b). Certaines autorités disent d’ailleurs de l’opinion d’Abbayei qu’elle a force de loi. Si donc les bergers de Lot étaient dans leur droit, pourquoi Avraham a-t-il insisté aussi fermement pour une séparation complète d’avec son neveu ? Le Netsiv se demande, dans sa préface à Berèchith, pourquoi les patriarches sont décrits comme des hommes « honnêtes » (Bamidbar 23, 10 ; voir ‘Avoda zara 25a).

Notre histoire a connu beaucoup de gens savants qui ont étudié la Tora, mais qui ne se sont pas montrés particulièrement scrupuleux dans leurs rapports d’affaires avec d’autres moins pieux qu’eux. Les patriarches, en revanche, ont été scrupuleusement honnêtes et d’une intégrité exemplaire même dans leurs rapports avec des peuples corrompus. Il nous est possible d’entrevoir cette qualité chez Avraham lorsqu’il a plaidé avec passion devant Dieu pour qu’Il épargne Sodome, bien qu’il se fût tenu très éloigné de sa civilisation. De même le refus d’Avraham de rien garder pour lui du butin après qu’il a sauvé le roi de Sodome atteste de sa répugnance à accepter de l’argent pour avoir exécuté une bonne action, et ce contrairement à la norme de son époque selon laquelle « les dépouilles reviennent au vainqueur ».

Avraham s’est considéré comme un dirigeant et comme un modèle à suivre par toutes les autres nations. Comme il n’avait alors aucune descendance, il espérait laisser après lui un legs imposant d’honnêteté et de justice. Aussi ne pouvait-il pas se permettre d’être associé à la moindre trace de comportement incorrect. Les bergers de Lot avaient peut-être raison juridiquement, mais dans un pays avec tant de terrains disponibles il n’y avait aucune justification de laisser ses animaux brouter chez les autres. Avraham s’est donc séparé de Lot pour préserver son renom et ses valeurs personnelles.

De la même manière, chaque Juif a recueilli d’Avraham un legs d’intégrité, et il ne peut donc pas se permettre de se souiller en s’associant à des pratiques corrompues et coupables. Mais si, sans s’impliquer dans rien de trompeur, il rend simplement des services à de mauvaises gens sans approuver leurs actions, sa conduite peut être comparée à l’empressement d’Avraham d’aider les méchants quand ils ont vraiment eu besoin de son aide. Il est toutefois recommandé, dans de telles situations, d’adopter une attitude discrète, de même qu’Avraham a refusé d’accepter une rémunération des habitants de Sodome, pour ne rien leur devoir de sa fortune. En résumé, on doit essayer de ne s’associer qu’avec des gens vertueux, ainsi qu’il est écrit : « … afin que tu marches dans la voie des gens de bien, et que tu gardes les sentiers des justes » (Proverbes 2, 20).

 

Traduction et adaptation de Jacques KOHN


A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Yoël DOMB
Le rabbin Yoël Domb a été diplômé par le JCT (Center for Business Ethics and Social Responsibility - " Centre pour l'éthique dans les affaires et pour la responsabilité sociale ") et il appartient à la faculté du JCT Pari Midrach. Boursier du Centre pour l'année universitaire 2000-2001, il effectue actuellement des recherches sur les sujets d'éthique dans les affaires contenues dans la loi juive et il prépare un cours destiné à faciliter l'enseignement de ces sujets dans les yechivoth.
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