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Judaïsme / Loi et Droit back  Retour
Immanence sociale ou transcendance divine de la justice ?

La justice, principe critique du droit, n'est ni dans le cœur de l'homme ni dans la nature: " La justice regarde du haut des cieux ". (Ps. 85,12) Elle émane de D.ieu, source exclusive de la connaissance de la justice. " L'Eternel est notre législateur, l'Eternel est notre roi, l'Eternel est notre juge ". (Isaïe, 33,22 Telle est l'affirmation constante et formelle de la Bible.

C'est au nom de D.ieu que les hommes doivent rendre justice " Car la justice est à Dieu ". (Deut. 1,17) Tout juge, disent les Sages d'Israël, qui juge équitablement devient un associé à l'œuvre de la Création. (Talmud Chabbat 10 a) Car c'est grâce à lui que le rapport avec autrui acquiert la forme ou la structure qui correspond aux intentions initiales du Créateur. La juridiction est considérée à tel point comme une œuvre divine, à effectuer au nom de D.ieu, que les Docteurs du Talmud ont pu s'exprimer en ces termes: " Non seulement le faux jugement est un crime vis-à-vis de la Société, en attribuant la fortune du légitime propriétaire à celui qui n'y a pas droit, mais il est encore un crime vis-à-vis de la Providence qui devra réparer l'injustice commise en son nom ". (Sanhédrin 8a)

" C'est au nom de D.ieu que les hommes doivent rendre justice "

Le contenu du droit, donné aux hommes par une révélation transcendante, se trouve exprimé dans la Bible, dont les normes juridiques sont proclamés au nom des lois divines, éternelles et supérieures. Cette conception dite théorique, fonde le droit sur la volonté divine pure et elle souligne que l'homme ne connaît absolument pas la justice, pas plus que la détermination du bien et du mal. L'incapacité manifeste de l'homme à fixer les lois de la justice est à attribuer au fait que sa connaissance des créatures et de son propre Moi demeure nécessairement fragmentaire par rapport à celle du Créateur.

Celui-ci a fixé nos droits et nos devoirs à l'égard d'autrui selon des lois fondamentales dont le principe directeur nous échappe au même titre que celui qui commande les trajectoires des planètes ou la croissance d'une tige d'herbe. Et de même que le mystère de la nature se dévoile pour nous dans la mesure où nous observons et suivons ses lois, ainsi découvrons-nous les principes de base de la société humaine dans la mesure où nous étudions et appliquons les lois de la justice divine. Le droit nous apparaît ainsi comme étant d'essence irrationnelle.

LES LACUNES DU DROIT HUMAIN

" Au nom de quel critère est déterminé l'ordre supérieur ? Qui déclare quels sont les intérêts les plus respectables ? "

Cette référence directe à D.ieu comme auteur du droit, forme un contraste saisissant avec l'extrême perplexité des juristes devant les problèmes posés par l'origine et la nature du droit. " Celui qui entreprend l'étude du droit ne peut manquer, écrit le Professeur Paul Roubier, d'être frappé par la divergence énorme qui existe entre les jurés consultés sur la définition, le fondement ou le but du droit. Sans doute, on s'accorde à dire que l'objectif du droit est l'établissement d'un ordre social harmonieux et la solution des conflits entre les hommes. Mais dès que l'on dépasse cette proposition assez banale, des désaccords surgissent, comme il n'en existe dans aucune autre discipline intellectuelle ". (Théorie générale du Droit, Avant Propos, Paris 1951).

Après avoir passé en revue les écoles formalistes, idéalistes et réalistes qui ont élaboré trois théories différentes du droit, M. Roubier nous montre dans son livre toutes les doctrines qui cherchent à déterminer la notion de justice : elle est le sentiment de la masse pour M. Duguit ; le sentiment de l'individu pour Rousseau ; une croyance sociale pour M. E. Lévy ; un sens spirituel pour M. Le Fur; une intuition, un instinct etc. tout cela comportant des conséquences juridiques particulières. Pour M. Roubier, c'est le produit d'un progrès constant, un raffinement opéré par les techniciens du droit, oeuvre des juristes, en vue d'un ordre supérieur qui doit régner dans le monde et qui assurera le triomphe des intérêts les plus respectables. Mais Jacques Ellul a déjà fait remarquer que cette manière de définition se borne à repousser la difficulté : au nom de quel critère est déterminé l'ordre supérieur ? Qui déclare quels sont les intérêts les plus respectables ? On reste ici dans l'obscurité et dans le domaine des principes formels externes. (Le fondement théologique du droit . 1946, p. 65).

La même perplexité se révèle dans l'étude richement documentée de G. Del Vecchio ( La justice et la vérité ) comme dans celle de M. Perelman, Professeur de logique à la Faculté de Bruxelles. Dans son livre De la justice , il analyse à fond toutes les formes possibles de la justice rationnelle, logique, en essayant, par la méthode hellénique, de parvenir à la justice. Il montre que tous les concepts comme : " A chacun la même chose ", ou " A chacun selon ses mérites", " A chacun selon ses œuvres ", " A chacun selon ses besoins ", " A chacun selon ce que la Loi lui attribue" etc. aboutissent en fait à l'injustice, dès qu'ils sont transposés sur un milieu et une société humaine vivante.

Ce profond désaccord sur les notions les plus élémentaires, qui subsiste toujours après des millénaires de réflexion et d'étude, ne fait que confirmer la thèse de la doctrine biblique, selon laquelle la justice et le droit ont leur fondement dans des sources transcendantes.



A PROPOS DE L'AUTEUR
le Rabbin Elie MUNK
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