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" J'en ai à suffisance ! "L'interêt actuel pour l'écologie peut illustrer le concept de "suffisance" dans les domaines économiques

Presque tous les problèmes moraux en économie et dans les affaires semblent résulter d'un manque de discernement entre ce que l'on veut et ce dont on a besoin.

Les besoins sont relativement peu nombreux, et la plupart des sociétés se satisfont de ce qu'elles ont sans avoir recours à l'immoralité ou au crime. Ce que l'on veut, en revanche, est presque illimité et, pour reprendre l'adage rabbinique, " qui a cent pièces d'argent en voudrait deux cents ".

Les besoins économiques représentent une aspiration humaine qui, parce qu'elle est essentielle à l'existence et au développement, est la plus puissante de toutes les pulsions.

La sexualité, comme l'expliquent les rabbins, s'assouvit dans l'abstinence et devient vorace quand on l'alimente, tandis qu'avec l'argent, au contraire, moins on en possède plus on en veut, et plus on en a, plus grandes encore sont nos revendications.

Ces exigences d'ordre économique représentent un besoin qui, bien souvent, ne peut pas être satisfait par des moyens normaux et conformes à l'éthique. Aussi le judaïsme les a-t-il canalisées dans une multitude d'injonctions et de commandements (mitsvoth) qui constituent le cadre où elles peuvent être satisfaites sans immoralité ou appropriation frauduleuse. Ces mitsvoth limitent les risques de surexploitation, et ce faisant, enseignent comme idéal que mieux vaut moins que plus.

Nous sommes loin, cependant, d'une glorification de la pauvreté, qui est étrangère au judaïsme (tous les patriarches étaient des hommes riches, contrairement aux fondateurs de la plupart des autres religions qui considéraient la pauvreté comme un idéal spirituel.) Il s'agit simplement d'une acceptation des limitations qui sont essentielles pour la moralité humaine.

Quand notre patriarche Jacob a envoyé des cadeaux à son frère Esaü, celui-ci les a acceptés bien qu'il se glorifiât de sa richesse - " mieux vaut plus que moins ".

Tandis que Jacob a décliné l'offre de son frère, par les mots : " J'en ai à suffisance. "

Peut-être l'intérêt actuel observé à travers le monde pour l'écologie peut-il servir d'exemple de l'importance de ce concept de " suffisance " dans les domaines des affaires et de la moralité économique.

La question fondamentale est ici de trouver un équilibre entre l'utilisation légitime des ressources naturelles pour la création de richesses et la nécessité de limiter l'ensemble des activités qui troublent ou endommagent ce qui appartient à l'homme, comme sa santé, ses plaisirs esthétiques ou d'autres éléments de sa qualité de vie. Ces activités incluent le gaspillage et la destruction immodérée du monde animal, végétal et aquatique.

 

UNE RECHERCHE D'EQUILIBRE

 

Cette recherche d'équilibre porte à la fois sur les problèmes éthiques et économiques de l'écologie.

 

Les problèmes économiques découlent principalement du fait que les ressources naturelles sont limitées. On ne pourra jamais se contenter de rechercher des ressources de remplacement ou fermer les yeux sur l'origine des dommages ou des dérangements causés par l'activité économique d'autrui.

L'importance des sacrifices qu'une société est disposée à consentir pour prévenir ces dommages et pour favoriser son bien-être écologique doit être appréciée à la mesure des bénéfices potentiels que lui procurera l'activité économique. C'est dire que, dès lors que l'on aborde les problèmes d'environnement, le prix de ces sacrifices doit s'équilibrer avec les bénéfices potentiels.

Le chef d'entreprise a l'obligation de considérer les coûts écologiques endurés par la collectivité ou par les individus comme faisant partie de sa production de biens et de services.

La société doit mettre en balance les bénéfices que lui procurent la création d'emplois, la production de biens et de services avec la pollution de l'air, de l'eau, de la couche d'ozone, et de tout ce qui fait partie de la qualité de la vie.

Toutes les restrictions imposées par l'écologie ont un coût qui doit être supporté par quelqu'un. Et l'on a l'obligation, pour des raisons morales, non seulement de s'acquitter de ce coût, mais aussi d'empêcher que des dommages soient causés à la propriété d'autrui, quel qu'en soit le niveau : individuel, collectif ou international.

 

LA CROISSANCE ECONOMIQUE

Le judaïsme ne reconnaît pas de droits illimités à la propriété privée. Il ne peut donc pas accepter une croissance économique illimitée qui entraînerait un coût trop élevé pour la société

D'un point de vue moral, la croissance économique de l'individu et de la société devrait être limitée afin de réaliser l'équilibre écologique désiré.

Seule une société qui accepte cette notion d'" à suffisance ", avec tout ce que cela comporte de limites apportées à la consommation et à la croissance, sera capable de fournir une protection contre les dommages écologiques. Cette " à suffisance " économique signifie que des limitations seront imposées à la consommation, à la pollution et au gaspillage d'énergies fossiles et autres. Elle exige un réexamen des avancées technologiques qui conduira à ce que seront seules permises les activités qui n'endommagent que faiblement l'environnement.

Les restrictions imposées par la loi juive à la croissance économique apparaissent dans toute leur clarté lorsque l'on examine les dispositions légales relatives aux villes de Lévites.

