Au début du conflit en Irak, Saddam en fin manipulateur des foules avait brandi l'arme de la foi. Plus qu'une guerre patriotique ou nationaliste, c'était d'abord une djiad que l'armée irakienne devait livrer aux Américains et aux Britaniques. L'un des généraux l'avait justifié ainsi : " Le djiad est une obligation religieuse, notre mobilisation concerne tous les Musulmans. " Le même général avait salué " les martyrs venus de tout le monde arabe, les djiadistes arrivés en Irak pour y rechercher le paradis..."
Le discours " religieux " que nous devrions analyser aujourd'hui, c'est celui qui maintient les hommes et surtout les plus démunis d'entre eux à l'intérieur d'idéologies qui ont pour but de banaliser la mort et notamment la mort de celui qui ne croit pas dans le même D.ieu qu'eux . Paradoxe suprême: D.ieu devient l'alibi d'une foi qui prône la mort de l'homme... On est alors en droit de se demander s'il s'agit encore de Religion... Il n'en reste pas moins que ces idéologies fascinent et qu'elles sont activement intériorisées par les croyants eux-mêmes.
Leurs relans mortifères, loin de rebuter, poussent les individus qui s'en revendiquent vers une banalisation du supplice et de la mort de l'Autre, mise en scène et macabrement cérémonialisée... Ces idéologies ne sont pas le produit de l'ignorance passive même si elle se vivent et se construisent à l'intérieur de la croyance aveugle. Le savoir est chose toute relative... Il n'est pas toujours synonyme de raison et d'esprit critique... Son étendue n'implique pas systématiquement une capacité à raisonner, à analyser ou à se comporter de façon " éthique ". Les théoriciens du nazisme étaient parfois fort cultivés, Omar (le cerveau de l'enlèvement de Daniel Pearl) est un ancien étudiant d'une des plus prestigieuses université d'Angleterre...
Je peux me diluer et m'abstraire dans le savoir, je ne le peux pas dans l'étude car je cherche à connaître.
Pour le Judaïsme, ce n'est pas le savoir qui est au coeur de la démarche de connaissance , mais l'étude. L'étude implique à la fois une recherche critique et l' acceptation des incertitudes et des lacunes. Etudier veut dire également s'étudier et prendre conscience. Je peux me diluer et m'abstraire dans le savoir, je ne le peux pas dans l'étude car je cherche à connaître aussi bien l'homme de la condition humaine que l'homme que je suis.
Les déformations et les croyances liées à un savoir dogmatique sont inqiétantes parce qu'elles sont le lieu d'une cécité consentie où l'étude abdique devant un savoir déjà donné, déjà démontré. La soumission au dogme incarne cette capitulation de l'analyse critique.
Le dogme manipule, aliène et empêche de penser bien plus que l'ignorance.
Pour les idéologies dogmatiques qui utilisent et instrumentalisent le Religieux, les objectifs et la vérité à atteindre sont posés et atteint avant même que la recherche n'ait commencé. L'ennemi de la vérité n'est pas la remise en question ou l'existence d'opinions contradictoires, mais l'imposition coercitive d'une vérité, la seule qui soit.
Le fait que plusieurs sages aient des opinions radicalement opposées n'a jamais dérangé la Torah ni ceux qui l'étudient depuis des siècles, avant même que l'on ait parlé de tolérance ou de liberté de pensée. Ce qui aurait été proprement insupportable, c'est que l'un d'eux eût cherché par la force ou la persuasion à imposer sa vision comme la seule acceptable, sans la démontrer, dans le mépris et la négation de l'autre.
Le danger qui menace la religion aujourd'hui, ce n'est ni l'atheisme ni le scepticisme, mais le dogme religieux lui-même qui s'impose par le biais d'une foi violente, une foi corrompue et irrévocablement pervertie dès lors qu'elle promet le Salut par l'extermination de l'Autre.