La Bible nous apprend qu'il avait été attribué aux Lévites, dont la tribu n'avait pas reçu de territoire lors du partage de la Terre d'Israel, certaines villes en propriété, dispersées parmi toutes les autres tribus . Ces villes comportaient non seulement des surfaces habitées, mais aussi des terres agricoles et des espaces découverts.La halakha exigeait que leur fussent associées d'emblée des ceintures de verdure, des terres de culture et des surfaces destinées à l'urbanisation.

De l'avis de Maïmonide, cette règle était applicable à toutes les villes d'Israel.

Autrement dit, la croissance de la ville était limitée à un plan préétabli d'occupation des sols qui fixait les superficies affectées à chacune des diverses activités dont elle était le centre, et qui restreignait le droit des habitants à changer la destination de ces ceintures. Les habitants n'avaient pas la possibilité de détruire ces ceintures vertes afin de permettre à la ville de s'étendre.

Si une expansion s'imposait, il fallait construire un nouveau village ou une nouvelle ville. Cela voulait dire qu'il fallait, quand on délocalisait, de nouveaux équipements collectifs, de nouveaux sites industriels, de nouvelles routes, etc. afin de préserver l'équilibre de l'ancienne ville ou de l'ancien village.

Cette législation comporte des implications importantes intéressant la planification urbaine de notre époque au plan de l'écologie. Il semble que la Torah ait entendu réserver l'urbanisation à de petites unités, ce qui a pour conséquence de favoriser des sociétés aux structures resserrées, avec une attention portée à l'individu que ne connaissent pas les grandes métropoles d'aujourd'hui. Elle préservait également les espaces ouverts, la beauté des sites et la pureté de l'air.

Cette politique juive en matière d'urbanisme institue une limitation à la croissance économique même si une telle croissance fournit des avantages financiers à la société. Rappelons à ce sujet que le judaïsme ne reconnaît pas de droits illimités à la propriété privée. Il ne peut donc pas accepter une croissance économique illimitée qui entraînerait un coût trop élevé pour la société.

Le judaïsme est un système orienté vers l'action bien plus que vers la pure spiritualité, et un système orienté vers la collectivité bien plus que vers la promotion de certains individus. On ne s'étonnera donc pas qu'il n'ait pas été permis que notre souci pour l'environnement demeure l'apanage de pieuses exhortations ou d'un enseignement religieux théorique, mais qu'il ait été aussitôt traduit en une action législative.

 

Les lois qui protègent l'environnement ne peuvent fonctionner, cependant, que si les gens sont convaincus qu'ils doivent en payer le prix. Et l'absence de législation signifie, la nature humaine étant ce qu'elle est, que le discours écologique restera un pur bavardage.

 

LES DROITS DE LA COLLECTIVITE

 

La prééminence que la loi juive confère à la collectivité signifie que la halakha doit pouvoir protéger la société contre tous dommages.

Selon la loi juive, les fumées, les bruits et les odeurs sont considérés comme des formes majeures de dommages écologiques.

Les lois sur l'occupation des sols, qui empêchent ces nuisances, ont été une des singularités du judaïsme depuis les temps les plus reculés. Le Michna nous enseigne qu'on doit affecter certaines zones, situées à des distances déterminées, aux activités considérées comme dangereuses.

Non seulement les individus ou les entreprises sont-ils responsables des dommages causés à l'environnement, mais ils doivent prendre des précautions pour ne pas causer de tels dommages.

Il n'est pas permis, selon Maimonide, de causer un dommage même si l'on a l'intention de le réparer plus tard.

Bien entendu, les coûts occasionnés par l'introduction de progrès technologiques ou par la nécessité d'une délocalisation destinée à réduire la pollution doivent être supportés par les entrepreneurs. Il existe, en quelque sorte, un impôt à payer pour protéger la société.

Les rabbins ont vu dans la recherche éternelle de : " Toujours plus ! " la cause du déluge qui a détruit le monde à l'époque de Noé. Les générations d'avant le Déluge se sont inquiétées des risques de surpopulation, tant humaine qu'animale, cette surpopulation menaçant d'épuiser leurs ressources, avec un déchaînement des conflits et une raréfaction des biens de consommation, mais aussi une dégénérescence de toutes les espèces vivantes. Aussi ont-ils institué une stricte régulation des naissances et ont-ils pratiqué une activité sexuelle non procréatrice. Même le monde animal a été perverti afin de voir limiter sa croissance. Quand cela devint insuffisant, ils ont commencé à voler, à piller et à se tuer les uns les autres, ce qui a fini par conduire au Déluge.

 

Il est difficile de croire que ces idées, d'un contenu si actuel, puissent avoir été écrites il y a quelques 2000 années et qu'elles expliquent si pertinemment comment le : " Mieux vaut plus que moins ! " peut parfois conduire à la perversion, à l'immoralité et au crime.

 

(Adapté de l'anglais par Jacques KOHN)



A PROPOS DE L'AUTEUR
le Dr Meir TAMARI
Le Dr Meir Tamari a été directeur du service " Economie " du Bureau du Gouverneur de la Banque d’Israël, et fondateur du JCT [Centre pour l’éthique dans les affaires et pour la responsabilité sociale]
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